Prologue 2 - Le concentrateur

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14 octobre 218 – 2600 mots

J'ai perdu mon concentrateur portatif. Si vous le trouvez, prière de me faire un signe. Si je ne suis pas sur la bonne planète, attendez que je revienne. À quoi ressemble-t-il ? C'est un machin en métal qui se déplie, d'environ un demi-kilogramme. À quoi sert-il ? Ne posez surtout pas la question, je pourrais être tenté de vous répondre, et vous seriez tenté d'étudier l'objet de plus près, et vous pourriez avoir des problèmes.

Petite annonce anonyme déposée en 2008 dans le quotidien Le Rematin


Orkanie du Nord, 7 mars 2010

Ils partirent au coucher du soleil. Disparus bientôt parmi les ombres, ils se concentraient sur leur marche et ne se disaient rien. Leam marchait en s'aidant d'une boussole et d'une carte tachée d'humidité. Dans cette zone préservée de l'activité humaine, le plus difficile n'était pas d'éviter les chemins de forêt, mais de trouver des points de repère.

« Je marche dans la voie de l'équilibre et la sagesse de Kaldar éclaire ce chemin. Je sais te reconnaître et je sais ne pas t'entendre.

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Ce n'est pas à toi que je parle. »

Toutes les quinze minutes environ, Leam répétait son mantra. Armand la suivait de près, mais il suivait les bruits de la forêt et non les marmonnements de la vampire ; aussi ne reconnut-il les mots que très tard sur leur route.

« Le démon intérieur, c'est cela ?

— Remercie mon apprentissage. Plus je suis fatiguée, plus la barrière qui me sépare du démon se fragilise, plus je suis tentée. De l'autre côté tout semble facile. Imagine que ta force devienne illimitée, que tes désirs soient aussitôt assouvis. Il suffit de dire oui, il suffit d'accepter et le vampire entre dans ta demeure.

— Mais en contrepartie, il y a la faim...

— Non, pas la faim, la colère.

— Tuer apaise cette colère ?

— C'est le mensonge du démon. Il dit : mords et tout ira mieux. Tu seras rassasiée. Mais la faim ne cesse jamais. C'est un puits sans fond dans lequel peuvent se jeter des torrents de sang. Dès le premier pas sur ce chemin, mon destin serait scellé : je serais condamnée à me faire monstre. Les vampires ne vivent pas plus de deux siècles, mais je sais qu'en buvant sans cesse, je deviendrais immortelle. Je ne vieillirais pas. Mon visage serait toujours aussi pur, mon corps préservé... en contrepartie, mon esprit abandonné à la corruption. »

Il sentait une hésitation dans son discours.

« Ceux qui représentent le Mal se trompent souvent. Ils donnent aux démons l'apparence de gargouilles hideuses, aux griffes crochues, à la peau purulente. Or le Mal sait se donner toutes les apparences d'un bien. Il sait se présenter comme nécessaire, indispensable, il sait se prétendre la meilleure des options. Il sait paraître beau. Voilà ce que me dit le démon. Mords, tu seras belle et forte comme tu le mérites. Quant à ce garçon, c'est regrettable, mais il mourra de toute façon en chemin. Abandonne cette guerre qui ne te concerne pas ! Retourne en Salvanie, retrouve ta terre et ton domaine, sois-en l'impératrice. La souffrance de tous ces malheureux est nécessaire à l'équilibre du monde.

— Aucune souffrance n'est nécessaire, dit Armand.

— Ainsi parla Kaldar à la sage Jilèn, de Xiloth. Ainsi le dit la légende. Aucune souffrance n'est nécessaire, aucune souffrance n'est préférable. Il vous est peut-être impossible de mettre fin à la souffrance, mais ce n'en est pas moins souhaitable. »

La Chute d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant