Un brouhaha agaçant bourdonne autour de Anne alors qu'elle porte un verre à ses lèvres. Le liquide ambré lui brûle la gorge mais ce n'est rien comparé à la sensation qu'elle éprouve à l'intérieur même de son âme. C'est comme si une partie d'elle-même lui avait été enlevée contre son gré, ne la laissant qu'à demie entière. Elle est démunie. Ses pouvoirs, il y a quelques jours au sommet de leur puissance, ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils étaient. Cette impression de faiblesse est ce qui la met le plus en colère, après sa soif de vengeance toujours grandissante.
Le son de la télévision accrochée de l'autre côté du comptoir lui fait lever la tête. Là, elle aperçoit Diana Greyson répondant aux questions d'un journaliste, un grand sourire aux lèvres. Sa voix sereine et confiante lui donne une violente envie d'envoyer voler son verre en éclat contre l'écran plat. À la place, elle crispe un peu plus ses doigts autour de sa boisson, ne quittant pas des yeux la sorcière qui lui a tout pris.
Elle finit par détourner les yeux et indique à la serveuse de la resservir. Son regard se pose ensuite sur la fenêtre donnant un aperçu du paysage ensommeillé et plongé dans la nuit. Au dehors, la neige tombe abondamment et les lampadaires éclairant le devant du bar laissent entrevoir les tourbillons de flocons former des figures incongrues. La fatigue reprend la sorcière et elle clôt les paupières pendant quelques secondes afin de retrouver ses esprits. Tout ça est de la faute de Diana, pense-t-elle rageusement. Elle avait enfin réussi à avoir tout ce dont elle rêvait : devenir Patriarche et avoir sa revanche sur ceux qui ont assassiné toute sa famille. Mais elle lui a tout pris. Tout. À présent elle se retrouve à devoir se cacher à la frontière canadienne, à à peine deux kilomètres du pays de l'érable, dans un bar miteux entourée d'humains buvant à s'en faire vomir. Tout ceci la répugne.
Elle vide son verre d'une traite avant de reporter son attention sur les informations communiquées à la télévision. À l'autre bout du comptoir, quelqu'un monte le son et elle parvient à saisir les paroles du journaliste.
-... nouveau suspect sur l'enquête du jeune Alan Faulks, la police de New-York vient de nous communiquer son nom. Il s'agirait d'une femme d'une trentaine d'année, d'origine française et répondant au nom de Anne Henricks. Une photo a également été publiée et les autorités encouragent la population à leur fournir la moindre information concernant la suspecte. C'était Nathan Espinoza en direct de New-York.
Anne contemple l'image de caméra surveillance qui s'affiche sur le téléviseur et où on peut la voir frapper à la porte de Diana Greyson. Qu'elle garce, se dit-elle alors que chaque parcelle de son être souhaite à présent sa mort. Son verre se brise entre ses doigts et des morceaux viennent lui entailler la peau. En observant son sang perler elle repense à ce jeune homme et à ce qu'elle a fait. Elle n'avait rien contre lui en réalité. C'était le seul et unique moyen qu'elle possédait pour convaincre Diana de la rejoindre. Elle a vraiment fait en sorte que sa mort ne soit pas lente, ni trop douloureuse. Mais ça, Diana n'en a rien à faire. Elle ne comprend pas et ne comprendra jamais que des sacrifices sont nécessaires pour survivre. Elle est naïve. Comme son père l'était autrefois.
La serveuse se rend finalement compte des débris de verre éparpillés sur le comptoir et se précipite pour aider Anne.
- Ça va, lâche rudement la sorcière. Occupez-vous de vos affaires.
La jeune femme est étonnée par l'attitude de sa cliente mais n'insiste pas et retourne servir d'autres personnes. Anne examine sa main et se débarrasse des quelques morceaux de verre encore enfoncés dans sa peau. Puis une fois fait, elle concentre toute son énergie sur ses écorchures et peu à peu, elles se referment sous le regard satisfait de la sorcière.
- Vous permettez ? demande soudain quelqu'un à sa gauche.
Anne se tourne brusquement vers la silhouette encapuchonnée prenant place à côté d'elle. Elle ne parvient qu'à entrevoir une partie de son visage brûlé et un éclat rouge briller dans son regard mais cela suffit pour immédiatement déclencher sa méfiance. Il lève une main gantée en direction de la serveuse et lui demande un verre de Scotch avant de reposer ses deux bras sur le comptoir.
- Vous n'êtes pas facile à trouver, vous savez, lui dit-il.
La sorcière sent son corps tout entier se tendre et prêt à prendre la fuite.
- Inutile de vous enfuir, la prévient-il tout en continuant à regarder devant lui. Cela ne ferait que nous retarder.
La serveuse finit par lui apporter son verre et il prend le temps d'en boire une longue gorgée alors que Anne reste paralysée, entre terreur et curiosité.
- Que voulez-vous ? parvient-elle à lui demander.
L'inconnu tourne légèrement la tête vers elle et son œil droit, d'une lueur rouge-orangée, se met à la décortiquer attentivement.
- Une entre-aide, je l'espère, répond-il énigmatiquement.
Il esquisse l'ébauche d'un sourire mais celui-ci est défiguré par sa brûlure ce qui lui confère une allure menaçante. Anne hésite à présent entre s'en aller d'ici sans un regard en arrière et en entendre plus sur ce qu'il à dire. Finalement, elle opte pour la seconde option.
- Quelle sorte d'entre-aide ?
Il fait jouer son verre de Scotch entre ses doigts gantés tout en gardant son œil braqué sur elle.
- Êtes-vous toujours intéressée pour vous venger de Diana Greyson ?
À ce moment là, Anne sait que son intérêt est totalement suscité et que sa journée vient de prendre une tournure plus que palpitante.
- Qui êtes-vous ?
D'un simple geste, il fait tomber sa capuche et dévoile son visage entier devant le regard ébahi de la sorcière.
- Celui qui vous aidera à précipiter sa chute, lui dit-il. Il est temps que le monde sache de quoi nous sommes réellement capables, vous ne croyez pas ?
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FIN DU TOME 1
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Diana - La traque a commencé
ParanormalDepuis des siècles, le nombre de sorcières et sorciers a terriblement diminué et les derniers se cachent parmi les humains, cherchant désespérément à échapper à ceux qui souhaitent leur mort : les chasseurs. Cependant la guerre est sur le point d'éc...