Chapitre 11

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SOL

J-5

La maison de Lali est petite et fonctionnelle, comme toutes les habitations de la Cita. La famille occupe le premier étage. Il y a une chambre, dans laquelle dort normalement Lali, mais ce sont ses parents qui s'y sont installés ce soir après le repas, « pour nous laisser un peu d'intimité ». Lali les a prévenus que nous allions bientôt sortir. Ils ont acquiescé sans demander de précision, ils semblent savoir où nous allons.

Il n'y a pas vraiment de couvre-feu dans la Cita, des gens circulent encore dans les rues. S'ils sont peu nombreux à se promener après le souper, c'est surtout qu'ils doivent se lever tôt pour aller travailler. Nous croisons quelques passants pressés, nous passons impunément devant les caméras qui bordent certaines artères. Je les compte machinalement en me demandant ce que Mademoiselle Hélène penserait si elle me voyait sur son écran, à déambuler dehors en compagnie d'une fille. J'ai été surpris que M. Bubble me laisse sous la surveillance d'Oggy et Lorna. Ils doivent tous avoir envie que je m'intègre vite. C'est sûr que ce serait mieux pour tout le monde. Nous tournons deux fois à gauche, nous nous éloignons de la rivière. Lali ralentit le pas et finit par s'arrêter devant la porte d'une maison, elle toque, une fille nous ouvre. Je l'ai vue hier, elle était de celles qui posaient des questions en gloussant. Elle arbore un grand sourire, elle nous tend un verre de nutic alors que nous sommes encore sur le seuil. Nous entrons et suivons la fille dans l'habitation qui occupe le rez-de-chaussée. C'est donc ici que se passera la soirée ? il n'y a personne, j'imagine que nous devons être les premiers. Je m'apprête à boire une goutte de nutic quand Lali m'arrête :

- Non, laisse ça pour les prochains !

Je rends le verre à notre hôtesse sans saisir.

- Ici, c'est juste le paravent, me dit Lali en traversant l'étroit salon.

Je ne comprends rien. Lali me fait un clin d'œil et m'entraîne à l'arrière de la maison, où une petite porte nous permet de ressortir aussi vite que nous sommes entrés. Je me retourne, pour voir si la fille nous suit, mais elle est restée chez elle et a refermé derrière nous.

- Maintenant, on fait gaffe, me prévient Lali à voix basse.

Et effectivement, elle se colle au mur extérieur et vérifie autour d'elle que la voie est libre avant d'avancer. D'après ce qu'elle me dit (en chuchotant), il n'y a pas de caméra de ce côté. Lali se montre tout de même très prudente, elle avance tout doucement et stoppe de temps en temps quand elle entend un bruit au loin. Je la suis en adoptant sa façon de faire et je sens l'adrénaline monter en moi. Ok, Lali n'est peut-être pas aussi sage qu'elle le paraît. Il semblerait que le pur produit de la Cita ait des secrets. Le chemin que nous avons à parcourir est court, heureusement. Au détour d'une rue, Lali s'engouffre dans une petite impasse. Je marche à ses côtés, elle a le sourire énigmatique de celle qui sait ce que les autres ignorent. Elle s'arrête devant un mur de briques et vérifie l'heure sur son écran.

- Une minute, dit-elle en observant l'entrée de la ruelle.

Résolu à ne pas poser de questions, j'attends. La minute s'écoule, le plus lentement possible. Tout à coup, Lali se fige. Des bruits dans la rue, plus loin. Nous nous pressons contre le mur. Lali est blanche comme un linge, elle ne bouge plus d'un cil. J'hésite à tourner la tête, je suis sûr que M. Bubble va surgir de l'autre côté. Je m'aplatis, autant que possible, retiens ma respiration, rentre le ventre. Si seulement je pouvais me fondre dans les briques. Et soudain, le mur se troue. Littéralement. Des blocs disparaissent juste à ma droite, happés de l'intérieur. Je frémis, mais Lali ne bouge toujours pas. Dans le trou qui se creuse à côté de ma hanche, je vois apparaître des doigts. Qu'est-ce que c'est que ça ? Un ensemble de trois briques disparaît encore, puis un autre, et finalement, un passage se forme, à environ un mètre du sol. Dans la rue, plus loin, les bruits se rapprochent. Lali bondit et me pousse vers le trou béant. Je la laisse enjamber en deux secondes l'entrée de ce qui semble être un vieux bâtiment condamné et la rejoins immédiatement. Dans la pénombre, je reconnais Niels, qui vient de nous ménager cette ouverture et qui s'affaire maintenant à refermer le trou. Lali et moi attrapons précipitamment les blocs qu'il a posés au sol. Des poignées y sont scellées, ce qui permet de les remettre en place sans difficulté. Ingénieux. Les bruits se sont rapprochés, mais, de l'extérieur, le mur est de nouveau intact. Nous soufflons en nous regardant dans les yeux. Lali appuie ses mains sur sa bouche pour réprimer un fou rire nerveux.

Sept joursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant