Suisse, 16 novembre 1554.
Les pieds dans l'herbe encore verdoyante, bougeant au gré des rafales de vent, Diana Durant marche silencieusement, plongée dans ce rituel ancestral transmis depuis l'aube des temps. Elle le sait, cette nuit est spéciale. Les autres l'attendent et ne vont pas tarder à commencer ce qui sera le plus grand rituel depuis l'apparition des mortels. Aujourd'hui, les dix familles vont se rassembler autour du Séfalon, l'arbre sacré pour son peuple. C'est la première fois que cela arrive depuis ce qui lui semble une éternité.
La nuit ne fait qu'accentuer cette impression de rendez-vous secret, perdu dans la forêt de leurs ancêtres. Diana a l'impression qu'elle survole le sol, tel un fantôme, ses cheveux bruns et frisés virevoltants devant ses yeux bleus foncés, et sa robe blanche symbolisant la pureté traînant derrière elle. Finalement elle aperçoit de la lumière. C'est ici que va se dérouler la cérémonie, autour du feu sacré déjà allumé et du Séfalon. Elle se dirige vers la clairière et détaille des yeux le spectacle unique qui s'offre à elle.
Autour de l'énorme feu allumé au centre, des hommes, des femmes et des enfants sont regroupés, patientant l'arrivée inévitable de celui que l'on nomme le Patriarche. Il est leur chef, leur mécène, leur guide, celui qui les a rassemblé aujourd'hui. Quand Diana s'approche, tout le monde la salue, puis elle prend place face au Séfalon et pose à son tour sa main sur le tronc coupé. Elle se retrouve directement connectée avec tout ce qui l'entoure : les arbres, le vent, les animaux... Elle ressent chaque souffle de vie et de mort ainsi que l'énergie de la terre et de l'arbre sacré. Ce pouvoir, tous les sorciers l'ont, mais chez elle c'est plus intense, plus direct, il en a toujours été ainsi.
Une fois le lien coupé, elle rejoint les autres autour du brasier et attrape la main d'Edward Marchand, celui-ci prend à son tour la main de Oflen Rotenberg et bientôt les membres des dix familles se tiennent par la main. Ainsi, ils forment un cercle parfait autour du feu dont les flammes deviennent de plus en plus grandes depuis qu'ils ont commencé à réciter des paroles sacrées en latin. Ils sont en parfaite harmonie avec la nature, harmonie possible grâce à ce qui les unis : la magie.
Le Patriarche fait enfin son apparition. Il est également vêtu d'une toge blanche et immaculée, à la différence que des symboles sont peints sur son visage et sur celle-ci. Il prend place au milieu du cercle et pose à son tour sa main sur le Séfalon au moment même où une bourrasque fait voler les cheveux de Diana ainsi que de tous ceux qui sont présents. Ça y est, ça a commencé. La jeune sorcière sent l'excitation s'emparer de tout son corps et la magie affluer dans tout son être. Il s'agit ici de quelque chose de quasi unique, Diana en est consciente, c'est pourquoi elle savoure cet instant comme jamais.
Le grand sorcier, Amman Guerningez, leur sourit, puis il s'approche de chacun des membres du cercle pour leur tracer un symbole ancestral sur le front : une étoile à cinq branches encerclée d'un soleil. La couleur rouge s'illumine sous la lune pleine et éblouissante. Il ne s'agit pas là de sang, mais d'un mélange de plantes écarlates dont Diana connaît tous les noms et les bienfaits, ainsi que leurs propriétés magiques.
Au moment où le Patriarche s'avance enfin vers elle, la jeune sorcière ne peut s'empêcher de sourire à pleines dents. Au moment où il pose sur son front ses deux doigts, elle sent déjà l'énergie et l'adrénaline monter en elle. Une fois le symbole terminé, c'est comme si elle pouvait enfin voir ce qui lui était occulté auparavant. En conséquence, elle peut à présent distinguer les réseaux de magie qui l'unissent à chacun des membres des dix familles. Des fils argentés semblent les connecter et Diana songe qu'elle a enfin trouvé ici sa vraie famille, celle qui l'accueillera toujours à bras ouverts.
Soudain, quelque chose atteint violemment le Patriarche et celui-ci s'écroule à terre, une flèche entre les deux yeux. Des hurlements retentissent, dont un poussé par Diana, complètement pétrifiée et anéantie par la perte de celui qu'elle considérait comme le plus puissant sorcier et son guide. D'autres flèches se mettent à fendre l'air et trouvent leur cible sur les autres sorciers et sorcières de l'assemblée.
Tout le monde se met à fuir et à courir dans tous les sens. Diana voit avec horreur l'enfant des Henricks se faire tuer à son tour, une flèche en plein dans le cœur et des larmes dévalent ses joues. Elle ne parvient pas à bouger et son sentiment de plénitude de tout à l'heure a totalement disparu, remplacé par du vide et du chagrin. Son regard s'attarde sur l'enfant inerte puis il dévie sur l'origine de cette flèche.
Elle aperçoit alors dans les fourrés, une forme tapie dans l'ombre, son arme dépassant seulement. La rage l'emporte et Diana se sert de ses pouvoirs pour le sortir de sa cachette, grâce à la simple force de son esprit. L'homme tout vêtu de noir se met à paniquer et s'apprête à user à nouveau de son arbalète lorsque Diana l'arrache de ses mains et le plaque au sol. Des chasseurs, il n'y a pas de doute.
Le père de Diana l'a toujours mis en garde contre ces humains qui se sont donnés la mission de tous les exterminer, avant d'être lui même abattu par l'un deux il y a longtemps. Mais jamais elle n'en a vu de ses propres yeux. Elle s'est toujours imaginée des monstres répugnants et à l'allure beaucoup plus barbare que les humains normaux, mais ils sont finalement étrangement proche de ces derniers et même d'elle même. La rage laisse place à la stupeur, ce qui permet au chasseur de se relever et d'attraper son engin mortel pour la pointer sur elle.
Usant une nouvelle fois de ses pouvoirs, elle le lui arrache à nouveau des mains avant de le faire lui-même voler puis retomber. Elle entend un craquement et cette fois-ci, il ne se relève pas. Elle vient de le tuer. Diana n'en revient pas mais n'a pas le temps de s'y attarder plus longtemps car une flèche lui transperce violemment l'épaule. La douleur l'envahi et elle arrache d'un coup sec l'arme ensanglantée avec sa main gauche en gémissant. Lorsqu'elle pose un regard sur la petite clairière, elle observe avec horreur nombre de ses frères et sœurs à terre, le regard vide.
D'autres chasseurs sortent peu à peu de leur tanière pour exterminer les derniers survivants essayant vainement de se défendre. Diana sait qu'elle ne peut lutter seule contre eux. Elle a beau être une sorcière, la douleur et le nombre prendraient immédiatement le dessus sur elle. Elle n'a pas d'autre choix que de fuir. Elle se met donc à courir, esquivant ceux qui se mettent sur son chemin et usant des derniers restes de magie transmise par son Patriarche. Elle puise de la force dans la pleine lune et sa volonté de vivre, continuant d'avancer en faisant abstraction des cris retentissants toujours au loin.
Elle s'éloigne... sans un regard en arrière.
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Diana - La traque a commencé
ÜbernatürlichesDepuis des siècles, le nombre de sorcières et sorciers a terriblement diminué et les derniers se cachent parmi les humains, cherchant désespérément à échapper à ceux qui souhaitent leur mort : les chasseurs. Cependant la guerre est sur le point d'éc...