Chapitre 20

727 60 11
                                    

Sept mois. Cela correspondait au temps passé aux côtés de Zeref, à l'épauler dans sa quête de pouvoir, à jongler entre les différents supports artistiques : quelques immenses peintures à l'huile pour souligner la magnificence et la puissance de l'empereur, et de nombreuses petites aquarelles, gouaches et lithographies montrant un Zeref plus humain, ou illustrant un de ses discours. Le temps était passé vite, et chaque détail avait requis toute son attention, ne laissant pas à ses pensées le loisir de vagabonder trop loin, ni à ses démons celui de revenir la hanter.

En effet, à peine le coup d'Etat mis œuvre, le peuple d'Alvarez s'était révolté, à cause de l'extrême jeunesse du nouveau dirigeant, à cause de ses désirs de réforme. Les conservateurs et les intégristes avaient monté la tête aux plus crédules, et les amateurs de théories du complot avaient profité du mouvement pour propager leur vision du monde. Après deux mois de guerre médiatique, durant lesquels Zeref avait dû faire particulièrement attention à son image, les choses s'étaient enfin calmées avec des dons à un orphelinat et une réforme économique démagogique : cinq-cents joyaux mensuels seraient accordés à chaque ménage, ce qui correspondait à peine à trois repas. Et, si l'empereur avait pris soin de mettre en scène chacune de ses apparitions et prises de paroles, il en allait de même pour Lucy, qui s'était plus ou moins fait accuser de tous les maux par un journaliste du nom de Ninehart Skeeter (1). Finalement, ils avaient tous trouvé leur rythme. Le renvoi de Skeeter y était pour beaucoup, ainsi que le soutien des communautés réprimées par l'ancien Empire.

Depuis quelque jours, Zeref prenait ses distances. Non qu'ils aient jamais été très complices, surtout après son mariage avec la Fiorienne Mavis, mais il fuyait son regard et évitait de se retrouver dans la même pièce qu'elle. Ce fut donc avec surprise qu'elle l'accueillit ce matin-là dans son atelier, déterminé.

— Zeref. T'as fini de m'éviter, c'est bon ? C'était quoi ce caprice ? Je te signale que je dois gérer ton image, et que c'est un peu compliqué si je ne peux pas t'approcher puisque, au cas tu l'aurais oublié, je ne peux rien faire sans ton accord, et que, au cas où ce détail t'aurait échappé, on a besoin de se voir physiquement pour que tu puisses me le donner. Tu as été pire que la semaine après le mariage...

Il la regarda longuement, avant de sourire.

— Tâche de montrer un peu plus de respect pour ton empereur, Lucy. Tu es certes importante, mais pas irremplaçable.

— Tu m'as dit toi-même que j'étais la meilleure artiste de l'Empire, et l'une de seules qui tienne la route. Je vois mal qui pourrait me remplacer, et même si tu le voulais ce n'est pas comme si ça avait une quelconque importance. Tu sais très bien que je ne suis là que pour arrêter de penser.

— Tu es une Fiorienne. Je pourrais tout à fait aller chercher un autre artiste dans ton royaume. Tu n'as aucune véritable valeur à mes yeux en tant qu'individu, tu le sais bien.

Lucy grimaça. Elle le savait, évidemment, et ça ne la dérangeait pas, mais ce n'était jamais quelque chose de très agréable à entendre.

— Tu oublies que sans moi tu aurais une guerre civile sur les bras.

— Et toi que sans moi Skeeter aurait mis tout le monde au courant pour tes hallucinations. À ce propos, Brandish m'a fait part de tes progrès ; elle pense que tu n'as besoin que d'un déclic.

— Ah, il est beau le respect du secret professionnel, grogna la blonde. Enfin, ce n'est pas comme si je n'avais pas l'habitude. Je sais pour le déclic, elle passe son temps à m'en parler, mais je ne me sens pas encore prête.

Le brun eut un sourire énigmatique qui la mit sur le qui-vive. Cela ne lui disait rien qui vaille.

— Crache le morceau, Zeref. Quelle espèce de plan tordu t'as encore été imaginer ?

— Mais rien du tout, se défendit-il, arborant un air trop innocent pour être vraiment naturel. Je vais rendre visite à la reine Jade de Fiore avec Mavis. Je veux juste que tu viennes avec nous. Qui sait, peut-être que je te trouverai un remplaçant...

Lucy se figea. Fiore était son passé. Fiore était sa jeunesse. Elle ne voulait pas revenir. Ce serait sans aucun doute un déclic suffisant pour faire partir ses démons, parce que confronter ses peurs était encore le meilleur moyen de les vaincre, mais à quel prix ? Parce que, malgré le temps, malgré ces plusieurs mois passés auprès de Zeref, elle ne l'avait pas oublié. Non, elle s'ennuyait toujours de ses yeux onyx dans lesquels elle se perdait, de son sourire éclatant, de sa simple présence, et même de la brève sensation de leurs lèvres scellées. Il lui manquait atrocement. Et, si elle avait compris qu'il l'aimait peut-être sincèrement grâce à Brandish, psychologue réputée dans tout l'Empire, elle avait peur de découvrir que finalement ce n'était pas le cas et qu'elle avait raison depuis le début. Ou, pire, qu'il l'avait aimée mais était passé à autre chose durant son absence. Ce serait un juste retour de karma, mais elle ne voulait pas ça.

— Zeref, s'il-te-plaît, ne m'inflige pas ça. Tu sais que je ne veux pas y aller, tenta-t-elle, en vain.

— C'est précisément pour ça que je veux que tu m'accompagnes, sourit-il. Ça, et le déclic mentionné par Brandish. Mais ne t'inquiète pas, nous resterons au palais de Crocus tout le temps de la visite, tu n'as pas à craindre de croiser quelqu'un d'autre que la reine... Donc aucun de tes amis.

Lucy n'essaya même pas de lui expliquer que Jade était l'une de ses proches amies. Elle savait que rien ne le ferait changer d'avis, et que de toute manière son but était très probablement de la confronter à ses anciens amis et sa famille, d'une manière ou d'une autre. Peut-être même qu'il avait organisé une fête en son honneur, avec tous ses démons dans une même pièce et un Natsu emballé dans de l'aluminium. Chassant ses pensées saugrenues d'un geste, elle se résigna et hocha la tête.

-------------------------------

(1) : Oui, j'ai donné à Ninehart le nom de famille de Rita Skeeter (Harry Potter). Voyez ça comme un clin d'œil ;)

Bon, eh bien voilà ! Il semblerait que Lucy rentre déjà. Oui, c'est rapide, mais ça n'a jamais eu pour vocation d'être long, je rappelle que cette histoire est à l'origine un one-shot ! J'aurais pu trouver intéressant d'explorer plus avant les intrigues politiques d'Alvarez, mais ça demande beaucoup de préparations, et je ne suis pas suffisamment impliquée dans cette histoire pour ça. Honnêtement, j'ai déjà beaucoup à penser avec mes trop nombreux projets x)

Bref, n'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre ! Sur ce, je vous souhaite un bon week-end ; perso je suis crevée donc je vais me coucher aha

Merci d'avoir lu ! <3

AquarellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant