XV/ THE LEAF GIRL

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Les êtres la fixaient d’un air paisible. C’était étrange, de voir pour la première fois depuis des années des visages amicaux, étrange aussi, d’avoir atterri les fesses la première dans une maison en bois qui avait dû prendre des jours et des jours à assembler. C’était un risque, elle supposait, lorsqu’on se laissait glisser au bas d’un dragon qui flottait dans l’espace. Cela n’empêchait pas qu’elle aurait préféré que sa première interaction avec un être vivant ne soit pas des excuses bafouillées dans le patchwork qu’était la langue commune des galaxies.

Ils avaient l’air de la comprendre – c’était déjà un bon point – l’air de ne pas vouloir se battre avec elle pour avoir endommagé un de leur bâtiment, aussi. Ils étaient peut-être pacifique, elle n’en savait rien, ou alors il pratiquait une forme de zen qu’elle n’avait elle-même pas encore atteint lors de toutes ses années d’existence. Elle voudrait leur parler plus, demander une radio, demander pardon, leur donner son prénom, leur expliquer pourquoi elle est là, pour la lumière est si forte, pourquoi l’air sent si fort le sel. Elle voudrait leur dire qu’elle vient en paix. Elle voudrait.

Elle n’avait pas eu le temps, évidemment.

Il y avait une femme, qui émergeait, à l’autre bout du village, des feuilles plein les cheveux et les yeux presque trop grand, une femme qui saluait les habitants du village d’un geste de la main, une femme dont les cheveux formaient une cape sombre autour de son visage. Elle avait des yeux immense et une étrange grâce, elle avait l’air à bout de souffle et elle se demandait pourquoi.

« Bonjour. » avait-elle dit, la tête penchée et les yeux rivés sur la nouvelle arrivée qui expliquait quelque chose aux êtres qui s’agitaient autour d’elles frénétiquement. Elle ne comprenait rien à ce qu’elle racontait mais elle parlait leur langue et rien que cela lui semblait rassurant alors même qu’elle se frayait un chemin vers elle, de la terre sur le visage et des feuilles criblées dans ses vêtements comme si la jungle tentait de pousser de sous sa peau. « Bonjour ? » Elle avait répété, plus fort, et cette fois-ci, l’inconnue avait relevé les yeux.
« Ton père te cherche. » avait été les premiers mots de la femme et ses épaules s’étaient détendues, subitement.

C’était incongru, comme hasard, stupide même. La probabilité pour qu’elle croise des gens qui connaissaient son père dans un si petit bout d’espace lui semblait risible. C’était incongru, mais c’était ce qui arrivait et elle n’avait pas pensé à demander comment, pourquoi, où, toujours assise sur son monticule de bois cassé, une main glissée dans ses cheveux courts, déboussolée. Ton père te cherche, et c’était une sensation étrange, parce qu’elle pensait être celle qui était à sa recherche, pas le contraire, certainement pas l’inverse, certainement pas après tant d’années.

« Je m’appelle Carmine. »

Elle se demandait depuis combien de temps elle n’avait pas prononcé son propre prénom.

« Je sais. » avait répondu la femme, tout en lui proposant une main qu’elle s’était empressée de saisir. « Tu peux m’appeler Luz. »

Le vert de ses yeux était plus intense encore que celui des feuilles, n’avait-elle pu s’empêcher de penser.
Contre la plante de ses pieds, le bois avait commencé à crépiter.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant