XVIII/ The Beast

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Elle le fixait, debout sur le cockpit, les yeux fermés et l'oeil qui lui ceignait le front dirigé vers lui sans cligner, sans bouger. Assise à ses côtés, Carmine souriait. Il connaissait l'empreinte de son esprit, l'avait senti, des années auparavant, avait senti sa mère tenter de parcourir son crâne et s'y perdre lorsqu'il s'était approprié une des planètes de sa galaxie. Ce n'était pas une ennemie, avait juré Carmine. Elle ne voulait pas se venger de lui, lui avait-elle certifié, mais il était prêt à attaquer lorsqu'elle avait décollé du métal gelée du vaisseau d'un coup sec du talon, soudainement enveloppée d'une nuée d'insecte qui formait autour d'elle une protection contre le vide spatial et contre le manque d'oxygène, contre la chaleur et contre le froid, contre le dragon à qui elle faisait face à présent.

« Princesse. » l'avait-il salué, lorsqu'elle était arrivé à son niveau.

« Corbeau. » l'avait-elle corrigé et il l'avait laissée faire. Les seuls noms qui avaient de l'importance était ceux que l'on s'attribuait. « Je devrais te tuer. » avait-elle continué et il avait observé l'univers derrière elle, trop petite, presque insignifiante au milieu de l'univers.

« Ta mère a perdu la tête en tentant de m'arrêter. »

Elle s'était posée sur sa patte et il avait senti vrombir contre ses écailles la puissance qu'elle mobilisait pour contrôler son enveloppe, pour maîtriser chaque insecte, pour faire bouger chaque parcelle de son être de la façon dont elle le souhaitait, pour ne pas perdre le contrôle, pour ne pas se perdre, pour retourner sur le vaisseau, sur sa terre, pour repartir et pour se venger, pour ramener dans leur orbite tout l'univers qui avait été volé. Il se demandait si elle avait peur. Il se demandait si elle était encore capable de ressentir la peur. Elle avait semblé s'émouvoir, lorsque le feu avait démarré et qu'elle avait jeté Carmine sur son dos, avait semblé ressentir quelque chose lorsque Carmine lui avait parlé de lui. Elle avait semblé, mais elle jouait bien la comédie, princesse mécanicienne et volatile, son troisième oeil braqué sur lui sans bouger.

« La fillette m'a promis de me ramener à mon Créateur.

– Elle m'a dit. J'ai promis de l'aider.

– Mais ?

– Mais je veux récupérer toutes les planètes qui ont été volées.

– Mais ?

– Mais je veux tuer Arthur Lovelace.

– Vous aviez volé ces planètes.

– Je ne veux pas d'un empire. Je ne veux pas rendre à ma mère quelque chose qu'elle n'aurait jamais dû avoir.

– Alors pourquoi ?

– Je veux vider Necropolis. »

Il ne s'était pas attendu aux images qui avaient brillé sous forme de flash à l'intérieur de son crâne, des cadavres sur des cadavres sur des cadavres et l'odeur pestilentielle du charnier, l'ascenseur qui descendait au bas de la tour et les combats, les mains de Corbeau couvertes de sang et la tâche carmin sur la joue d'Arthur lorsqu'elle s'était échappée, la fugue et la colère et la rage et l'odeur qui collait sa peau alors que des siècles la séparaient de son ancienne vie. Il s'était attendu à beaucoup de choses mais pas à ça. Lentement, il avait fermé les yeux.

« Nous pouvons nous associer. » avait-il conclu.

« Mais ?

– Mais je veux la tête du Gentleman. »

Elle avait hoché de la tête, un geste bref et sec et, les yeux entrouverts, avaient sauté dans l'espace pour rejoindre le vaisseau.

En bas, la fillette l'attendait.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant