16 Décembre, J-9 avant Noël.

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  Je posais ma tête sur l'épaule de mon frère. Nous occupions, Catherine, John, Will et moi la salle d'attente. J'avais fais les cents avant leur arrivée et depuis quelques minutes je m'étais assise à côté de mon frère. Je crois plutôt que ça fait quelques heures que je me suis posée, mais j'ai l'impression que le temps s'écoule si rapidement. Je vois encore la scène se dérouler sous mes yeux et je ne peux m'empêcher d'imaginer le pire. Je respire lentement pour tenter de calmer mon cœur qui bat la chamade depuis.

— Tu devrais rentrer à la maison Léa, fit doucement Will en me caressant les cheveux.
— Je veux rester pour avoir des nouvelles, répliquai-je en relevant la tête.
— Léa, il faut que tu dormes, assura-t-il fermement, tu as une journée de travail à assurer toute à l'heure...
— Nous vous donnerons des nouvelles par message dès que nous en aurons, promit Catherine, rentrez je vous prie. John, s'il vous plaît, ramenez là.

Je ne pu rien ajouter : John me proposait sa main que je pris à contre cœur en me levant de la chaise. Je fixais Catherine en la suppliant du regard de réellement me donner des nouvelles dès qu'ils en auront. Elle me prit dans ses bras quelques secondes, où je manquai de refondre en larmes une nouvelle fois. John m'attrapa tendrement par le bras en signe de départ.

La nuit fut courte, très courte. Je suis restée pratiquement éveillé toute la nuit  en fait en regardant mon téléphone dans l'espoir qu'il sonne pour m'annoncer une bonne nouvelle. Je devais néanmoins assurer ma journée de travail même si je n'avais pas du tout l'esprit à cela. Les sirènes de l'ambulance résonnaient toujours dans ma tête et je voyais encore les tâches de sang sur mes gants lorsque je regardais mes mains. En fait, j'assurais rien du tout de mon service ; j'ai cassé trois tasses en même pas deux heures, renversé deux cafés, détruit une dizaine de tartelettes et je me suis trompée à plusieurs reprises de commandes auprès des clients. Heureusement que Trice était là pour récupérer mes bêtises et je lui en remerciais à chaque fois. J'étais fatiguée et je déraillais complètement.

— Enora, remue-toi un peu !
— Si vous ne savez pas prononcer Eléanore, appelez-moi Léa, ça devrait être à votre niveau d'élocution ! Balançai-je au patron en posant mon torchon sur le rebord du plan de travail.
— Bien envoyé, me glissa mon amie.
— Ouais bah quelle idée d'avoir un prénom aussi long et compliqué aussi ? Raya-t-il. Allez L-é-a, bouge-toi ! Ces chocolats ne vont pas se servir touts seuls.

J'attrapais le plateau qu'il me tendait et je parti en direction de la table qui avait commandé. Je m'excusais pour cette altercation entre mon responsable et moi auprès des clients en leur servant leurs tasses. Ces derniers m'encourageaient et me dirent que je faisais bien de me défendre. Il est vrai que je ne suis pas la première serveuse qu'il exploite pour quelques ronds. Je ne cessais de m'inquiéter et j'avais exceptionnellement gardé mon téléphone sur moi dans l'espoir qu'il sonne, encore. En revenant près du comptoir, je regardais une nouvelle fois l'écran de mon portable : vide.

— Tu devrais rentrer chez toi ma belle, me conseilla Trice.
— Ça ira, t'inquiète pas Trice, souris-je faussement en prenant un torchon pour essuyer une tasse.
— Léa, tu te remues oui, je vais pas te le répéter 36 000 fois ?
— Remarque, si inquiète-toi, parce que je risque de faire un meurtre ! Informai-je tout bas mon amie avec ironie.

La tasse que j'essuyais maladroitement me glissa des mains et se fracassa en plusieurs morceaux sur le sol. Je lâchais un énième « punaise » en me penchant pour ramasser les plus gros bris de verre, le temps que Trice m'apporte le balai. J'ai vraiment deux mains gauches aujourd'hui.

— Non mais regarde-moi ça ! Regarde toute la casse que tu as fais encore ! Montra cet esclavagiste. Tu as besoin d'argent il me semble, parce que je te signale que ça sera retenu sur ta paye !
— Quelle paye ?! Craquai-je. Vous avez un mois de retard sur nos salaires ! M'énervai-je.
— Léa, calme-toi, tu es sur les nerfs... tenta mon amie derrière mon dos.
— Je te demande pardon ?! Tu vas me parler sur un autre ton gamine s'il te plaît ! Grogna-t-il plus fort que moi. Tu as besoin de moi pour vivre je te signale, tu as besoin de mon argent, lâcha-t-il comme une bombe.
— Et vous savez quoi ? C'est ça qui me répugne, de vivre avec « votre » argent ! Répliquai-je.
— Ok, vas-y lâche-toi bichette, autorisa Trice derrière moi en capitulant.
— Vous voyez Messieurs, Dames ce que nous vivons chaque jour ? Nous n'avons des journées aussi longues que son hypocrisie et son arrogance à ce type, et pourtant nous aimons notre travail, nous aimons vous servir vos petits cafés avec le sourire ! Dégainai-je à l'assemblée présente dans le café en insistant sur la dernière partie de la phrase. Nous avons peut-être besoin de votre argent, mais en attendant c'est vous qui avez besoin de nous pour faire vivre ce lieu !

