37. GREY

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Je lui tends la tête du crocodile.

— Tiens, partageons cette victime ensemble.

— C'est bien, tu as tout le temps des bonbecs sur toi.

— Ne t'avise pas de me traiter de réserve à bouffe !

Je ris doucement avant d'essuyer une de ses larmes qui ne s'était pas tarie. Elle est belle. Si belle mon ange. Mais c'est désormais une beauté qui me fait mal. Parce que je sais qu'elle ne pourra jamais m'appartenir.

Je lui souris une dernière fois avant de pousser le rideau pour sortir de la chambre. Je sors aussi de l'appartement, de l'immeuble. Il faut que je m'écarte d'elle, le plus rapidement possible.

   

Je marche dans la ville. Je marche, je marche, et je marche encore. Sans m'en rendre compte, je marche jusqu'au parc, jusqu'au banc où nous nous sommes embrassés la première fois. C'est horrible... Tout ce que je vois me la rappelle. Je m'assois sur le banc et regarde des enfants jouer dans le bac à sable. Une mère arrive et gronde gentiment son fils qui avait du sable même sur la figure. Cette mère a de beaux cheveux blonds.

C'en est trop pour moi. J'éclate en sanglots. Tout... Absolument tout me la rappelle. Cette fille a des cheveux épi de blé, un autre a la même longueur de cheveux. Une femme a sa frange. Un petit garçon a de grands yeux marrons. Une fillette a un sourire aussi éclatant que le sien. Cet homme a exactement la même marque de chaussure. La couleur du sweat de cette collégienne est la même que le sien.

J'ai l'impression d'être un fou. Un pervers. Un obsédé.

Je la vois... Partout. Absolument partout. J'ai beau tourner la tête dans tous les sens, il y a toujours quelque chose qui me ramène à elle. Même en fermant les yeux je revois ces longues nuits où je ne trouvais pas le sommeil alors que je devais dormie à ses côtés.

Les passants me regardent mais aucun ne fait mine de venir me demander ce qui ne va pas. C'est normal. On ne se connaît pas. Le gens n'ont en rien à foutre des inconnus, aussi triste soit-il. Je sors un bonbec du sachet dans ma poche et le dévore, suivit de bien d'autre. Désolé Lucy, mais ceux-là, je ne les partagerai pas avec toi. Ils sont pour moi. Uniquement pour moi. Pour me réconcilier. Comme si de la gélatine avec plein de déchets de viande broyés peuvent me remonter le moral.

Mais bon.

On fait avec ce qu'on a.

J'essuie rageusement mes larmes avant de décapiter quatre crocodiles et de les avaler tout rond. Je sors mon téléphone et compose un numéro. Cette personne me répond à la troisième sonnerie.

— Grey ?

— Je veux te voir.

— Grey ? Ça va ? T'as pas l'air bien !

— J'ai besoin de toi.

— J'arrive, j'arrive, dis-moi juste où tu es !

— Au parc en face du lycée.

— Je suis là dans cinq minutes, attends-moi.

Mon interlocuteur raccroche. Je range mon téléphone dans ma poche et me penche en avant, la tête dans les mains.

Putain... J'ai mal à la tête... Elle est partout autour de moi.

  

— Greeeeey !!

Je relève la tête. Elle court vers moi, ses longs cheveux bleus fouettent son visage. Elle se plante devant moi, les mains sur les hanches et reprends lentement son souffle.

— Qu'est-ce qui... Se passe ?

Pour unique réponse, je passe mes bras autour de sa taille et l'enserre, mon visage contre son ventre. Je me remets à pleurer. Elle ne dit rien, ne proteste même pas alors que je trempe son chemisier avec mes larmes. Elle pose une main dans mes cheveux et me les caresse délicatement, tout en douceur. Elle s'assoit sur mes genoux et attends que je me calme, toujours sans un mot. Ses doigts jouent avec mes cheveux, caressent mon crâne, dessinent des arabesques sur mes épaules. Elle embrasse le haut de ma tête.

Maman... Tu peux me dire pourquoi ? [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant