« Ils sont là. » avait murmuré la voix, doucement, au creux de son crâne.
La voix venait de l'intérieur, une pulsation basse et douce qu'il avait créé. Il entendit la vie qui se déchirait dans la carcasse métallique qui abritait ses créations. Il entendit la mort, tout bas, qui s'effilochait lentement. Des millénaires plus tôt peut-être aurait-il accordé une nouvelle vie à l'homme qui avait déjà tant vécu. Il n'en était plus là.
Lentement, la larme qu'il avait versé se métamorphosait et il l'accueillit en son sein comme on recueille un morceau perdu de soi.
« Créateur. » souffla la larme. « Je vous amène un présent. »
Il sentait. Il savait.
« Mon remplaçant. » avait soufflé Pi. « Mon sacrifice.
– Votre liberté. »
Il suffit d'une pulsion pour qu'il bascule dans le vaisseau. Une femme couverte de plumes le fixait avec une détermination effrayante, une autre était emplie de la même magie que lui, deux hommes, épaules contre épaules, se tenaient en retrait. Ils ne l'intéressaient pas. Ce n'étaient pas eux qui l'appelait. Ce n'était pas eux, qui tiraient sur le fil qui le liait à sa création.
Ils étaient deux, ils n'avaient pas l'air d'avoir peur. Les pieds tachés par le sang qui s'écoulaient au sol, ils redressaient le menton, lui faisait face. Le sang fit un bruit cristallin lorsqu'il y posa le pied, des fleurs écarlates s'enroulèrent lentement autour de ses chevilles alors qu'il avançait.
« Je cherche mon successeur. »
Il ne fit pas attention ni aux protestations ni à l'air sombre que prit l'homme, inclina simplement la tête, en attente d'une réponse.
« Successeur d'un dieu ? » Il y avait un rien d'excitation dans sa voix, quelque chose de presque enfantin, de presque touchant. Les yeux de Pi s'étaient ouverts. Il avait hoché de la tête.
« Pour qu'il puisse régner... » Il sentait son pouvoir lentement filer dans l'air ambiant, emplir l'atmosphère, amener le silence, se mêler à la vie. « Il faut que tu périsses. »
Les mots étaient tombés comme un couperet alors que le corps d'Arthur Lovelace s'effondrait au sol, aux pieds de son successeur, aux pieds de celui que Pi avait choisi.
« Es-tu prêt ? » murmura-t-il, tout bas.
« Ai-je le choix ? »
La réponse était un filet d'air. Pi appuya le bout de ses doigts contre la tempe de l'homme.
Tout devint noir.
Il n'était plus divin, lorsqu'il rouvrit les yeux. Il n'était plus Pi, non plus, plus tout à fait. Il était enfant, assis sur le sol d'un vaisseau spatial, les yeux perdus sur les gens qui l'entouraient, les souvenirs brouillés par tant de temps passé à rêver.
Sur sa peau, une tache lie de vin en forme de dragon courait.
La femme qui émanait de magie auparavant avait été dépossédée de tout don. Elle avait tendu la main, pour l'aider à se relever.
Le sang ne couvrait plus le sol du vaisseau.
Arthur Lovelace ne gisait plus au sol.
Tout semblait presque tranquille.
Doucement, Pi s'était raclé la gorge.
« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? »
Il n'y avait que Luzerne, qui lui avait répondu, la mine sombre, le visage tiraillé entre deux sentiments qu'il connaissait mais sur lequel il peinait à mettre des mots :
« On remet de l'ordre dans la galaxie. »
Les doigts pressés sur la tâche qui palpitait contre ses doigts, il avait hoché de la tête.
FIN.
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de poussière et d'étoiles
Science FictionFINIE | Quelque part au centre de la galaxie, une énergie palpite. Au-dessus des têtes, le Créateur dort. Au milieu de tout cela, le Casino Lovelace asservit la galaxie. Perchée sur les ruines d'un empire détruit, Corbeau veille.