Une tonnerre d'applaudissement s'éleva dans le café accompagné par des sifflements, et encouragé par Trice qui disait « ça c'est ma Eléanore, celle que je connais ! ». Cependant ma colère montait toujours et ce que j'avais envie de faire c'était de le planter là, prendre mes affaires et partir.

— Tu me le payeras petite sotte, menaça le responsable des lieux tout bas, et aussi près de mon visage pour que son haleine de chacal vienne me chatouiller les narines.
— Non, c'est vous qui payerez. Ripostai-je. Et vous savez quoi ? Je démissionne.
— Tu peux pas partir ?! Tenta-t-il fermement.
— J'vais me gêner, répondis-je en lui jetant mon tablier à la figure.

De nouveau Trice m'applaudit suivi par les clients, et me prit dans ses bras en me chuchotant à l'oreille que j'étais parfaite et que je l'avais enfin remis à sa place. De mon côté, moi je m'excusais de l'abandonner entre ses mains de monstres. Ceux à quoi répondit Trice, qu'elle ne s'inquiétait pas, qu'elle était sûre que je trouverais une solution pour le faire tomber. Je lui promis alors de faire le nécessaire rapidement. J'attrapais mes affaires rapidement et je parti d'un pas décidé vers la porte d'entrée.

— De toute façon, tu vas revenir, pouffa le patron, tu as besoin d'argent.
— Plutôt crever que de revenir travailler pour un esclavagiste comme vous, tranchai-je. Et tu sais quoi « patron », j'insistais sur les guillemets, j'arriverais à le faire tomber ton café, et surtout toi avec !
— C'est une menace ?! Cracha-t-il.
— Non, c'est une promesse, avouai-je un regard malicieux vers Trice.

Cette dernière leva les pouces en l'air avec un large sourire et embrassa ses mains comme pour m'envoyer un baiser imaginaire. Je m'en allais la tête haute, fière d'être enfin libérée de ce fardeau. J'entendis quelques éclats de voix, notamment un « Quoi ? Qu'est-ce que vous regardez tous ? Et puis toi Béatrice remets-toi au travail ! » au quel mon amie a répondu « oh ça va hein » d'un ton méprisant. Je me dépêchais de rejoindre la demeure ; tout ce dont j'avais besoin c'était de chocolat chaud, de réconfort et de tranquillité. Je voulais également des nouvelles de Georges, je voulais entendre sa voix me réconforter, me dire que tout irait bien, comme un grand-père consolerai sa petite fille...
Je rentrais par la porte des employés sur le côté de la bâtisse pour limiter les afflux de journalistes, ces derniers étant à recherche du moindre scoop sur la famille la plus riche du pays. Je saluais des domestiques que je croisais et me dirigeait vers le grand salon. Au passage je déposais mes affaires en bas de l'escalier de nos appartements. J'y trouvais Will, posé sur le sofa à faire des jeux sur son téléphone, ainsi que Snow et Jingle encore ensemble dans le même panier. J'attrapais le plaid posé sur le fauteuil et je m'y installais en enlevant rapidement mes bottines.

— Tu es déjà rentrée Soeurette ?
— J'ai démissionné, avouai-je.
— Pardon ?! Lança-t-il en faisant tomber son téléphone.
— J'ai démissionné Will, répétai-je simplement.
— Enfin, tu l'as fais ! En même temps tu n'as plus besoin de répondre à cet esclavagiste là ! Fit-il. Je sais que ça doit être bizarre pour toi, tu aimais le contact avec les clients il me semble.
— Certes, affirmai-je, mais j'espère le retrouver en étant à la tête de la fortune. Et je pourrais aider plus de personnes comme ça, les rendre heureuse, positivai-je. Dis Will, tu crois que j'y ai été un peu fort en lui promettant de fermer son café ?
— Ah ouais, t'as été jusque là quand même !
— Sur le coup de l'énervement oui, puis je veux « sauver » Trice de cet enfer, alors pourquoi ne pas racheter ce petit café quand il sera sur la paille... réfléchis-je.
— Mademoiselle, j'ai pensé que ça vous ferait plaisir, informa un majordome avec un plateau.

Dessus se trouvait une tasse de thé fumant, ainsi qu'un pot de glace au caramel et une petite cuillère. Je souris et lui demandais comment il avait su que j'en aurais bien besoin en ce moment. Il jeta alors un regard malicieux en direction de Will et je souris de nouveau. Catherine passa dans la salle sans prêter attention à nous, penchée sur un petit calepin.

— Catherine, interpellai-je depuis mon fauteuil.
— Oh Eléanore, William, je ne vous avais pas vu, je m'excuse.
— Avez-vous des nouvelles ? Tentai-je.
— John est à l'hôpital, il m'a appelé il y a dix minutes : son état est stable, mais plus pour très longtemps....

Les larmes me montèrent aux yeux et je fus prise d'un puissant sentiment de tristesse suivi de très près par un sentiment de peur. Devenir une riche héritière m'effrayait et sans mon grand-père d'adoption, tout serait encore plus difficile... j'ouvris le pot de glace et y pris une petite cuillère en guise de réconfort, un peu comme dans les films.  

L'héritière de Noël - Avent 2018Où les histoires vivent. Découvrez maintenant