II/ THE ALIEN EMPRESS

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Dans une autre vie, elle était belle. Il en restait les traces, derrière la décrépitude, quelque chose comme une brume de ce qui avait été et de ce qui n’était plus. Plus que belle, elle était : puissance, magnifique, terrifiante, l’Impératrice des Milles Étoiles, la plus grande conquérante de son temps. Il n’en restait plus grand chose, maintenant qu’elle se terrait au fond de Necropolis, à peine une rumeur, un murmure, à peine une histoire. Ses Etoiles avaient été volées comme on dérobe les joyaux d’une couronne, sa planète avait été kidnappée par une puissance contre laquelle elle n’avait pas pu lutter. Plus personne ne se souvient d’elle à présent, émaciée, les yeux levés dans l’espoir d’apercevoir un bout de ciel au milieu des tours gargantuesques, la démence au fond des yeux. Elle ne la regardait même pas lorsqu’elle avait flotté silencieusement vers elle, son masque sur le visage et sa cape enroulée autour de ses épaules. Elle ne la regardait pas mais elle la voyait ; elle le savait.

« Corbeau. » avait articulé l’Impératrice d’une voix aux accents des temps anciens. « À genoux pour ton Impératrice. »

Elle n’avait pas protesté, silencieuse alors qu’elle se laissait tomber à genoux sur le sol putride, au milieu des détritus qui s’amoncelaient, au centre du plus grand charnier de suicidés que les mondes aient porté. Elle s’était agenouillée en hommage aux siècles de gloire, elle s’était agenouillée par respect, par nostalgie, la nuque droite et les épaules tendues, le long bec de son masque pointé vers le sol.

« Je veux que tu retrouves ma planète. »

C’était un ordre, c’était une requête, c’était le dernier vœux d’une puissance colossale réduite à un corps incrusté dans le sol mouvant et sale du quartier. Elle avait entendu cette phrase, encore et encore, l’avait écoutée réclamer, exiger, demander, prier, lentement se désagréger dans l’air ambiant alors que les siècles s’écoulaient. Dans les paumes de l’Impératrice, deux yeux accusateurs s’étaient ouverts pour la fixer. Elle les avait laissé faire, avait laissé la force fouiller son esprit, palper ses souvenirs, manipuler son cerveau avec une délicatesse presque enfantine, les doigts pressées contre un objet précieux pour en apercevoir les moindres secrets. Elle avait perdu en force, depuis le temps, s’était effondrée comme tout le reste, perdue dans les bas-fonds de la cité. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne voyait plus tout, bien longtemps qu’elle ne savait plus où chercher.

Cela faisait bien longtemps que le Corbeau avait appris à dissimuler.

« Je suis à votre service, votre Altesse. » avait-elle soufflé, avant de décoller, portée par un courant d’air.

Au milieu des plumes mouvantes, au-dessus de sa cape, un œil s’était ouvert, scrutateur.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant