Chapitre 21

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Je me réveille sur un lit d'hôpital, branchée à divers objets plus insolites les uns que les autres. Mes yeux mettent énormément de temps a s'habituer à la lumière. Je ressens une forte douleur au ventre et j'ai la tête qui tourne.
Un vieil homme en blouse blanche s'approche de moi avec une mine effrayante, à croire que c'est lui le malade. On est bien loin du cliché du charmant petit infirmier américain.

-Comment vous sentez-vous, mademoiselle ?

Bonjour.

-J'ai mal à la tête et au ventre...

-Une infirmière va vous apporter des anti-douleurs.

Après un certain temps, une infirmière assez aimable m'apporte les antibiotiques. Je les avale avec dégoût. Quand ils commencent à atténuer ma douleur, l'infirmière me dit :

- Votre mère est devant la porte, voulez-vous que je la laisse entrer ?

Je soupire, ferme longuement les yeux et acquiesce avec difficulté. A peine la porte s'ouvre que ma mère est déjà au pied du lit.

-Mon cœur, est-ce que ça va ?

-Un peu mieux et je danse sur un char de parade à poil.

Inquiète, elle ne relève même pas ma blague laissant à désirer.

-Qu'est-ce qui s'est passé ?

Très bonne question. Que s'est-il passé... Alexander m'a dit d'aller me faire foutre, j'ai perdu tout mes amis, alors j'ai essayé de mettre fin à mes jours ? Je pense que c'est plausible, mais je n'ai pas envie de lui déballer ça comme ça. Puis d'abord, comment se fait-il que j'ai à lui expliquer ça ? Pourquoi me suis-je loupée ?

-Je pense que tu le sais déjà, sinon je serais pas ici.

Elle soupire, je pense qu'elle est vraiment affectée. Des larmes roulent sur ses joues et ses yeux sont tellement rouges qu'on dirait qu'elle vient de s'enfiler vingt-six joints d'affilés.

-Pourquoi as-tu fait ça ?

-Je sais pas maman, j'en ai marre de tout, je supporte plus... la vie. C'est ridicule, je suis faible, mais il n'y a aucun intérêt pour moi de continuer.

Elle fond en larmes.

-Comment peux-tu dire des choses pareilles ! Tu te rends compte de tes mots ! Tu n'as que dix-neuf ans Elena ! T'es au premier quart de ta vie ! Pourquoi... C'est...

-Calme-toi...

Je pleure à présent avec elle. Je sens que les infirmiers nous regardent d'un sale œil, mais je ne dis rien. Ma mère reprend :

-J'ai déjà perdu un enfant, je ne veux pas en perdre un deuxième. Jason n'a pas eu le choix, toi tu l'as, alors pitié, profite de ta vie, tu n'en as qu'une.

Elle s'essuit la joue d'un revers de main et me murmure :

-Ton père est sur la route.

J'hoche la tête. Un médecin demande à ma mère de sortir le temps de faire des analyses, puis me laisse me reposer. Je me sens un peu mieux, mais je déteste rester collée sur un lit à ne rien faire, c'est usant. Je me mets à rêvasser de ma vie il y a quelques mois... J'étais contre Tyler pour me réchauffer, pendant qu'il mettait son menton sur mes cheveux en me caressant le dos. J'avais mon meilleur ami, mon confident depuis des années. J'ai fait ma première fois... Certes ça faisait mal, mais c'était avec l'homme que j'aimais. L'homme que j'aime toujours... Mais il y avait tellement de secrets et de mystères en lui. Puis ce fameux destinataire "Toi" à qui il envoyait des je t'aime, je ne sais pas comment j'ai fais pour lui pardonner. C'était tellement absurde comme situation. A l'heure qu'il est, il doit être avec cette personne. Mon cœur bat plus fort quand je pense à lui. Il était une superbe rencontre. Je me souviens la première fois que je l'ai vu. Badboy sexy et mystérieux. Il m'attirait déjà, mais j'étais trop coincée pour me l'admettre. Cet homme aux tatouages, aux cheveux bouclés plus long à l'avant, vulgaire, je l'ai aimé comme je n'ai jamais aimé personne. Tyler, tu me manques, j'espère qu'on se reverra un jour, si possible dans de bonne conditions. Je te croiserai par hasard, dans un supermarché. Tu seras avec ta femme et tes enfants, ils te ressembleront beaucoup. De mon côté j'aurai peut-être moi aussi un mari et des enfants, Dieu seul le sait. Pourtant, Dieu n'est pas devin. Je me sens triste en imaginant ce qu'aurait pu être ma vie avec lui. Les petits enfants dans le supermarché seraient les miens, Tyler serait mon mari, j'aurai la famille idéale. Mais ça n'arrivera pas. Parce que j'ai tout fait foiré. D'un côté, je me dis que Tyler avait trop de secrets pour que je reste avec lui, mais de l'autre, je me sens coupable de la fin de notre relation. La dernière fois que je l'ai vu, c'était sur notre plage. Il était si vulnérable... Je l'ai détruit. Je me remémore tous les bons souvenirs de mes moments avec lui, même si les mauvais prennent souvent le dessus. Je me retiens de pleurer, je l'ai déjà trop fait. Mais j'ai l'impression que mon cœur se détruit un peu plus chaque fois que je réalise que je ne le reverrai plus. Je dois faire mon deuil, comme j'ai fait mon deuil de James.

-Quelqu'un veut vous voir, je le laisse entrer ?

J'essuie la larme qui s'est échappée malgré moi et acquiesce. Je ne sais pas comment annoncer ça à mon père, et je n'arrive pas à prévoir sa réaction. Je ne sais même pas si maman lui à déjà tout raconté.
La porte s'entrouvre, et je mets quelques secondes avant de réaliser que c'est un tout autre visage que celui de mon père dans l'entre bâillement de la porte. Je cligne des yeux pour être certaine que je n'hallucine pas. Il ouvre la porte en grand et s'approche de moi. Ses yeux sont rougis, il a pleuré. Il a l'air épuisé. Je ne bouge pas. Il se met à genou pour être face à moi, me caresse la joue et chuchote :

-Salut Bébé, ça faisait longtemps.

T1 - Avant LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant