17. LUCY

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Je suis dans mon lit, les genoux contre la poitrine, une couverture sur mes épaules, fixant un point inexistant sur le mur. De toute façon, même s'il y avait réellement quelque chose sur ce mur, je suis certaine que je ne le verrai pas. Car je fixe un point inexistant sur le plaquo sans même le voir. Enfaîte, la seule chose que je vois réellement, c'est la scène qui ne cesse de tourner en boucle dans ma tête et devant mes yeux.

Je revois leurs mains, j'entends leurs rires. Je me souviens de la douleur, de la terreur qui m'a envahi. Et maintenant, j'ai peur. J'ai peur de les revoir. J'ai peur qu'ils apprennent où j'habite. J'ai peur qu'ils viennent me voir un jour, dans l'appartement. J'ai peur qu'ils recommencent.

   

Depuis combien de temps suis-je ici, dans cette position ? Je n'en sais rien. Peut-être seulement quelques minutes. Peut-être des heures.

Je recouvre ma tête de ma couverture comme un unique et dernier rempart.
On toque sur le mur, à côté du rideau qui sépare ma chambre de la pièce à vivre. Je ne réponds pas mais on insiste.

— Quoi ?

— Ça fait un moment que je toque. Tu vas bien ?

Je sursaute à l'entente de la voix de mon père, brusquement sortie de la scène qui recommence sans arrêt. Depuis quand est-il revenu ? M'a-t-il entendu pleurer ? Je lui réponds mais écarte sa question de la discussion.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Des gens désirent te voir.

Mon sang se glace et je me raidis. Des personnes...

— Qui est-ce ?

— Je sais pas. Des garçons qui prétendent te connaître.

Non... Non... NON...

Ils sont déjà là. Ils sont déjà revenus. Ils m'ont déjà retrouvée. Ils vont déjà recommencer...

— Noooon !! Papa ! Surtout pas, je t'en prie ! Ne les laisse surtout pas me voir

Mon père s'adresse alors aux visiteurs.

— Vous avez entendu ma fille, elle ne désire pas vous voir. Je vais donc vous demander de... Mais qu'est-ce que vous faites ?! Revenez ! Non ! Je vous interdit d'ouvrir ce rideau !

Mais les pas sont juste derrière le pan de tissu. Je me recroqueville encore plus sur moi-même. Non... Non, ils ne peuvent pas venir... Cela ne peut pas recommencer, pas déjà... S'il-vous-plaît... Laissez-moi. Laissez-moi en paix... Je vous en supplie...

Mais le rideau est violemment tiré.
Je me mord le poing pour étouffer un sanglot. Encore... Ça va recommencer... Non... Tuez-moi si vous voulez mais pas encore... Ne me salissez pas encore... Ne brisez pas encore plus les fragments qui me constituent...

Les fragments de ma vie...

Les fragments qui ne seront plus que des miettes...

  

Mais soudain je sens des bras entourer la forme enroulée de couverture que je suis.

— Lucy...

J'ouvre les yeux sous le plaid et desserre mes dents autour de mon poing. Cette voix...

Je sens une main écarter les pans de couverture au niveau de mon visage. Lorsque celui-ci est enfin à l'air libre, le nouveau-venu saisit mon menton entre ses doigts avant de me lever la tête. Mon regard croise celui noir ébène d'un garçon. D'un très beau garçon.

— Lucy, me chuchote Grey. Est-ce que tout va bien ?

Je le fixe longuement... Avant de lui adresser un grand sourire.

Maman... Tu peux me dire pourquoi ? [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant