XIII/ THE EARTHMOVER

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« Sol. » Elle avait la joue pressée contre ses écailles et il pouvait sentir son souffle se frayer un passage au milieu de la chaleur qu’il dégageait. C’était un pari risqué ; elle aurait pu mourir, se désintégrer. Elle lui avait appris la mortalité au cours des mois qu’ils avaient passé ensemble, lui avait appris à quel point elle et les siens étaient des êtres fragiles, instables, fugaces, un point dans l’espace et dans le temps, différents de son Créateur, différents des peuples qu’il avait croisé lorsqu’il avait pris les planètes qui lui revenaient. Ils ne respiraient pas dans l’espace, contrairement à d’autres, ne respiraient pas sous l’eau, ne supportaient pas les températures extrêmes, les vitesses extrêmes, tout un tas de choses qu’il avait du mal à comprendre, du mal à accepter. Elle n’avait même pas de pouvoirs, aucune caractéristique qui aurait pu faire d’elle un apport intéressant à une quelconque civilisation.

Elle n’avait pas été tuée, pourtant, c’était ce qui l’étonnait le plus. On éliminait les moins utile à la naissance dans certaines civilisations, on les sacrifiait à la terre, on transformait leur corps en une chose sacrée. Elle n’avait pas été tuée et elle avait grandi, elle avait été enlevée, elle avait été conservée comme une chose de valeur, comme un levier. Il ne comprenait pas pourquoi. Il ne savait pas si c’était parce que le gentleman refusait de se salir les mains ou si c’était par négligence, s’il avait pensé que Sol allait la tuer, un jour ou l’autre, qu’il était spécial parce qu’il pouvait communiquer avec lui. Il n’en avait aucune idée. Il n’était pas certain de vouloir savoir.

« Sol. » avait-elle répété, plus doucement, et il avait envoyé une vague de chaleur dans sa direction, à l’intérieur de la bulle qui l’abritait, quelque part entre ses écailles pour être certain qu’elle survive, pour être certain de ne pas la perdre au milieu des galaxies.

« Je t’écoute. »

Elle était facile à écouter, facile à croire, facile à suivre. Elle ressemblait à son Créateur en plus fragile, en plus fébrile et il se demandait si c’était pour cela qu’il l’avait emmenée, si c’était pour cela qu’il avait décidé de délaisser le monde qu’on lui avait donné. Au milieu des étoiles, elle était d’une sérénité qu’il trouvait apaisante.

« Lorsque l’on aura retrouvé mon père, je te ramènerais à ton créateur. »

Il avait failli se stopper net, chute libre au milieu de l’espace. Il avait failli s’éteindre, totalement, surpris par l’annonce, surpris par la détermination. Lorsque l’on, disait-elle, et il n’était pas certain de vouloir l’aider à retrouver celui qu’elle cherchait. Lorsque l’on, soufflait-elle, et il avait gonflé les naseaux, comme prêt à cracher du feu. Il ne l’avait pas fait, évidemment pas, mais il était resté silencieux, un long moment.

« Personne ne peut le retrouver.
– Quand je veux quelque chose, je me débrouille pour y arriver. »

C’était incroyablement présomptueux et peut-être qu’elle ne s’imaginait pas la puissance devant laquelle elle se dressait. Elle était peut-être incapable d’imaginer quelque chose de si grand, sans doute incapable de se projeter aussi loin. Elle était petite, après tout, minuscule, insignifiante, à peine une poussière à l’échelle de l’univers, un grain de sable dans le désert. Peut-être était-ce un sacrilège de penser pouvoir imposer quelque chose à un Créateur. Peut-être n’était-ce rien, il ne pouvait pas le savoir, ne pouvait pas édicter des règles pour faire parler les plus puissants.

« Si tu y arrives, je ramènerais les planètes à leur orbite.
– Alors je n’ai plus le droit de rater. »

C’était un pacte, un serment, quelque chose de sacré au milieu du vide stellaire. C’était une promesse, un fardeau, une responsabilité.

Sans le savoir, ils s’étaient tous les deux faits prisonniers.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant