I - 19. La Loi de tous les êtres

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11 novembre 2018 – 1800 mots


Voici le pouvoir.

Certains le nomment magie ; pour moi, il porte le nom d'atman.

Il peut percer les frontières de l'espace, balayer la vie et vaincre la mort.

C'est une malédiction.

Adrian von Zögarn


Archipel Zélane, 26 mars 2010

Samaël fut le dernier à rejoindre la réunion des anges sur l'archipel Zélane. Les trois vaisseaux de type Dragon, désormais essentiels pour eux, étaient stationnés en apesanteur artificielle, flottant au-dessus de la forêt comme des ballons gonflés à l'hélium.

Il s'écartèrent instinctivement de lui, attentifs, observateurs, l'esprit obnubilé par leurs interrogations. Même Erlena, qui pourtant avait en lui une grande confiance.

Arama allait prendre la parole la première ; une ange diplomate autrefois employée à Kimpa pour calmer les tensions récurrentes entre l'Empire Naman et ses voisins. Samaël sentit ses pensées et ne lui laissa pas le temps d'ouvrir la bouche.

« Oui, dit-il, j'ai abattu Eden. C'était un choix difficile à faire, mais une nécessité.

Les quatre races de Daln sont tiraillées entre l'empire de la Loi et la réalité de leur existence. Eden était une dictature imposée, une oppression justifiée par un idéal spirituel abstrait et transcendant. Voici le Bien et le Mal, qui vous sont montrés ; voici la Loi, que vous devez suivre afin de vous rapprocher du Divin. Sauf que nous le savons avec certitude. Il n'y a pas de dieu. Il n'y a pas d'Unum, sans quoi il serait venu sauver ses serviteurs. Il n'y a pas de Kaldar. Ce sont des créatures irréelles, sans aucun impact sur nos existences, dont ne subsiste le mythe que parce qu'il sert à certains. Parce qu'il est commode de régner en vertu de lois supérieures, qui écrasent les individus, qui dépassent les États.

— Qu'as-tu fait ? s'exclama-t-elle.

— Eh bien, n'as-tu pas entendu ? J'ai abattu Eden. Eden se targuait d'apporter la justice aux peuples de Daln, mais, nous le savons tous, elle ne faisait que les écraser de ses certitudes. Elle les étouffait de sa Loi inique et arbitraire. Je suis venu apporter la vérité sur Daln. »

Prisonnière d'une gangue de solitude, Amara demeura interdite devant lui, jusqu'à ce qu'elle fût prise de tremblements. Ses mains se couvraient de poussière grisâtre – non, elle devenait minérale, se fossilisait sur place. Ses vêtements se prirent dans la pierre qui atteignit rapidement ses fonctions vitales, jusqu'à ce que la statue qu'elle était devenue se brisât en plusieurs morceaux.

Les anges savaient faire usage de l'atman et lui reconnaissaient diverses formes. Torsions d'espace, guérison du corps, transfert de matière... Samaël avait dépassé de loin cette science à jamais balbutiante, car limitée par la Loi elle-même. Tel un ascète ridicule se laissant crever de faim et de froid, Eden s'était imposée à elle-même les pires des restrictions. Elle aurait pu remplir sa mission, eût-elle décidé de faire usage de son pouvoir, le véritable pouvoir ! Ce pouvoir sans bornes qui dormait depuis toujours dans le Stathme. Ce pouvoir qui avait appelé Samaël à sa tête.

Les anges acceptèrent la disparition d'Arama comme ils avaient accepté celle d'Eden. Tout cela leur semblait maintenant relever d'une logique saine et irréfutable.

« Cette vérité transformera le monde, reprit l'ancien ange gardien. Elle a fait s'effondrer le ciel sur cette planète. Elle apportera la division. Elle apportera le chaos. Elle apportera la souffrance et la mort.

La Chute d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant