Chapitre 1

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Une jeune femme aux longs cheveux blancs sortit Lucy de ses pensées.

— Excusez-moi, Madame...

— Lucy, la coupa la blonde, un léger sourire aux lèvres.

— Oui, c'est cela. Le père d'un de mes amis n'a plus que quelques jours à vivre. Ma sœur et moi voudrions lui faire un bel hommage pour son enterrement, et il nous a toujours dit qu'il aurait voulu que quelqu'un fasse son portrait...

— Vous voudriez que je le fasse, c'est ça ?

Lucy soupira intérieurement. On lui avait déjà fait ce genre de requêtes. La première fois, elle avait accepté. Mais le client avait trouvé son style trop poétique, pas assez solennel. Il lui avait reproché l'utilisation de l'aquarelle. Alors elle avait refusé toutes les propositions qui avaient suivi, de peur de décevoir.

— Oui, s'il vous plaît, acquiesça la jeune femme.

— Je suis navrée, madame. Je ne prends plus ce genre commande. Je peux vous...

— Non ! la coupa-t-elle brusquement. Non, reprit-elle plus bas.

Lucy fronça les sourcils. C'était inhabituel.

— Et pourquoi non ? C'est encore moi qui décide quelles commandes je prends et lesquelles je ne prends pas. J'ai beau être à la rue, ce n'est pas...

— Vous m'avez mal comprise. Natsu ne veut personne d'autre que vous.

La blonde écarquilla les yeux. Natsu ? Son bienfaiteur ?

Non. C'était impossible qu'il se souvienne d'elle.

Et pourtant...

Comment devait-elle réagir ? Devait-elle se réjouir de pouvoir rendre la pareille à celui qui l'avait aidée, ou bien continuer sur la lancée et refuser l'offre de cette femme ?

Était-ce seulement le même Natsu ? Après tant d'années, tout était possible.

— Je sais ce que vous pensez, Lucy. Mais cet idiot n'a eu de cesse de prendre de vos nouvelles auprès de Gajeel, de Grey, d'Erza. Ils sont ses meilleurs amis. Il s'inquiétait pour vous et voulait savoir si le cadeau qu'il vous a fait vous servait.

Son cœur rata un battement. Était-il possible que ceux qu'elle prenait pour ses amis ne soient en fait que des espions ? Lucy se sentait trahie. Ces sourires, ces cadeaux, tout cela n'était donc qu'hypocrisie et faux-semblants ? Elle avait cru compter pour quelqu'un. Elle avait cru que sa vie monotone ne l'était plus tant que ça grâce à la magie de l'amitié, grâce à cette féerie qui donnait une impression de renaissance à chaque minute passée en présence de personnes chères.

Cet enchantement merveilleux n'était finalement que de la vague bienveillance, une sorte d'acceptation. Ils avaient agi pour Natsu, et non pour elle. Ils s'en foutaient. Comme tout le monde. Ils étaient comme les autres.

Son désespoir, sa désillusion tordaient son adorable visage en une  grimace qui ne plut pas à l'interlocutrice de la blonde.

Elle rejeta ses longs cheveux ivoire en arrière et papillonna de ses beaux yeux azur, cherchant ses mots. Après un temps, elle les trouva.

— Même s'ils n'étaient à la base là que pour veiller sur votre joli minois et votre corps frêle, ils se sont attachés à vous, Lucy. Et pourtant, Gajeel est un sacré asocial !

La blonde sourit intérieurement. Il était vrai que le brun était froid et dur comme l'acier au premier abord. Pourtant, une fois qu'on apprenait à le connaître, il devenait un homme attentionné et généreux, sensible et amoureux.

Lucy était soulagée. Ils appréciaient sa présence. Ils n'étaient pas de vulgaires espions. Et cela réparait son cœur.

— Vous avez un charme fou. Après quelques minutes de discussion, Natsu s'est entiché de votre personne. Vous êtes la plus vieille sans-abri de Magnolia, Lucy. Vous êtes ici depuis vos six ans, soit depuis onze ans. Magnolia n'est pas tendre avec les mendiants. Mais elle vous a épargnée. Parce que vous avez gardé espoir.

Lucy ne comprenait pas. Comment cette femme pouvait-elle aussi bien la cerner ? C'était comme si elle lisait en elle. C'était cela. Son âme était un ouvrage abîmé dont on tournait soigneusement les pages déchirées. Seul un relieur de talent saurait réparer ce grimoire rongé par le temps et les intempéries. Qui serait-il ? Natsu ?

Mais ce relieur existait-il seulement ?

— Alors je vous en supplie, Lucy. Acceptez mon offre. Natsu a besoin de vous.

Devait-elle accepter ? Cela lui permettrait de remercier son bienfaiteur, comme elle le souhaitait depuis si longtemps. Mais, et s'il était déçu ? Si son travail l'attristait fortement, s'il n'en voulait pas, s'il  oubliait son existence, se pardonnerait-elle d'avoir accepté ? Évidemment que non.

Mais elle pourrait payer sa dette si l'aquarelle lui plaisait. Et puis, elle avait montré à de nombreuses reprises ses dessins à ses amis. Il connaissait forcément son style. Il devait savoir à quoi s'attendre.

Elle avait pris sa décision.

— J'accepte.

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