I - 18. Yora

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11 novembre 2018 – 2400 mots


Il advint que le sage, en chemin vers un monastère où il tenterait d'accéder à une nouvelle vérité, rencontra deux paysans qui en venaient aux mains.

« Qu'avez-vous ? demanda-t-il, et le premier expliqua :

Vois cet homme. Hier, il a tué un de mes bœufs avec un de ses pièges à loup.

Le deuxième intervint aussitôt :

Ce n'est pas ça. Avant-hier, il s'est introduit dans mes champs pour faucher mon blé, c'est pourquoi j'ai posé des pièges.

Le premier l'arrêta :

Ce n'est pas ça. Il y a deux jours, je l'ai surpris en train d'arracher des carottes de ma plantation, c'est pourquoi je suis allé faucher son blé.

Le deuxième le coupa net :

Il y a trois jours, il a empoisonné l'eau de la source à une lieue d'ici.

Le premier :

Il prenait plus que sa part et il ne restait plus rien pour mes bêtes !

Son chien aboie en permanence toute la nuit !

Ses enfants font du bruit ! »

Le sage les arrêta tous les deux, car ils avaient cessé de lui parler ; ils revenaient à leur jeu d'invectives.

« Une opportunité se présente à vous, hommes : vous pouvez comprendre le cycle du mal. La souffrance enracine le mal dans l'âme des conscients comme une mauvaise graine, qui à son tour engendre le mal, la violence, et plus de souffrance.

Nous ne comprenons pas ce que tu dis » crièrent les hommes en chœur et le prenant pour un fou, ils s'en allèrent.


Livre des Sages


Sur l'Atlante – 25 mars 2010

« Je me suis rendu compte que certains d'entre vous ne comprenaient rien au kaldarisme, dit doucement Eusébus. Ce n'est pas grave. Moi non plus. »

Ceci arracha un rire à son assistance hétéroclite et clairsemée, signe qu'il pouvait commencer. Le Livre des Sages, corné et noirci par l'usage, était posé à côté de lui sur la caisse. Le médiateur avait également produit un petit paquet d'une taille similaire, emballé dans un tissu propre.

« Daln a connu essentiellement deux dieux » dit l'homme avec l'habitude du conteur qui répète depuis vingt ans la même histoire, et la répétera encore vingt ans.

Il endossait avec aisance l'habit du professeur, tout comme il savait blaguer et philosopher. La bonne humeur d'Eusébus, terriblement communicative, aurait donné au plus sévère misanthrope l'envie de laisser une chance à l'humanité.

« Le premier est Unum. Il arrive devant le conscient et annonce : fais ce qui est bien. – Qu'est-ce qui est bien ? Demande le conscient. Unum a plus d'un tour dans son sac, en l'occurrence un livre épais. Et il déclare : – Voici la Loi qui sépare le bien et le mal. La Loi dit ce que tu dois faire et ce que tu ne dois pas faire. La Loi décrit et réglemente ton comportement, ton alimentation, ton habitude.

Ainsi, Unum libère le conscient du poids de ses actions et l'enferme dans la Loi.

Arrive un autre dieu, celui-ci est Kaldar. Par l'intermédiaire de ses intermédiaires, à savoir des gens comme moi – nous partons de loin – il annonce : fais ce qui est bien. – Qu'est-ce qui est bien ? Demande le conscient en baillant un peu. – Je ne sais pas, avoue Kaldar. Interroge-toi. Trace tes propres principes et apprends de chacun. Vois dans chacune de tes actions des conséquences immenses. Libère-toi de la souffrance que tu te causes et que tu causes à autre que toi.

La Chute d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant