Les amants maudits

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« This look like the end of the story. »

Auteur inconnu

9 ans avant...

Jonathan se rendait dans la cuisine lorsque la nausée le surprit à nouveau, il se rattrapa au bord de la table, et l'empoigna fermement.

Non, non, pas encore ! pensa-t-il.

Cela lui arrivait de plus en plus souvent, plus les années passaient plus cela devenait violent. Il n'eut pas le temps de faire le moindre geste que la vision le happa.

Il était au tout dernier étage de la Tour de Verre, siège des Gardiens de la Paix, là où toutes les décisions importantes étaient prises, le centre névralgique de leur monde. Il n'était pas seul. Deux ombres silencieuses et funestes faisaient face à l'imposante baie vitrée donnant sur l'immensité de la ville. Enfin, pouvait-on encore parler de ville ?

Il ne reconnaissait même plus l'endroit dans lequel il avait grandi. Il ne restait plus rien de Saem, mis à part le chaos et la désolation. Le seul endroit qui semblait avoir à peu près survécu était le lieu dans lequel il se trouvait. Il inspira profondément, déjà abattu par ce qu'il allait probablement voir, comme à chaque fois...

Il se mit à détailler les deux individus, ils lui tournaient le dos, il était comme un fantôme dans ces visions, personne ne le voyait. Il s'approcha pour pouvoir voir leurs visages.

C'était deux jeunes gens, tout juste sortis de l'adolescence. Sans surprise mais avec cet habituel pincement au cœur il reconnut sa fille, Sara. Choqué, il remarqua également la personne accompagnant sa fille, c'était Eran, le meilleur ami de sa fille, celui qu'elle ne quittait jamais. Son sang se glaça dans ses veines quand il comprit le sens de cette scène. Les deux assassins se tenaient la main, leurs regards tournés vers le chaos qu'ils avaient créé. Le regard du jeune homme était rempli de haine et de violence, dans celui de sa fille, il y lut le même désir avide de pouvoir, mais mêlé à... Non, serait-ce possible ? Tout n'était-il pas encore perdu ? Dans le regard de sa fille, il avait pu discerner de la tristesse et une lueur de regret, qui était malheureusement déjà consumée par le mal qui habitait désormais le cœur, si pur autrefois, de son propre enfant.

Il se rapprocha encore, pour être le plus proche possible d'eux, il voulait voir sa fille. Sa peau était pâle et ses longs cheveux lui arrivaient maintenant à la taille.

Elle est magnifique, pensa-t-il. Comment un être aussi parfait pouvait être aussi mauvais ? Il ne pouvait y croire. Mais Eran mit fin à ses réflexions en se tournant vers Sara, ses yeux se radoucirent d'un coup, il se rapprocha d'elle et posa son front contre le sien.

— On a réussi Sara, murmura-t-il d'une voix envoûtante. On l'a fait, plus rien ne nous arrêtera.

— Oui, souffla-t-elle en réponse, plus personne ne se mettra au travers de notre chemin. Les Guerriers de l'Ombre ont triomphé, grâce à nous. Leur règne n'aura plus jamais de fin.

— Je suis tellement heureux de t'avoir à mes côtés, mon ange.

Ils se regardaient toujours avec tendresse lorsqu'il revint à la réalité. Il fut accueilli par les mêmes personnes qu'il venait de quitter, encore enfant, Eran et Sara main dans la main comme dans sa vision, le regardaient, inquiets. Il les observa, comment ces deux gamins, si innocents, si bons, pouvaient-ils un jour devenir les deux tueurs qu'il avait rencontrés ? Il se mit à regarder plus attentivement Eran, c'était ce garçon qui, si cela devait arriver (il en doutait) l'entraînerait vers ce chemin sombre et mortel. Pourtant le petit garçon semblait calme et doux, rien à voir avec le monstre plein de haine qu'il avait vu. Il devait protéger sa fille, coûte que coûte. Il allait faire un choix, il savait quoi faire.

— Eran, pourrais-tu nous laisser s'il te plaît ? Je suis sûr que ta mère t'attend, il se fait tard.

Sara lui lança un drôle de regard mais ne dit rien. Eran, un peu déçu, les salua et s'en alla.

Le père de l'enfant se mit à genoux pour se retrouver à la même hauteur que sa fille.

— Sara, j'ai quelque chose d'important à te dire, commença-t-il, soudain gêné. C'est un peu précipité mais il faut qu'on parte d'ici, qu'on déménage. Je t'expliquerai tout ça plus tard. Commence déjà à préparer tes affaires nous serons partis dans une semaine.

— Et Eran ?

— Eran restera ici, avec sa famille. Les choses seront ainsi à présent.

Sa fille écarquilla les yeux sous le choc, puis elle partit sans un mot. Il l'a revu très peu lors de cette longue semaine, elle restait cachée il ne savait où avec son fidèle Eran.

Mais les jours des adieux arrivèrent bien vite et les larmes avec.
Il dut séparer les deux enfants, ils ne cessaient de pleurer, de s'agripper, de gémir... C'était affreux, il avait l'impression d'être un monstre, de séparer deux âmes sœurs. Il emmena de force Sara, qui pleurait à chaudes larmes dans la voiture. Eran l'appelait, hurlait son nom, de désespoir il tomba à terre. Le père de Sara ne comprit pas tout ce qu'il disait, mais une de ses phrases était clairement compréhensible. Cette phrase qui hantera pendant des années celui qui l'avait jadis proférée : "Je te retrouverai".

Comment lui, Jonathan, qui n'avait qu'un seul désir, celui de protéger sa fille, pouvait savoir qu'en séparant ces deux enfants il venait de créer, sans le vouloir, les monstres qu'il avait vu en vision, qu'il venait de créer les êtres qui feront sombrer sa planète ? Il ne le pouvait pas et pourtant le monde en payerait le prix.

L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 1 : La chute de l'AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant