XXII/ The Intergalactic Family

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Il attendait. C'était une sensation familière, habituelle, même. Il avait l'habitude de rester perché au sommet du monte-charge, pour voir son peuple monter à lui, pour observer les gens qu'il avait mis au fond du trou s'offrir à lui avec une innocence qui lui semblait incroyable. Il attendait, les jambes dans le vide et le grincement des filins métalliques dans les oreilles. Il attendait, et il se revoyait enfant, assis au même endroit.

Le monte-charge n'existait pas, à l'époque. Il y avait un trou béant, à ce moment-là, et son frère était tombé dedans. Il ne l'avait pas poussé mais on l'avait félicité comme s'il l'avait fait, parce qu'il ne pouvait y avoir qu'un héritier Lovelace et que seul le plus méritant devait rester en vie, parce que les places dans les caissons étaient limitées, parce qu'ils ne pouvaient s'embarrasser d'une bouche inutile. Il avait tenté de protester, trop jeune pour savoir profiter d'une occasion qu'on lui offrait. Il avait voulu nier. Il n'aurait pas fait la même erreur, s'il se produisait la même chose à présent. Il ne nierait pas un crime qu'il n'avait pas commis, ne reculerait devant rien si cela signifiait asseoir sa puissance.

Avec un soupir, il avait fait tourner entre ses doigts son porte-cigarette avant de s'appuyer contre les jambes de Sal, qui se tenait derrière lui.

« Tu as retrouvé la gamine ?

– Non mais il y a eu un feu, sur une planète proche du système factice.

– Le dragon ?

– Les autochtones ont refusé de répondre.

– Je pensais que tu savais que personne ne pouvait me refuser quoi que ce soit.

– C'est faux.

– Ce n'est pas le sujet. »

Pas cette fois-là, en tout cas, et il s'était passé une main dans les cheveux, avait ignoré le regard insistant que Sal avait pressé sur lui. Ils ne parlaient pas de ça. Ils ne l'évoquaient même pas, en réalité, d'Arthur qui était descendu une fois de sa tour d'ivoire, des années auparavant et de Sal, de la boue plein les cheveux et de la haine plein les yeux qui lui avait craché dessus. Ils n'en parlaient pas parce que le fait qu'ils se dressent au-dessus de la ville à présent prouvait qu'ils avaient un jour reniés leurs principes. Ils n'en parlaient pas parce que c'était trop inconfortable, trop glissant pour se risquer sur ce terrain-là.

« Ce n'était pas le dragon. » avait finir par murmurer Sal en appuyant ses doigts contre le sommet du crâne d'Arthur. « Ils ont fini par parler.

– Qui, alors ?

– La fille, probablement, ils ont dit qu'elle venait des nuages.

– Ça n'a aucun sens.

– C'est vrai. C'est comme ça. »

Il y avait eu un instant de flottement, un moment de vide et Arthur s'était penché au-dessus du gouffre qui s'ouvrait sous ses pieds.

« Tu n'as aucun sens non plus, Sal.

– C'est pour ça que je t'ai suivi.

– Ça n'explique pas pourquoi tu es resté. »

Il avait senti les doigts trembler, une seconde, contre son cuir chevelu, avait soupiré de soulagement lorsque les mots, finalement, avaient résonné :

« Parce que tu es ma famille. »

Il n'avait pas questionné sa sincérité. Lui aussi le savait.

Cela faisait des années.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant