SOL
Jour J
Carl Preston revient sur les événements des derniers jours. Ce qu'il raconte semble avoir été vécu par un autre. Je ne me reconnais pas sur les images volées qui barbouillent les écrans. Oggy et Lorna entrent en fanfare, Carl les embrasse tous les deux et les présente de nouveau aux téléspectateurs, comme si c'était nécessaire. Ils s'installent dans les causeuses rouges, tandis que Lali et moi nous asseyons chacun sur un accoudoir. Carl nous fait face. Prêt à mener la danse.
- Qu'en pensez-vous, chers amis, lance-t-il à la caméra. On veut savoir ! Allez ! Ne nous laissez pas plus longtemps dans l'incertitude !
Il tourne un peu et s'approche dans un pas de danse sautillant. Je me retiens pour ne pas hausser les sourcils.
- Oggy ! Cher Oggy ! Vous nous tenez en haleine ! Alors, après avoir passé une semaine avec notre Sol, avez-vous pris une décision ?
Oggy hoche la tête, regarde sa femme, puis sa fille. On dirait qu'il commence à comprendre les ficelles du métier. Il fait durer le plaisir.
- Oui, lâche-t-il finalement, nous avons décidé.
- Oh, attendez ! crie Carl. Attendez ! Quelques réactions, chers amis !
Les bip bip s'affolent. Des messages arrivent par centaines et défilent à une vitesse folle sur l'écran latéral. De temps en temps, un message est tiré au hasard – ou pas – et se retrouve lu à voix haute par Carl Preston en personne. « C'est oui ! » « Oui ! » « Un grand oui ! ».
- Ah, on dirait que le public a déjà tranché, roucoule Carl. Mais ça suffit, assez de suspense ! Alors ?
LALI
Je retiens mon souffle. Les messages affluent. C'est une sensation extraordinaire. J'ai l'impression de baigner dans toute cette attention. Les gens sont collés à leurs écrans. Pour nous. C'est notre histoire qu'ils veulent. Ça me fait un tel effet. J'inspire, me remplissant de tout cela, de cette effervescence, et je regarde mon père.
- On est d'accord, fait-il d'un air solennel.
Le cri de joie qui sort de ma bouche fait sursauter tout le monde, y compris moi. Je me jette au cou de mon père et trépigne d'excitation. C'est parfait. Tout est parfait. Je n'ai aucun doute, j'arriverai à gagner le cœur de Soli. J'ai déjà gagné le cœur d'un million de citoyens !
SOL
Jour J
Bip bip bip ... « Vous nous inviterez au mariage ? » « Sol, Lali, vous êtes super, bravo ! »...
Bravo. C'est vite dit.
- Dernière formalité, susurre Carl après toutes les félicitations d'usage à l'intention de Lorna et d'Oggy.
Il se tourne vers moi.
- Sol, j'imagine que tu es aux anges !
Dernier regard pour Zia. Je fixe intensément Belline, juste une seconde, mais ça me suffit pour voir qu'elle est figée et qu'elle n'ose pas croiser mon regard. Si je suis Lali aujourd'hui, je ne reverrai jamais Zia. Et elle n'aura peut-être jamais mon message. Je la regarderai dimanche prochain avancer jusqu'au sas, impuissant. Pas la peine de prétendre que j'arriverai à la croiser cette semaine, c'est faux. Ces derniers jours m'ont suffisamment prouvé que dans la Cita, les seules règles en vigueur sont celles de la Cita. Si les adultes ne veulent pas que je vois Zia, je ne la verrai pas, c'est aussi simple que ça. Dans ma tête, les ramifications de possibilités se racornissent les unes après les autres. Les branches de mon pommier personnel s'élaguent toutes seules. Si je veux agir, c'est maintenant. Si je veux agir... Si je veux agir....
- Oui, Carl, fais-je en souriant à la caméra et à tout le monde. Oggy et Lorna sont des gens merveilleux, et je les remercie pour tout.
Carl est déjà en train de passer à autre chose, ses yeux pivotent légèrement, en quête d'un nouveau sujet intéressant.
- Mais...
Il fronce les sourcils et ses petits yeux à têtes chercheuses reviennent sur moi dans la seconde.
- Mais ? demande-t-il, incertain.
Lali me dévisage. Oggy et Lorna sont pendus à mes lèvres. Plus personne ne bouge. A cet instant précis, j'ai la Cita à mes pieds. Ça me confère une sensation de force qui me donne le courage de poursuivre. Je pense à la conversation, l'autre soir, chez Lali. L'inspiration me vient d'un coup.
- Mais le sacrifice qu'il s'apprêtent à faire pour me sauver est trop énorme, Carl. Je ne peux pas accepter.
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Sept jours
General FictionJ-14 Il ne lui reste que 14 jours. Bientôt, il devra sortir de la Cita, quitter sa bulle protectrice. Dehors, l'air est vicié, impossible à respirer. Il ne peut pas rester, il ne veut surtout pas sortir. Sortir, c'est mourir. J-8 Plus que 8 jours. N...