29. NATSU

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— Lucy ! Putain ! Lucy !

Je rue dans tous les sens, tentant de m'échapper de la poigne de Grey. Je vais l'buter... Je vais buter Grey s'il continue de me tenir et ensuite. Je vais buter le médecin !!

— Lucy ! Lucy ! Lucy ! Luuuucyy !!

Je parviens à peine à distinguer mon entourage tellement mes yeux sont embués par les larmes. Mais ce n'est pas grave. Car je ne veux rien voir. Je ne veux plus rien voir. Et je veux encore moins la voir, elle.

— Lu... Lucy, je sanglote.

Ma voix n'est qu'un murmure, je l'entends à peine, comme si elle était étouffée par un bâillon. Comme si cette vois n'était pas la mienne.

Je ne vois plus rien.

Je n'entends quasiment plus rien.
J'ai chaud, j'ai terriblement chaud.

Le long bip strident continue de résonner.

Qu'il se taise... Qu'il arrête... Ça me rappelle trop mon chagrin...

Je ne me sens vraiment pas bien.

Je ne vais vraiment pas bien...

Je me sens partir, je me sens basculer en arrière.

Tout est noir.

Je n'entends plus rien.

J'ai l'impression de flotter au milieu de... De flotter au milieu de nulle part, en réalité.

Je suis seul.

Affreusement seul.

Je suis incapable de vraiment réfléchir. Je ne me souviens même plus comment je suis arrivé là...

J'ai froid.

J'ai peur.

Il fait trop noir.

J'ai peur de l'obscurité.

Ou plutôt, de ce qu'elle cache.

C'est cela la mort ?

Ça fait peur.

Ça ne me plaît pas.

Je n'aime pas ça.

Comment des gens peuvent-ils vouloir mourir si c'est aussi sombre, aussi froid, aussi effrayant ?

Je... Bip.

Bip.

Bip.

Bip.

Bip.

Ce... Ce bruit... Je le connais... Je recommence à voir, je recommence à entendre. Je recommence à déceler mon environnement, je recommence à sentir que... Que je suis en vie tout simplement.

Personne n'a remarqué mon malaise. Et ce n'est pas plus mal.

La voix du médecin me parvient.

— C'est... C'est un miracle...

Je bats des paupières pour chasser mes larmes afin que ma vision soit plus nette.

Et je la vois. Elle. Je la voix remuer légèrement des lèvres. Je vois ses yeux tressauter sous ses paupières.

Elle se réveille.

Elle est réellement en train de se réveiller.

Elle revient à la vie.

— Elle... Elle se réveille, fait son père d'une voix entrecoupée de sanglots. Mais... Comment ?

— C'est extrêmement rare mais ça arrive parfois, fais le médecin qui ne parvient pas à cacher l'émotion dans sa voix. C'est seulement une fois que les machines arrêtent de soutenir le corps que celui-ci se remet en marche normalement.

Elle est vivante.

Elle va se réveiller.

Et elle va continuer à vivre.

   

Lucy bat doucement des paupières. Ce n'est qu'une question de secondes.

— Je vais vous laisser dix minutes de retrouvailles, fait le médecin. Elle a besoin de voir ses proches à son réveil. Mais après je vous demanderai de la laisser pour que nous puissions lui faire des examens.

Il sort de la chambre et avant que je ne me ravise je le suis et cours dans le couloir, l'appelant.

— Docteur ! Docteur !

Il se retourne et m'attend. J'arrive devant lui un peu essoufflé.

— Je, euh... Je voudrai m'excuser. Je vous ai attaqué sans aucune raison. Je me suis laissé dominer par mon chagrin et mon attachement pour elle. Alors voilà, je vous prierai d'accepter mes excuses.

— Excuses acceptées jeune homme.

— C'est vrai ?

— Oui. Sachez que certains patients m'ont mordu, ont voulu m'étrangler. Donc croyez-le ou non mais votre prise ne m'a fait ni chaud, ni froid, rit-il.

— Oui mais tout de même, je marmonne, empli de remords.

— Taisez-vous... Je sais ce que vous avez ressenti. Je le sais. Et je comprends parfaitement votre rage.

Son regard se fait vague et j'ai la désagréable impression qu'il a subi un cas semblable à celui que j'ai vécu. Mais l'être en qui il tenait le plus, lui, ne s'est pas réveillé après le débranchement...

Il secoue la tête pour évacuer ses sombres pensées et me tend la main avec un sourire.

— Docteur Gadgeel Redfox.

— Natsu Dragneel.

Je lui souris à mon tour et il repart s'occuper d'autre patient.

  

Je fais demi-tour et m'adosse à l'embrasure de la porte de la chambre, contemplant le spectacle qui se déroule sous mon regard.

Mes yeux s'embuent.

Elle est là. Elle est vraiment là.

Et elle est bel et bien réveillée...

Ce n'est pas un rêve, pas un mirage, pas une illusion, pas une hallucination.

Mais la réalité. Et une belle réalité pour une fois.

Cinq mois. Cinq putains de mois que j'attends son réveil. Elle a échappé à la mort de peu. Elle a échappé à la mort à la dernière seconde.

On se sera battus pour qu'elle survive.

Cette fille est une survivante.

Ma survivante.

  

Grey m'aperçoit du coin de l'œil et il me fait un discret signe pour me dire d'approcher. Mais je secoue négativement la tête.

Je reste à ma place, préférant la contempler de loin.

Elle a un peu maigri, son corps pâle flotte un peu dans sa chemise d'hôpital blanche à pois bleus. Ses longs cheveux d'or sont un peu ternes. Ses grands yeux marrons semblent regarder dans le vide.

Elle n'est pas dans un excellent état et pourtant, je ne l'ai jamais vu aussi belle.

  

Sa tête repose sur l'épaule de Grey qui la contemple comme si elle n'était qu'une illusion et qu'elle risquait de disparaître s'il la quittait des yeux.
Mais elle, je ne suis même pas sûr qu'elle perçoive sa présence.

Son père aussi est à ses côtés, tenant une de ses mains dans les siennes et la serrant fortement. Si fort que je vois presque son poignet devenir rouge.

Mais elle, je ne suis même pas sûr qu'elle perçoive la douleur.

Je déglutis. Moi, elle ne m'a pas vu. Et c'est parfait. De là où je suis, je peux voir ce que son père et Grey ne peuvent pas voir.

Je peux voir qu'elle est absente.

Je peux voir qu'elle ne va toujours pas bien.

Je peux voir qu'elle n'est pas heureuse d'être encore de ce monde.

Maman... Tu peux me dire pourquoi ? [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant