3. LUCY

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Le lycée.

Ce si beau bâtiment rempli d'adolescents à l'intelligence potentiellement réduite. Ou alors à l'intelligence qui n'est pas située dans leurs cerveaux mais dans leurs pantalons.

Cet endroit dans lequel on apprend à fumer, on touche à la drogue, à l'alcool.

Cet endroit où le seul mot que tout le monde a en bouche c'est "sexe".

 

Celui qui a dit qu'au lycée se déroulent les plus belles années est un parfait crétin.

Et cette phrase vient du cœur.
 
  

Aujourd'hui, j'ai fini les cours à 11 heures, j'en suis heureuse, j'en avais marre... Entre la moitié des filles qui me demandent d'où je connais Natsu et celui-ci, ce petit con prétentieux, qui me fixe constamment, un sourire narquois sur ses lèvres, sans compter les regards qu'on me lance et tous les chuchotements sur mon passage, il y a de quoi devenir folle !  

  

Je rentre chez moi, marchant sur le trottoir, mes écouteurs dans mes oreilles. Oui, j'ai réussi à économiser assez d'argent pour continuer à me payer le forfait de ce téléphone que l'on m'a offert avant la faillite de l'entreprise.

Je m'arrête devant mon immeuble et en fixe les fenêtres dont la plupart ont la vitre cassée. Cet immeuble est misérable, couvert de fissures. Le crépi part peu à peu, les mauvaises herbes poussent autour, les murs sont couverts de tags. Personne n'entretient. Ou alors tout le monde s'en fiche royalement. Je ne connais pas la réponse et je ne suis pas sûre de vouloir la connaître.

Avec délicatesse, je pousse la porte d'entrée et la referme derrière moi tout aussi doucement, car l'immeuble me donne l'impression que, si je la claque trop fort, il s'effondrer ait.
J'arrive dans le hall et fixe l'escalier d'un œil morne. Évidemment, il n'y a pas d'ascenseur. Et j'habite au huitième étage. Bon, allez Lucy, un peu de courage.

Je réajuste bien mon sac sur mes épaules, serre plus fortement mon étui contre mon cœur et commence lentement à gravir les marches une à une.
  
  

J'arrive enfin devant mon appartement, je suis essoufflée. Non, vraiment, gravir huit étages avec un sac aussi lourd en plus de mon étui de violon, c'est la mort !

J'ouvre la porte de l'appartement vide car mon père est à un de ses petits boulots.

Je mets mon sac dans ma chambre avant d'aller dans la cuisine, le mince espace dans un coin, entre deux murs décrépis. Je me munis d'une poêle et casse un œuf. Je les sale légèrement mais ne les poivre pas, nous évitons ce genre de dépenses. Non mais sérieusement, vous avez déjà vu le poids du poivre au kilos ? Je sors une assiette et verse l'œuf au plat, rajoutant aussi une cuillère de légumes surgelés. Je mange en silence, lisant un livre en ligne sur mon téléphone.

§§§


Je suis dans ma chambre, en pleurs, allongée sur mon matelas qui repose au sol. Mes genoux sont ramenés contre ma poitrine. J'ai mal. J'ai tellement mal. Mon cœur, vaillant petit soldat, en a marre. Il a trop combattu, et il en a marre de suer sang et larmes pour que cela ne donne aucun résultat.

Je me lève délicatement et me dirige vers une latte du plancher que je soulève. La latte dévoile une petite cachette dans lequel repose mon journal intime (un ancien cahier de cours dont j'ai arraché les pages déjà prisent), un peu d'argent que j'ai gagné grâce à mon boulot (je suis serveuse dans un bar mais j'ai quelques jours de congé comme c'est la rentrée scolaire. Erza Scarlet et Jellal Fernandez, les patrons du restaurant, sont très attentifs envers moi et mes études, c'est pour cela que je les adore, ça en plus de leur gentillesse démesurée). Ainsi qu'un cadre photo. Je prends celui-ci et effleure le portrait du bout des doigts.

La photo représente une femme ayant un chignon lâche de cheveux blonds. Elle porte une blouse auparavant blanche mais qui est désormais, tout comme son visage, bariolée de traits de peinture de toutes les couleurs possibles et imaginables. Ses grands yeux marrons sont rieurs, elle adresse un sourire éclatant à l'objectif.
C'est ça mon dernier souvenir matérielle d'elle, mon dernier souvenir c'est lorsqu'elle m'a prise dans ses bras, un grand sourire aux lèvres, me murmurant qu'elle m'aimait.

— Maman, je chuchote.

Cette personne auquel je ressemble énormément sur ce cliché est ma mère, la femme qui m'a mise au monde. La femme qui est injustement morte d'un cancer de l'utérus.
On disait que je lui ressemblais beaucoup, qu'il n'y avait que ma couleur de peau un peu plus foncé que je devais à mon père. Mais maintenant, dans mes yeux ne brille plus la même lueur qu'elle. Mes sourires ne sont plus aussi éclatants que ceux qui fendaient son visage. Mon rire n'est plus communicatif que le sien.

— Maman, je reprends. Je n'en peux plus. J'ai mal. Mal au cœur. J'ai un trou béant à la place de la poitrine. J'ai plein de choses à te raconter. Par où vais-je bien pouvoir commencer ? Par le commencement oui, c'est une excellente idée. J'ai fait ma rentrée des classes aujourd'hui, dans le lycée public de la ville, Magnolia. Mais lui, il était là. Oui maman, lui, celui dont je t'ai tant parlé, Natsu Dragneel. Il m'a menacé, me disant qu'il allait me faire vivre un enfer au lycée si je me mettais en travers de sa route. En cours de musique, je me suis fait un ami, enfin je pense. Il s'appelle Grey Fullbuster, il jouait la musique que tu me chantais au piano. Je n'ai pas pleuré, maman. J'ai préféré faire la fille joyeuse en toute circonstance. J'ai préféré mentir sur celle que je suis. Mais c'est dure maman. Trop dure. Parfois, non souvent, j'aimerais en finir. J'aimerais tout arrêter. J'aimerai me libérer. Mais ce serait égoïste de laisser papa. Il a besoin de moi. Ou j'ai besoin de lui, je ne sais pas. En fait, c'est de le garder qui est égoïste. Mais je ne peux pas m'en empêcher. J'ai besoin d'avoir l'impression qu'il est dépendant de moi. Je suis humaine après tout. L'homme est égoïste par nature. Et comme toute égoïste, je ne pense qu'à moi. Et je ne pense qu'à me libérer. Ce que je vais faire ne vas pas te plaire, maman. Mais je n'ai d'autres choix, j'en ai besoin...

Je repose le cadre bien en évidence devant moi et le contemple longuement.

Alors, je me penche un peu et attrape cette chose qui se trouve elle aussi dans ma cachette.

Cette chose, ma seule amie.

Cette chose, ma meilleure amie.

Cette chose qui a tué tant de monde et que, pourtant, je ne peux m'empêcher d'aimer.

Cette chose se nommant une lame.

Cette chose que je porte à mon poignet.

Cette chose qui entaille ma peau.

Cette chose qui fait couler mon sang.

Cette chose dont je suis devenue dépendante.

Cette chose qui me tue peu à peu.

Cette chose que je fais courir sans arrête sur mon poignet fin.

Cette chose qui me permet de me mutiler.

Maman... Tu peux me dire pourquoi ? [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant