XXIX/ The Cruise Ship

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C'était le crissement du métal qui l'avait fait hurler. C'était un bruit aigu, un bruit affreux, un bruit anxiogène et elle s'était jetée sur son père pour lui éviter d'être pris sous un câble électrique aussi large que son bras. Il y avait eu un vacarme effroyable et les doigts de son père s'étaient enfoncés dans sa peau, comme pour la protéger, comme pour la rassurer.

Ça n'avait pas marché. Ça n'avait pas fonctionné.

Dehors, tout était noir.

Autour d'eux, tout bruissait.

Au commande du navire, Aulne jurait.

Elle l'avait souvent vu jurer ; il avait juré, lorsqu'elle était arrivée sur le vaisseau. Il avait juré, lorsqu'il avait compris qui était Luzerne. Il avait juré, lorsqu'elle était tombée sur lui en train d'embrasser Saule. Il avait juré, lorsqu'elle lui avait donné les coordonnées que lui avaient transmises Sol, une ligne de chiffre qui ne voulait rien dire pour elle mais qui semblait lui parler, des suites de symboles qui lui semblait n'avoir aucun sens, aucun but, mais qu'il avait rentré d'un geste sûr dans la matrice en marmonnant entre ses dents. Il avait juré, encore et encore et encore, des chapelets d'injures qui semblaient presque inépuisables. Il était comme ça, c'était tout. Ce n'était pas les mêmes jurons, cette fois-là. C'était autre chose et elle s'était redressée, fébrile, alors qu'une embardée du vaisseau arrachait presque Aulne du siège où il était crispé.

« Carmine ! » Il avait appelé et elle s'était précipitée vers lui pour se poster à ses côtés. C'était presque un automatisme, depuis qu'il lui avait appris comment se servir du tableau de bord, presque une évidence et elle manipulait avec une assurance qu'elle espérait convaincante les boutons qui étaient censés stabiliser le vaisseau. Le premier bouclier, d'abord, l'anti-plasmique, la barrière anti-météores, le stabilisateur qui permettait d'amoindrir les cahots des autoroutes spatiales. Ce n'était pas appropriée, pas cette fois-là, et elle avait tenté de joindre Sol, les yeux fermés et les sourcils froncés, la panique au fond de la gorge et les mains crispées. Jusque là, ça avait toujours été rassurant.

Ce n'était pas le cas. Pas cette fois-là.

« Tout va bien. » lui avait-il assuré et le vaisseau avait vrombit au rythme des mots. « Je vous ramène simplement à mon Créateur.

– Tu vas nous tuer !

– Tu as promis que rien ne te stopperait, Carmine. »

Elle l'avait fait. C'était une réalité, quelque chose qui inscrivait coupable en lettre de sang sur son front, quelque chose qui faisait d'elle une meurtrière. Tu as promis, et elle s'en souvenait, tu as promis, et un hoquet étranglé l'avait secouée.

« Pourquoi ?

– Je ne peux pas revenir à lui sans rien lui ramener. »

Elle était presque sûre que c'était elle qui le lui avait dit, presque certaine qu'elle lui avait soufflé l'idée lorsqu'elle lui parlait de son père et de la façon qu'il avait de ne jamais arriver quelque part les mains vides. C'était sa faute. C'était sa faute. C'était évident et elle avait ravalé un sanglot lorsque le dragon avait soufflé, doucement, comme pour la calmer, comme pour l'apaiser, comme pour lui dire que tout allait bien se passer.

« Tu ne dois pas avoir peur. »

C'était trop facile à dire, trop facile à affirmer, trop facile pour lui et elle avait failli s'effondrer lorsqu'un corps s'était plaqué contre son dos pour saisir ses mains, stabiliser ses paumes qui tremblaient à s'en blesser contre les leviers. Elle avait laissé les larmes couler contre les mains de Luzerne, avait laissé la houle l'écraser contre les machines, les cheveux de Luzerne mélanger aux siens et le battement de son coeur contre son dos, quelque chose d'infernalement vivant au creux du ventre. Il fallait qu'ils s'en sortent. Il fallait qu'ils s'en tirent. Ils n'avaient pas le choix, ils n'avaient pas le droit, ils ne pouvaient pas reculer, se laisser malmener, baisser les bras. Les mains de Luzerne avaient serré les siennes, fort.

De toutes ses forces, elle avait tiré sur le levier qui coupait les machines. Dans la cabine, il n'y avait plus eu que le silence. Lorsqu'ils étaient tombés en chute libre, elle avait laissé les bras de Luzerne l'envelopper.

de poussière et d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant