2 Décembre, J-23 avant Noël.

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Ma nuit fut courte. J'ai presque fuit mon frère hier, puisque comme chaque soir, Will me faisait la morale sur mon job. J'étais bien trop gentille de rester fermer le café le soir alors que ce n'était pas à moi de le faire sur les plannings, que ce gars ne méritait pas sa boutique et encore une fois il me répétait que je devrais faire connaître mon histoire de « serveuse malmenée » sur les réseaux sociaux. Seulement je n'en avais ni la force, ni le courage. Qui ça aurait intéressé franchement ? Les gens continueraient de venir à la boutique pour leurs petites viennoiseries et leurs cafés du matin, vu où nous sommes situés ! Puis comme à chaque fois, je ressortais les mêmes arguments bateaux à mon frère : nous avons besoin de mon travail pour payer les factures et le loyer de notre local, qu'avec seulement son travail nous n'arriverions pas à vivre. Et j'ajoutais, comme je le fais toujours avec Kevin, comme une folle aussi, que j'aimais mon travail et le contact avec les personnes du café. La reconnaissance que pouvait m'apporter les clients me donnait de la joie et j'aimais cela, surtout à l'approche des fêtes de Noël. La boutique était ma deuxième maison et même si mon patron était un esclavagiste égoïste, cette boutique était mon image.

Toujours est-il que je suis déjà au travail, puisque officiellement sur les plannings, c'est moi qui me chargeait de l'ouverture. Il est sept heures quand j'arrive à la boutique, j'ai une bonne demi-heure devant moi pour préparer la journée : nettoyer les présentoirs à pâtisseries, essuyer les tables, ranger les tasses sur les présentoirs et bien d'autres corvées que l'on réalise avant l'ouverture. La sonnette de la porte de derrière résonne dans la petite boutique annonçant l'arrivée du boulanger du coin, nous livrant les croissant, les petits pains au chocolat, des chaussons aux pommes et toutes autres pâtisseries pour la journée.

— C'est le boulanger ! Lança Christophe alors que je continuais de m'occuper des tasses. Et voilà des pâtisseries encore chaudes pour la journée !
— C'est génial, merci ! Tes pâtisseries sont tellement excellentes Christophe !
— Oh, mais tu as une petite mine ma belle... remarqua-t-il.
— J'ai fermé hier soir et c'est moi qui ouvre ce matin...
— Purée, mais il abuse le patron là... J'ai ce qu'il te faut ma belle, un chausson pommes/framboise pour la meilleure des serveuses, me tendit-il avec un sourire bienveillant.
— Tu me connais par cœur, ris-je en prenant le paquet.

Cette pâtisserie est ma préférée depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Une fois de temps en temps, Christophe m'en apporte une et cela me redonne force et courage pour toute la journée. Cette adorable personne pouvait être mon père, et il l'était en quelque sorte. Je n'ai pas connu mes parents, enfin je n'en ai aucun souvenirs. Mon père était médecin militaire et il a perdu la vie en Afghanistan. Ma mère n'ayant pas accepté sa perte, est partie peu de temps après me laissant seule à deux ans avec mon frère qui n'en avait six. Il n'y a que mon frère qui a un réel souvenir de nos parents, j'aimerais qu'il m'en parle parfois, mais il refuse catégoriquement disant que ce n'est pas le bon moment. Il va quand même falloir qu'un jour il m'explique ce que j'ai raté les deux premières années de ma vie, c'est pas comme si j'allais avoir vingt-quatre ans à la fin du mois...

Sept-heures et demi sonne sur la petite horloge murale dans un petite tintement et les portes de la boutique se déverrouillent laissant entrer un flot de clients venus prendre leur café à emporter avant d'aller au travail. D'autres personnes prennent le temps de s'installer, ayant prit le soin d'apporter leur journal du jour, sûrement pris dans la bar tabac à quelques mètres avant notre boutique, pour déguster leur petit croissant. Vers neuf heures, c'est Béatrice qui pointe le bout de son nez pour son service. Béatrice, Trice comme elle préfère qu'on l'appelle, est une jeune femme, maman célibataire de vingt-trois ans. Elle a trouvé ce job rapidement après la naissance de son fils, il y a de ça deux ans. Je pourrais la considérer comme ma petite sœur avec la complicité que nous avons.

L'héritière de Noël - Avent 2018Où les histoires vivent. Découvrez maintenant