II - 19. Gaël

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28 décembre 2018 – 2600 mots


Pourquoi es-tu encore là ?

Sache qu'il n'est de héros. Sache qu'ils ne veulent pas de toi. Ils n'ont pas besoin de toi. Ils ne savent pas. Tu mourras dans l'ombre de leur ignorance.

Pourquoi prétends-tu encore me défier ?

Je dispose de pouvoirs dont tu ne peux pas même rêver.

Tu crois que ta colère te rend fort. Tu es ignorant. Car je suis la colère !


Livre des sages, Chant du Premier


Twinska, 19 octobre 2010

Gaël savait exactement ce dont disposaient les anges déchus. Trois vaisseaux de type Dragon.

Seul archange resté en Salvanie tandis que les autres se regroupaient à Verde, en Orkanie, il revoyait encore Gabriel lors de son départ lui répéter de ne pas se laisser envahir par la colère. Il se rappelait parfaitement du visage d'Astyane, la jeune ange gardienne qu'ils avaient récupérée en Salvanie Orientale. Il régnait une complicité mystérieuse entre eux deux, dont il se sentait exclu.

Or qu'est-ce qui l'avait mené ici, sinon la colère ? Ne se trouvait-il pas tout près de mettre fin à la terreur exercée par Samaël sur Daln ? Les trois vaisseaux des anges déchus n'étaient-ils pas dans la ligne de mire des Papillons de nuit ?

Au fait, quel nom ridicule pour des avions de combat.

Daln savait développer des avions à hélice, mais en raison des quotas très sévères imposés par Eden sur l'exploitation d'huiles fossiles, la technologie allait ailleurs, vers des dirigeables et des navires plus lents et plus efficaces énergétiquement. Quant à l'énergie nucléaire, elle pourvoyait le monde en électricité, sans plus. Les militaires de tout bord n'imaginaient pas encore gagner un quelconque avantage stratégique avec elle.

Pour croiser le fer avec un Dragon, il fallait dépasser la vitesse du son d'un facteur deux, ce dont nul avion à hélice n'était capable, afin de surprendre l'appareil sur sa trajectoire. Il fallait transporter des armes ambitieuses, des canons et des missiles cent fois plus puissants que les obus de mortier que la garde nationale salvane fabriquait à la hâte.

Aussitôt la présence des anges confirmée par les échos radar, Gaël s'était rué sur les prototypes. Les avions étaient déjà chargés en carburant, un kérosène de dirigeable modifié. Gaël était petit pour un archange, aussi pouvait-il tenir dans le cockpit de son appareil de test, dont il avait adapté lui-même le siège et les commandes. Les Papillons avaient été construits à la main et au jugé ; chacun embarquait des composants différents ; à force de réparer leurs pannes, ils avaient dévié de leurs plans initiaux par essai et erreur, comme l'évolution accélérée des insectes.

« Papillon 2, test radio » dit-il en bouclant sa ceinture.

Il entendit les autres faire le même essai, comme un écho de sa propre voix.

Des hommes s'affairaient à refermer la vitre.

« Allumage moteur... »

Gaël roula du hangar jusqu'à la piste. Au sol, le Papillon rampait péniblement, aussi disgracieux et fragile qu'une méduse sortie de l'eau.

« Contrôle à papillons. Vérifiez que vos radars fonctionnent.

— Cinq échos au Sud-Ouest, indiqua Gaël, suivi par les autres pilotes.

La Chute d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant