« Peut-être que tu devrais partir à sa recherche. » avait murmuré la jeune fille au soleil, le menton planté dans la paume de ses mains, allongée de tout son long sur une mousse violacée qui recouvrait le sol près du cours d’eau. Le soleil ne répondait pas toujours, patient, déconnecté du cours du temps. Il prenait parfois une heure ou une seconde, laissait les choses se faire sans réellement y prendre part, sans réellement s’investir.
« Partir ? » Il avait demandé et elle pouvait lire à la pensée que l’idée ne l’avait jamais traversé. Il était né dans cette galaxie stérile, elle pensait, né au milieu du vide et il avait dû traverser et voler des planètes pour peupler son monde, remettre les choses dans leur axe, dans le bon ordre. Quand elle lui demandait pourquoi, il ne savait pas lui répondre ; il lui disait « parce que je dois » ou « parce que c’est comme ça », des ersatz de piste qui ne lui donnait jamais satisfaction.
« Partir » avait-elle répété, patiemment, une main glissée dans les fines boucles qui recouvraient son crâne.
« Je ne peux pas partir. Le Gentleman m’a dit qu’il me Le ramènerait si je te gardais.
– Il ne tiendra pas ses promesses. »
Il ne tenait jamais ses promesses, il était beaucoup trop bon pour distiller le poison pour se donner la peine de le guérir, trop puissant, trop, trop, trop, et elle s’était passé une main sur le visage, épuisée.
« Il m’a donné des planètes pour peupler ma galaxie.
– Il n’avait pas le pouvoir de te les donner.
– Il l’a fait, pourtant.
– Il n’avait pas le droit. »
Elle se souvenait de la chute de l’Empire et de la vague des voyageurs galactiques. Elle se souvenait de la terreur des planètes kidnappées et de la chute lente au fin fond de Necropolis. Elle se souvenait et pourtant elle n’avait pas compris, à l’époque, pas vraiment. Elle n’avait pas compris qu’Arthur Lovelace jouait avec les ficelles, faisait jouer d’immenses plaques tectoniques pour mieux ébranler l’univers tout entier. Elle n’avait pas compris, bien sûr, évidemment, qu’il remplissait les cales de sa planète pour en faire mieux tourner l’économie, que le sang des uns était le carburant des autres. Elle n’avait pas compris ; personne n’avait pu. On avait appelé ça un « malheureux hasard », un « accident galactique », on avait monté des théories du complot, des explications tordues, on avait cherché, bien sûr, mais Sol était une bête que personne n’avait vu auparavant, loin des baleines spatiales, loin des tortues géantes qui se faisaient passer pour des étoiles pour éviter d’être chassées.
« Sol. » Elle avait appelé. « Ce n’est pas un gentleman. C’est Arthur Lovelace. Il t’a utilisé. »
Il n’avait pas répondu.
« Ta galaxie entière est construite sur des décombres. »
Elle avait entendu le craquement de ses écailles.
« Tu dois m’aider. »
Sans prévenir, le sol avait commencé à trembler.
Elle était préparée.
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de poussière et d'étoiles
Ciencia FicciónFINIE | Quelque part au centre de la galaxie, une énergie palpite. Au-dessus des têtes, le Créateur dort. Au milieu de tout cela, le Casino Lovelace asservit la galaxie. Perchée sur les ruines d'un empire détruit, Corbeau veille.