Chapitre 21

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C'était étrange, de revenir après tous ces mois. Non pas que Crocus ait réellement changé, mais il y avait comme un décalage. Telle échoppe avait fermé, telle autre avait changé sa devanture. Tel chantier avait avancé, et tel arbre avait été planté. Autant de changements qui déroutaient Lucy. Ni vraiment malheureuse de revenir, ni particulièrement euphorique, elle marchait dans les rues de la capitale avec l'impression confuse et frustrante d'être à sa place sans l'être ; comme si elle s'approchait du but sans pour autant l'atteindre.

Quand ils arrivèrent finalement devant le palais, l'émotion la prit par surprise. Durant ces longs mois, elle n'avait pas eu le temps de le réaliser, mais Fiore lui avait manqué. Atrocement. C'était une myriade de sentiments qui la saisissait le temps de quelques secondes, et elle sentit une vague de douce chaleur se répandre dans son corps. Les yeux embués, elle se contint tant bien que mal, mais une seule pensée tournait en boucle dans son esprit tandis que Zeref et Mavis se présentaient au conseiller royal. Elle serait bientôt chez elle.

***

— Votre Majesté, s'inclina Zeref, imité par sa femme et la reine Jade. Je tiens personnellement à vous présenter mes excuses pour cette visite bien trop tardive. Il va sans dire que je regrette profondément de n'avoir pas pu venir dans votre royaume plus tôt, d'autant qu'entretenir une bonne entente et des liens commerciaux et diplomatiques avec Fiore est l'un de mes principaux objectifs, mais j'ose espérer que vous comprenez ce qui me retenait à l'Empire.

— J'entends bien, Zeref, et n'ayez crainte, les débuts de règne sont toujours particuliers, a fortiori après un coup d'Etat. J'ai ouï dire que vous aviez été victime d'une tentative d'assassinat... J'espère que le coupable a été découvert et puni.

— En effet, madame, Eileen Belserion a été condamnée à l'exil. Etant d'origine fiorienne, il y a de fortes chances qu'elle soit revenue au royaume.

Zeref n'avait jamais aimé les manquements à l'étiquette, surtout lors des visites officielles, et encore plus lorsque c'était la première rencontre. Jade eut la décence de paraître gênée, mais Lucy n'était pas dupe.

— Je tâcherai de faire imprimer et distribuer des avis de recherche à travers Fiore, dans ce cas. Soyez assuré de mon soutient, Zeref. Je suis également ravie de voir que ce nouvel Alvarez semble dans de meilleures dispositions vis-à-vis du royaume.

L'intransigeance de Zeref vis-à-vis de l'étiquette était quelque chose d'indispensable et d'efficace pour asseoir son autorité lors de conversations avec ceux d'un rang inférieur. En revanche, avec Jade, c'était une toute autre affaire : étant de même rang, c'était à celui qui dominerait dans la conversation. Or, en reprenant la reine sur son étiquette, le jeune homme n'avait fait que montrer son immaturité et son désir de contrôle presque absolu. Il s'en rendit compte ; Lucy vit son front se plisser une fraction de seconde avant qu'il ne reprenne son masque d'indifférence polie.

***

La conversation avait été longue et d'un formidable ennui, entre piques politiques et promesses de soutien. Mavis et elle étaient restées en retrait, se lançant de temps en temps un regard las. Finalement, Jade leur avait souhaité une bonne nuit, espérant qu'ils avaient fait bon voyage, avant de demander à Zeref un entretien privé avec son peintre attitré. Et Lucy avait vu la lueur d'intense satisfaction passer dans le regard de l'empereur avant de disparaître. Evidemment, tout avait été manigancé depuis le début. Quelques heures auparavant, elle aurait sans doute fui, mais elle savait désormais qu'elle ne rentrerait pas à Alvarez.

Une fois Zeref et Mavis sortis, de même que Readers, l'artiste royal, Jade la prit dans ses bras, s'autorisant enfin un véritable sourire.

— Lucy ! Tu es revenue ! C'est merveilleux ! s'exclama la jeune femme en prenant un peu de recul pour observer la blonde. S'il te plaît, reste. Readers est un bon peintre, mais je ne m'entends pas avec lui, il est si solennel !

La blonde sourit doucement, puis se détacha de son interlocutrice et s'inclina avec cérémonie.

— Bonjour, ma reine.

— Je t'en prie, Lu', pas de ça avec moi ! rouspéta la jeune Jade. Tu es mon amie, pas une inconnue, ni un serviteur. Et, s'il te plaît, réfléchis à ma demande.

— Comme tu voudras, Jade.

Elle savoura ce prénom, cette sonorité qu'elle n'avait plus entendue depuis quelques mois. Ce n'était pas grand-chose, même pas une année, et pourtant elle avait l'impression de s'être absentée un siècle. Comme il était bon d'être chez soi !

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Et voilà ! Lucy commence finalement à réaliser. Et puis j'ai profité de ce chapitre pour explorer encore un peu la politique et la diplomatie entre Fiore et Alvarez, je crois que ça me plaît assez, d'imaginer comment peuvent se dérouler les rencontres entre les grands aha. Bien entendu ça n'a probablement rien à voir avec les rencontres au sommet de notre géopolitique à nous, mais ça reste un exercice assez stimulant, je trouve !

Il ne reste que trois chapitres avant la fin ! Dans une semaine c'est fini. C'est étrange de se dire ça, wow.

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Merci d'avoir lu <3

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