Chapitre 1

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Je remets maladroitement la lanière de mon sac à main sur mon l'épaule et continue d'arpenter les rues de la ville. Ces vitrines de grands magasins me laissent perplexe. Bien que j'aime faire les boutiques de temps en temps, je ne fais pas partie de ces filles hystériques qui ressentent le besoin de s'acheter de nouveaux vêtements chaque semaine.
Je continue ma découverte jusqu'à tomber face à face avec une librairie. Mon cœur s'accélère alors. Cet endroit me fait ressentir une joie instantanée, bien que je ne sois pas encore rentrée. Je ne pense pas qu'elle puisse tenir tête à ma favorite de Los Angeles, mais sa couleur de marbre lui donne bonne allure rien qu'à l'extérieur.

Je pousse la porte vitrée, ce qui fait retentir une sonnette. Je me sens envoûtée par l'odeur des livres. Ils dégagent un arôme inexplicable, mais très agréable.

-Bonjour, mademoiselle.

Une petite femme assez âgée aux cheveux gris-blancs accrochés en chignon m'accueille, un grand sourire aux lèvres. Ses rides sont assez tracées, ce qui ne gâche pourtant pas son charme. Je lui renvoie son sourire, puis balaye les rangées de livres du regard. J'inspire encore une fois cette délicieuse odeur en fermant les yeux, mais quand je les rouvre, ils se posent sur la couverture d'un livre auquel je tiens énormément.

Mes yeux se ferment, laissant couler une larme sur ma joue. Le souvenir s'insinue peu à peu en moi, jusqu'avoir complètement enveloppé mon esprit. James tapait contre ma porte comme un malade mental. J'adorais ça, mais je ne l'avouerai jamais.

-Dégage ! je lui ai crié, ce qui l'a incité à entrer.

Son visage d'homme et plus d'enfant m'a donné un coup, comme chaque fois que je le voyais depuis plusieurs mois.

-Encore avec un livre !

Il a fixé le livre dans mes mains, bien visible, pourtant j'ai joué l'ironie.

-Je ne vois pas de quoi tu parles...

Il s'est approché, a pris mon coussin et me l'a envoyé dans la tête !

-Arrête, t'es chiant !

Son expression avait changé, comme s'il avait peur que je sois sérieuse.

-Eh.

Il s'est assis sur mon lit et m'a caressé les cheveux.

-Tu sais, c'est très bien de lire. Je le faisais jamais, ce qui peut expliquer que je me sois planté au bac. Mais toi, tu vas pas faire la même connerie, hein la brune ?

-Arrête avec ça !

Le fait qu'il m'appelle "la brune" me faisait complexer. Je n'ai jamais aimé ma couleur de cheveux.

-Si tu veux, j'ai un bouquin, quelque part dans ma chambre, tu le veux ?

-Sais-tu, cher frère, que j'ai arrêté de lire des livres avec des images dès l'âge de six ans ?

-Mais tu vas arrêter de te foutre de ma gueule !

Il s'est passé la main dans les cheveux-ses magnifiques cheveux dorés- et est parti quelque temps dans sa chambre, pour se ramener avec un livre, un vrai.

-Tiens, j'crois que c'est de Molière, ou un truc comme ça.

-Voltaire. Merci, je ne l'ai jamais lu.

J'analyse la couverture. À quoi faut-il s'attendre quand un livre s'appelle Candide ?

En tout cas, je n'ai jamais autant été attachée à quelque chose depuis ce jour-là, surtout depuis qu'il est parti. «Ne t'en fais pas, me disaient mes parents, James a seulement rejoint papi et mamie dans le ciel. »
J'avais beau être en cinquième, je n'y croyais pas. Il était peut-être quelque part, mais sûrement pas avec le reste de la famille en train de faire un barbecue sur les nuages.

Je sors de ces souvenirs douloureux pour me focaliser de nouveau sur le livre. Je sens mes larmes couler le long de mes joues, probablement avec une partie de mon mascara, mais je n'y prête pas attention. Je me mets sur la pointe des pieds pour attraper le livre, mais mes doigts ne font que l'effleurer. Quand je sens que j'arrive à le faire bouger, je remarque une autre main posé sur le bouquin. Je retire la mienne en criant, et le livre s'écrase au sol. Le garçon face à moi se baisse, puis le ramasse. Je tends la main en croyant qu'il va me le donner mais au lieu de ça, il le tourne dans tous les sens pour l'admirer. Je lève alors les yeux vers lui. Il est beaucoup plus grand que moi-environ 1m85- avec de jolis cheveux noirs ondulés. La façon dont ils sont coiffés lui va super bien, je pense alors que je pourrai me faire mon premier ami à Chicago, du moins jusqu'à ce que je remarque ses bras avec trop de tatouages à mon goût.

-T'arrêtes de me mater ?

Ses yeux verts percent les miens. Mon cœur s'accélère devant cet être beaucoup trop beau. Mais nous ne sommes pas dans un livre, le badboy beau gosse ne sortira pas avec la fille timide de la librairie - d'ailleurs, que fait-il dans une librairie - et encore moins avec une brune d'une banalité exaspérante.

-Tu me rends le livre ? dis-je en évitant son regard.

-Ton nom est écrit dessus ?

Ça y est, il m'énerve. Je lui prend le bouquin des mains en répliquant :

-Il n'y a pas d'images dedans, ça m'étonnerait que ça t'intéresse.

-Tu me tutoies ?

Je lève la tête vers lui.

-Tu me vouvoies, peut-être ? je lâche en ricanant.

Il sourit, ce qui le rend encore plus craquant.

-Eh ! Tu te bouges ? Pourquoi on est venu là, déjà ?

Une blonde en talons crie de l'autre bout de la librairie, et j'imagine déjà le regard que lui lance la vieille dame.

-Ouais, j'arrive !

La 5ème merveille du monde me lance un regard que je n'arrive pas à cerner, puis il me tourne le dos en secouant la main.

-A bientôt, petite fille, la prochaine fois qu'on se voit, je t'ammène du démaquillant.

Puis il sort. Ce que je relève dans sa phrase n'est pas le fait que j'ai du maquillage étalé sur la figure, mais qu'il y est une possibilité que je le revois.

T1 - Avant LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant