3 Décembre, J-22 avant Noël.

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  Pour une fois, j'ai fini à l'heure. Trice m'avait pratiquement ordonné de partir, ne voulant pas que je me tape encore les heures supplémentaires du jour. Je rentrais donc dans notre petit local sous les toits après quinze minutes de marche. Will prépare les cordons bleus premiers prix que nous mangerons devant la télévision, notre table de salle à manger étant encombrée par nos factures et des tonnes d'affaires.

— On se regarde quoi ce soir soeurette ? Me demande-t-il en apportant nos deux assiettes.
— Je ne sais pas, je n'ai pas regardé le programme tv !
— On ne l'a pas reçu je te rappelle, on a économisé sur ça aussi...
— Ah oui c'est vrai, tiquai-je. On peut zapper en attendant de tomber sur un programme qui nous plaira !
— On peut aussi se mettre un DVD !
— Non, William, on ne regardera pas la guerre des étoiles, même pas en rêve ! Répliquai-je.

Nous avons mangé nos cordons bleus sans pour autant trouvé un programme. Alors que j'avais fini mon assiette, je me rendis dans ma chambre, j'ai une tenue à choisir ! Oui, demain c'est mon jour de congé et je suis bien décidée à aller boire du thé dans de la porcelaine de Limoges. Je cherchais dans toute mon armoire mes plus beaux vêtements que j'étalais sur mon lit. Après un choix difficile, j'hésitais encore beaucoup entre deux tenues : l'une avait ma petite jupe à volant noirs avec un haut près du corps manches trois-quarts bordeaux et l'autre avait mon pantalon rose claire et mon tee-shirt à manche longues noir avec des chaines dessus en guise de décorations. J'interpellais mon frère qui passait à ce moment là dans l'encadrement de la porte.

— Will, tu préfères quelle tenue ?
— La jupe sans hésiter ! Tu sors avec Kevin demain ? Demanda-t-il.
— Non, je vais voir une amie !
— Une amie... répéta-t-il, charmeur.
— Non, elle n'est pas célibataire ! Râlai-je en m'avançant derrière lui.

Mon frère soupira avant de retourner dans le canapé continuer son zapping. Catherine n'est peut-être pas célibataire, mais bon une petite dame la cinquantaine passée n'intéresserait certainement pas un jeunot idiot de vingt sept ans. Ce dernier zappait toujours sur les vingt-cinq chaines de la TNT sans trouver le moindre programme intéressant à nous mettre sous la dent pour la soirée. Il passait à toute vitesse les chaines d'informations en continu quand une image interpella mon regard et toute mon attention.

— Reviens sur la chaîne précédente s'il te plait !
— Tu veux regarder les informations toi maintenant ? S'étonna-t-il.
— Reviens ! Insistai-je.
A l'heure actuelle Monsieur Georges est très affaibli et c'est pour cela qu'il n'est pas avec nous ce soir, expliqua une femme à la télé.
— Je la connais... soufflai-je.
— Répète Léa, j'ai pas bien entendu !
— Je la connais, m'exécutai-je plus fort.

C'était une conférence de presse. Des dizaines de journalistes étaient assis devant une estrade. Sur ce dernier, un pupitre décoré de quelques guirlandes de noël montrait la date du jour et le nom de la conférence par une question : « Quel devenir pour la fortune du pays? » Je reconnus immédiatement Catherine et plus loin derrière elle John, l'espèce de vigile/garde du corps qui la suivait partout, sauf pour faire des courses visiblement !

— Tu connais Catherine, la dame de maison de Monsieur Georges De Cambraway, l'homme le plus fortuné du pays ?
— Oui, enfin disons pas tellement, mais ils sont venus au café avant-hier et hier Catherine avait de gros sacs de courses que j'ai aidé à porter jusque dans la cour de leur demeure.
Si Monsieur Georges est à la fin de ses jours, à qui reviendra son héritage ? Nous savons tous qu'il n'a pas d'héritiers directs ! Questionna une journaliste.
— Monsieur Georges à encore de beaux jours devant lui, sachez-le. Ensuite soyez rassurés, sa fortune sera remise entre les mains d'une très bonne personne, répondit Catherine avec confiance.

