Chapitre 3

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J'enfile ma combi-pyjama et me jette sur mon lit. Tentant en vain d'anéantir l'insomnie, c'est toujours elle qui parvient à m'achever. Je prends mon téléphone et défile les notifications Instagram, bien que je ne les regarde pas. L'idée de rechercher des gens me vient soudain, mais je n'ai personne à stalker. Quoique... Non. Puis de toutes façons, je ne connais pas son prénom.
Je repose finalement mon portable puis fixe le plafond. Je sens que la fin de ces vacances va être longue...

*

Le réveil reste inconnu à mon audition pendant quelques secondes. Ou peut-être quelques minutes vu l'heure tardive à laquelle j'ai rouvert les yeux.

-Mince !

Je me lève à la hâte pour m'habiller et me préparer. Ma brosse à dents reste dans ma bouche pendant que je me rase les aisselles, puis je me dépêche de me maquiller. Si j'arrive en retard pour mon premier jour de boulot, je suis fichue.

-Elena ?

J'entends mon père m'appeler de son bureau, ce qui me surprend fortement. Je m'oriente vers la pièce en me faisant une queue de cheval sur le trajet.

-Oui ?

-Je voulais te parler, commence-t-il, gêné. Nous avons été un peu... Distants, ces derniers temps. Et j'aimerai que ça s'arrête. Tu es ma fille, et il n'y a aucune utilité au fait que l'on s'évitent.

Il me lance un regard, comme pour m'insciter à répondre.

-Oui, bien sûr. Faisons ça.

Je m'approche du bureau en vieux bois, en fait le tour, puis enlace mon père. Je le sens hésiter, mais il pose finalement ses mains dans mon dos. Mon cœur bat la chamade suite à ce rapprochement, et je lutte pour empêcher mes larmes de couler.

-Bon, je vais travailler.

Il me lâche, et moi aussi. Je reste face à lui un moment, à l'analyser. Ses cheveux sont beaucoup plus grisés qu'il y a trois ans, cependant ils ne lui ont pas enlevé son charisme.

-Où ?

J'avais oublié qu'il n'était pas au courant.

-Au supermarché du coin.

-Bonne journée, alors.

Je souris et sors de la pièce.

-Merci, papa, je chuchote.

Je pars en vélo et arrive environ dix minutes plus tard. Je ne sais trop où aller, alors je décide d'interroger une caissière blonde, mâchant un chewing-gum de façon vulgaire et provocatrice.

-Excusez-moi ?

Elle tourne la tête vers moi. La femme qui récupère ses articles me regarde de façon agressive.

-Un problème, ma poule ?

-Je suis en stage ici, et je ne sais où aller pour commencer...

-Ah ! crie-t-elle en écarquillant les yeux. C'est toi la petite stagiaire ! Va... Mmmh... Tu vois la porte bleue au fond ?

Elle désigne une petite porte du doigt.

-Oui.

-Vas-y. C'est réservé au personnel, alors va demander une Annah. Elle t'apprendra à utiliser une caisse.

-J'ai déjà de l'expérience...

-C'est vrai ?

Elle me regarde d'un air intrigué.

-Assis-toi.

Elle se lève et me montre son tabouret.

-Oh, mais...

Je m'enroule une mèche de cheveux autour du doigt, comme à chaque fois que je ne suis pas sûre de moi.

-Allez.

Je cède et m'asseois finalement. Un homme d'une quarantaine d'année grogne et marmonne des choses dans sa barbe.

-Pas trop tôt...

Je scanne ses articles et tapote sur l'ordinateur face à moi. Il paye par carte bleue et je le salue poliment. Je panique quand la caissière -Sophie, si je suis le nom étiqueté sur son blouson- s'adresse à moi.

-Chérie, la note...

Je sursaute et arrache la note pour la tendre au client.

-Bonne journée !

Il ne répond pas, ce qui m'agace au plus haut point.

-Tu te débrouilles bien. Reste là, je vais te surveiller un petit moment.

Plusieurs heures passent, et mes gestes deviennent des réflexes. Sophie a tellement confiance en moi qu'elle m'a laissé me débrouiller et est allée s'installer à la caisse derrière moi.

-Bonjour, dis-je en souriant au client sans pour autant le regarder dans les yeux.

-Salut, Miss Candide.

Je m'interroge quand j'entends cette voix, alors je décide de lever la tête vers mon interlocuteur. Mon cœur se serre quand je reconnais le garçon de la librairie.

-Heu... Heu...

Je n'ai pas l'air idiote à bégayer, tiens !

-Tu fais passer mes articles ?

-Oui ! Oui, bien sûr.

Mes mains tremblent, et je passe ses... Articles, avec difficulté. Si une boîte de capotes et du papiers toilettes sont considérés comme des articles. Les capotes doivent être pour ses relations sexuelles avec la blonde que j'ai aperçu l'autre jour. Non mais à quoi je pense, moi !

-3.98 euros s'il-vous-plaît.

-Ah, ça y est, tu me revouvoies ?

Je me sens rougir, cependant je fixe mon clavier sans répondre. Il se décidé finalement à payer en liquide. Je tends ma main quand il sort un billet de cinq euros. Mes poils s'hérissent quand ses doigts entre en contact avec la paume de ma main. Il l'a fait exprès, j'en suis certaine ! S'il l'avait voulu, il aurait très bien pu éviter de me toucher !

-Au fait, je m'appelle Tyler, au cas où ça t'intéresse.

-Mmh.

Je ne regarde toujours pas le client. Quand je lève la tête pour le saluer, mon Apollon fait un sourire en coin si attirant que j'ai l'impression de m'évanouir.

-Salut toi, à bientôt.

Il me tend la main, et je n'ai d'autres choix que de la serrer. Quand il la retire, je sens un bout de papier au creux de ma paume. Je le regarde s'éloigner, mais il se retourne pour me regarder. Cette ange tombé du ciel fait mine de m'envoyer un baiser en embrassant sa main puis en soufflant dessus, et je fais de gros efforts pour ne pas rattraper ce baiser imaginaire, mais bien réel pour moi.

T1 - Avant LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant