Aquarelles

Chapitre 2

La jeune femme aux cheveux blancs ouvrit la porte d'une maisonnette en centre-ville. Invitant Lucy à entrer, elle fouilla dans un tiroir et lui offrit un double des clés.

— Tu habiteras ici le temps de la réalisation. Pour prendre une douche, c'est à l'étage. Ta chambre est attenante à l'atelier que je te montrerai plus tard.

La blonde hocha la tête calmement. Parfois, les commanditaires la logeaient ; elle n'allait pas protester. Suivant la jeune femme, elle vit, accroché au mur, un immense cadre en bois entourant une photographie. Un homme aux longs cheveux rouges entourait de ses bras trois enfants souriants. Deux d'entre eux étaient des filles aux cheveux blancs et aux yeux azur, le troisième était un petit garçon aux cheveux roses, probablement Natsu.

Elle détourna le regard. Leur vie privée ne la concernait pas.

***

— Et, enfin, voici le salon ! Ainsi que ma sœur, ajouta la blanche. Redresse-toi, Lisanna ! On dirait un phoque, ce n'est pas très sexy.

Ladite Lisanna, une jeune fille aux cheveux courts blancs et aux yeux d'un bleu limpide, tira la langue à sa sœur. Leur lien de parenté était une évidence pour Lucy. Ce n'était pas seulement pour leurs cheveux ou leurs yeux, ni même pour leurs traits de porcelaine d'une finesse exquise et si semblables que c'en était déconcertant, ou encore pour leur silhouette voluptueuse tout en courbes dessinée à la perfection, une silhouette galbée et sans doute maintenue au prix d'efforts physiques réguliers au vu de l'absence presque absolue de graisse, à moins que la génétique ne soit d'une injustice plus criante que ne l'aurait cru la blonde, non, leur parenté n'était pas uniquement visible dans leur physique quasiment identique, et se ressentait d'ailleurs plus qu'elle ne se voyait.

Les deux sœurs avaient cette grâce qui émanait d'elles, cette sorte de force tranquille qui l'impressionnait. Elles avaient l'air de rien, comme ça, deux filles dont le cœur aurait pu être brisé au moindre écueil et, pourtant, Lucy sentait qu'elles étaient bien plus que cela, que leur volonté était sans pareille, qu'elles étaient autrement plus résistantes que ce que leur simple apparence physique laissait voir. Même avachie dans le sofa, avec cette lueur d'espièglerie dans les yeux, les lèvres retroussées et la langue légèrement tirée dans une grimace moqueuse, cette Lisanna donnait le sentiment que la grâce émanait d'elle. Un simple mouvement de poignet pour faire un geste obscène à sa sœur avait l'élégance d'un cygne. Les deux sœurs lui faisaient penser à deux cygnes magnifiques.

— Tu dois être Lucy, c'est ça ? sourit Lisanna en l'invitant à s'asseoir d'un geste vague. Natsu ne fait que parler de toi, ça en devient obsessionnel ! Pendant un temps, tu sais, je croyais que tu n'existais pas et qu'il s'inventait une petite amie... Quel idiot, j'te jure !

La jeune fille partit dans un discours grandiloquent démontrant par maints et maints exemples la stupidité de son frère, sous les yeux médusés d'une blonde qui n'aurait jamais cru que retenir sa respiration aussi longtemps était possible.

— Et puis, toi, Mira, tu n'es vraiment pas possible ! L'encourager dans sa connerie ce n'est pas le meilleur moyen de l'en sortir, tu sais ?

La jeune femme aux longs cheveux blancs, apparemment prénommée Mira, afficha un sourire contrit avant de froncer les sourcils.

— Suis-je bête ! J'ai oublié de me présenter. Mirajane Strauss, mais tu peux m'appeler Mira, s'excusa-t-elle en tendant la main.

Lucy la lui serra en étouffant un rire. Si les deux sœurs étaient gracieuses, elles étaient aussi quelque peu ridicules, entre les envolées rhétoriques de l'une et l'inattention de l'autre.

***

Des étoiles dans les yeux, Lucy essayait chaque crayon, chaque pinceau, chaque couleur. Elle voulait faire quelque chose de grandiose pour celui à qui elle devait tant. Elle devait être à la hauteur de ses attentes, et se surpasser.

Elle finit par prendre l'iPad posé sur l'une des tables. De nombreuses photos d'Igneel défilaient sous ses yeux. Il lui ressemblait tant.

Inspirée, elle se mit à croquer, d'abord au crayon, puis avec des couleurs.

Une fleur par-ci, une étoile par-là. Des flammes virevoltantes tirant du bleu nuit vers le blanc, passant par le violet et le rouge. Une chevelure vermeille, des yeux d'un vert profond dans lesquels on se perd. Une douce lumière orangée dans le fond, des constellations.

Lucy regarda son œuvre. C'était un bon début. Elle le reproduirait en bien plus grand, elle ajouterait de nombreux détails. Elle paierait sa dette.

— C'est magnifique, Lucy. Je suis fier de t'avoir fait ce cadeau.

La blonde se retourna dans un sursaut, surprise.

— Natsu ?