J'ai donc rencontré, servis et aidé, des personnes très fortuné que tout le monde connait sauf moi ? Mais pourquoi je ne suis pas au courant encore ! Il faudrait tout de même que je me sociabilise un minimum et que je sorte de ma grotte. Ma vie s'arrête à servir des tartelettes à la fraise, des cafés et autres pâtisseries.

— Et si c'était toi l'héritière de la fortune ? Déclara Will sans ma moindre émotion. Imagines.
— Je te demande pardon ? T'as craqué ou bien tu as mis quelque chose de pas net dans ton verre ou quoi ?
— Je vais très bien, t'en fais pas mais imagine cinq secondes ! Tu as tout pour être une princesse soeurette !
— Will, regarde-moi bien ! Je ne suis bonne qu'à servir des chocolats chauds et des cafés toute la journée !
— Léa, juste imagine. Répéta-t-il. Tu as la bonté d'une reine, la gentillesse d'une princesse et la beauté d'une fleur !
— J'espère que ta fleur est fanée, grommelai-je en touchant mes cheveux emmêlés autour de mon élastique.
— T'as très bien compris. Soupira-t-il. Puis imagine, on aurait plus de problèmes de factures, de loyer et d'argent en général ! Tu pourrais reprendre l'équitation et tout ce que tu aimes !
— Je n'ai pas compris, et j'en ai assez d'imaginer un monde qui ne nous est pas destiné ! Rayai-je. Ton idée est magnifique c'est vrai mais c'est totalement absurde.

Il poussa un long soupir. Et s'il n'avait pas tord ? Mais bien sûr que si, il a tord et j'ai raison. Qui voudrait d'une simple serveuse à la tête d'une si grande fortune ? Je n'ai même pas de parents en lien avec ça. Je fais partie du bas peuple submergé par des tonnes d'impôts et de factures, qui travaille d'arrache pied pour payé un loyer impayable et qui se nourrit de malbouffe tous les jours.

— Je vais me coucher, lançai-je à la fin du reportage sur la conférence de presse. Bonne nuit Will, fis-je en lui embrassant la joue.

Il me lança un vague « Bonne nuit Léa. » dans sa barbe tout en reprenant son zapping sur la télé. Au final, j'optais pour la tenue avec ma jupe que j'accorderais avec mes petites bottines à talons pour la journée de demain. J'aurais sûrement mal aux pieds, mais si je veux bien me faire voir, autant que je sois bien habillée. En toute curiosité, j'attrapai mon ordinateur portable et tentai de me renseigner sur la conférence de presse qu'avait donné Catherine. Je n'eus pas grandes difficultés à trouver des informations sur cette grande personne qu'est Monsieur Georges de Cambraway... Si j'avais su qu'une personne aussi riche vivait dans ma ville...
Alors que je traînais sur les réseaux sociaux et que je commençais à jouer les détectives en herbe sur les pages officielles de ces grandes personnes, mon téléphone me sortit de mes recherches. Je décrochai sans pour autant regarder qui pouvait bien m'appeler aussi tard. Je reconnu rapidement la voix de mon petit copain, Kevin.

— Demain on pourrait se voir ? Posa-t-il au milieu de la conversation.
— Euh... hésitai-je en lisant en même temps. Oui, on peut mais dans la soirée.
— Tu as quelque chose de prévu ?
— Oui, je vais voir une amie ! M'empressai-je de répondre.

J'avais répondu vite à cette question, bien trop vite à mon goût. J'avais sûrement un besoin de me justifier. Kevin est mon premier petit ami officiel je dirais. J'ai bien eu quelques amourettes de lycée mais sans plus. J'étais pas encore tellement au point niveau couple, je dois bien avouer.

— Je la connais ?

J'hésitais entre répondre « oui, tout le monde la connaît, elle vient de passer une heure à la télé, si tu la connais pas c'est que tu vis dans une grotte chéri ! » mais tout ce que je réussis à sortir c'est un petit « non » timide tout en continuant mes emplettes sur twitter sous le hashtag de la conférence.
N'étant pas très bavarde ce soir-là et très captivée par mes pseudos recherches, je ne m'étalais pas longtemps au téléphone avec Kevin. Je ne tardais pas à me coucher et sombrer aux pays des merveilles.  

L'héritière de Noël - Avent 2018Où les histoires vivent. Découvrez maintenant