VIII/ THE SPACE PRIEST

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Il avait les yeux perdus dans le vide, juché sur la machine qui vrombissait dans la cale. Si elle n’avait pas été aussi tendue, peut-être que Luzerne lui aurait adressé un sourire ou même un mot, quelques phrases, un encouragement, suffisamment vague pour ne pas trop pousser à la discussion, suffisamment précis pour qu’il sente qu’elle se souciait de lui. Elle aurait pu, mais elle avait une tension dans les épaules, un frisson au bout des doigts, elle aurait pu mais il y avait son regard, fiché entre ses omoplates, quelque chose de précis, quelque chose de glaçant, quelque chose qui ne la laissait pas s’échapper. D’un geste lent, elle avait pressé sa clé à molette contre la machine qu’elle démontait.

« J’ai entendu des confessions dans toute la galaxie, tu sais. »

Non, elle ne savait pas. Elle n’avait pas pu prévoir, ils avaient presque disparu, les prêtres de l’ancienne religion, les gardiens des secrets, les porteurs de la vérité. Elle n’aurait peut-être pas accepté, si elle avait su, parce que ses yeux la scrutaient, parce qu’il la dévisageait et qu’elle attendait qu’il parle à nouveau, se lance dans le discours qu’il avait visiblement préparé.

« J’ai rencontré l’Impératrice des Milles Étoiles avant que le dragon n’arrive. »

Elle aurait pu l’interrompre mais elle était restée de marbre. Elle savait ce qui arrivait, elle savait où il voulait en venir. Elle savait, bien sûr qu’elle savait et elle avait fait volte-face, prête à frapper, prête à attaquer. Un nuage noir de nano robots contre sa peau alors qu’elle tendait la main vers lui, presque menaçante. Elle avait suspendu son geste, lorsqu’il avait élevé les mains pour l’interrompre, s’était fendu d’un sourire.

« Je ne dirais rien.

– Comment ? » Elle avait persiflé et il n’y avait plus rien de la candeur feinte qu’elle affichait habituellement, les yeux comme des fentes et la mâchoire crispée. « Comment, vieillard ? Comment ?!

– Je n’oublie jamais un visage. Tu avais sept ans et un seul de tes yeux était ouvert. »

Elle avait abaissé la main, hésitation au bout des doigts, respiration qui s’arrête. Tu avais sept ans, il avait dit, un seul de tes yeux était ouvert, et ça sonnait vrai, évidemment, et elle ne pouvait pas se souvenir de son visage faute de l’avoir vu mais la situation vibrait, mais la situation sonnait juste, mais elle se souvenait des prêtres qui paradaient à la cour, mais elle se souvenait des secrets que sa mère dispensait pour alléger le poids de son âme, pour apaiser une conscience emplie des planètes et des peuples qu’elle avait asservie, royaume de mille étoiles et d’autant de chagrins.

« Personne ne doit savoir. » Elle avait tranché, et les insectes noirs battaient en retraite sous ses vêtement.

« Princesse, » il avait souri et elle avait eu envie de lui arracher le visage. « Personne ne saura rien si vous me rendez ma fille. »

Princesse. Ça avait tourné dans sa tête, encore et encore.

Princesse, avait recommencé la voix et elle avait pincé les lèvres.

Corbeau, avait soufflé la voix de sa mère et elle avait détendu un à un les muscles de ses épaules, hoché d’un geste sec son menton.

Ce secret-là, au moins, était bien gardé.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant