XX/ The Invaders

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La mâchoire d'Aulne projetait des ombres affutées au creux de son cou. C'était son seul point de repère, son seul point de sécurité et il gardait ses yeux soigneusement rivé sur cette ombre alors qu'ils montaient par l'ascenseur des invités du casino Lovelace. Aulne devait se faire passer pour son garde du corps ; lui, de son côté, n'avait qu'à feindre d'être un énième héritier d'une branche spatiale lointaine. Ce n'était pas compliqué, en théorie. Ce n'était même pas censé être son travail, en réalité, mais la requête de la fille les avait pris de court, parce qu'elle appuyait sur tout leur point faible. Il avait bien vu Luzerne résister avant d'hocher de la tête, avait bien vu la mâchoire d'Eliezer se crisper, savait qu'Aulne n'avait accepté qu'à cause de lui. Il se rappelait, Aulne, de l'état dans lequel Saule était lorsqu'ils se sont rencontrés, un nouveau pied posé à la vie vite dans l'infection du charnier, une main presque gangrenée qui nécessitait d'être changée. Il s'en souvenait et Saule savait qu'il n'avait jamais pu pardonner, qu'il n'avait jamais tenté de le faire. Il n'en avait jamais parlé. Ils n'en avaient jamais parlé. C'était juste comme ça et Saule avait fermé les yeux, pressé contre le verre de l'ascenseur, appuyé contre l'épaule stable d'Aulne.

Ils étaient juste la première vague de l'invasion. Luzerne, Carmine et Eliezer attendaient dans le monte-charge, peinturlurés de sang et de boue, vêtements déchirés et un air de désespoir presque trop naturel sur le visage. Luzerne l'avait regardé longuement avant qu'ils ne se séparent et il se demandait si elle le ressentait, elle aussi, l'intense sensation de savoir par quoi l'autre était passé, de savoir ce qu'il ressentait, là, à présent qu'ils partaient en mission pour couper la tête de la plus haute entitée de la galaxie. Il n'en savait rien. Luzerne était imprévisible.

« Ils vont t'adorer. » lui avait glissé Aulne, penché vers lui.

« Je ne suis pas certain que ce soit un compliment. »

Il avait souri, doucement, lorsque les doigts de Wolf s'étaient pressés contre son épaule, contre son avant-bras, contre sa main, l'air de rien. Ils ne parlaient pas de ça, non plus. C'était comme ça, c'était tout, personne n'en parlait, personne ne voulait évoquer le sujet. Ce n'était pas très important. Ce n'était pas essentiel. Ils avaient une mission, ils avaient un plan et tout allait se dérouler parfaitement. Ou correctement, à défaut de « parfaitement » ce qui était amplement suffisant.

« Saule. » avait appelé Aulne et il avait levé les yeux vers les étages qui défilaient ridiculement vite vers le sommet. Il avait frissonné lorsque les lèvres d'Aulne avait effleuré son oreille un peu trop fort, avait fermé les yeux, lorsqu'il avait murmuré : « Moi, je t'adore. »

Ça n'avait duré qu'une seconde et ça avait suffi, lorsque la porte s'était ouverte sur la décadence du casino, Saule avait redressé le menton, son plus beau sourire d'apparat sur le visage.

Il avait une mission à mener à bien.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant