— Maman, si tu savais... Il y a eu tellement de chose aujourd'hui. C'est fou comme, dans une seule journée, il peut se passer autant de choses.
Plus de place. Il n'y a plus de place sur mes bras. Même moi je n'arrive pas à trouver une mince parcelle de peau vierge. Je retire le short de gym qui me sert de bas de pyjama.Et ma lame s'amuse désormais sur la peau fine de mes cuisses.
Je récupère le sang qui menace de goûter sur le sol à l'aide d'un torchon.
— Tu sais maman, je pense que tout le monde devrait porter un chapeau en forme hippocampe afin de lutter contre le sexisme. Tout à l'heure quand je suis rentrée du resto, on a tagué un numéro, mon numéro, disant que je couche gratuitement. Je ne te dis pas le nombre d'appel que j'ai reçu après... Enfin j'ai réussi à l'effacer, c'est déjà ça.
Je me déchaîne complètement avec ma lame. Le fer danse, danse, danse ! Il danse sur ma peau, laissant des fossés rouges dans son sillage, comme preuve de son passage. J'ai mal. Là, oui. J'ai vraiment mal. C'est la première fois que je m'attaque à mes cuisses et je ne suis pas habituée. Mais je continue. Car je l'ai bien mérité. Je paie pour avoir été immonde. Je paie pour ne pas mettre défendue lorsque que cet homme m'a accosté. Je paie pour... Pour être en vie...
J'empêche une nouvelle fois mon sang de tâcher la moquette.
— Sauf qu'il y a pire. Tu te souviens de Zeleph ? Le frère de Natsu ? Eh bien il a tué le petit frère de Grey, car il avait été témoin d'un meurtre. À quel degré de folie faut-il être pour abattre un enfant de sang-froid ? Et... Et j'ai embrassé Grey. Ou il m'a embrassé. Je n'ai aucune idée qui a fait le premier pas. Et j'ai vraiment aimé l'embrasser. J'ai aimé alors que je n'ai aucun sentiment amoureux pour lui. J'ai aimé car ce baiser m'a réconforté et surtout, m'a permis d'oublier. Je l'ai embrassé car il était là, car Grey était sur mon chemin, car c'est mon seul ami. Alors j'ai profité de lui, j'ai profité de notre amitié.
Une larme s'échappe de la barrière de mes cils et vient s'écraser sur mes cuisses, se mélangeant avec mon sang.
— J'ai aimé que sa langue ait rejoint la mienne. J'ai aimé que nous souffles effrénés se rencontrent. J'ai aimé que nos poitrines s'entrechoquent. J'ai aimé ses mains sur ma peau. J'ai aimé ce baiser sans l'aimer lui.D'autres larmes viennent rejoindre la première sur mes jambes.
— Et je me déteste encore plus pour ça.
Je n'ai plus aucun contrôle. Mes larmes dégoulinent sur mes joues tandis que ma lame coupe, coupe et coupe sans s'arrêter.
§§§
Je remonte la bretelle de mon sac sur mon épaule. Je suis horriblement en retard ! Le réveil de mon téléphone n'a pas sonné et je me suis réveillé bien trop tard. J'ai juste eu le temps de m'habiller, de claquer un baiser sur la joue de mon père. J'ai mordu dans une pomme afin de la maintenir dans ma bouche et de m'emparer d'une brosse.
Alors maintenant, je me coiffe, la pomme toujours maintenue dans ma bouche et ayant la désagréable impression de ressembler à ces cochons rôtis qu'on pose sur la table, dans un grand plat, entouré de légumes et... Et avec une pomme enfoncée dans la gueule.
Tout comme moi quoi.
Je range ma brosse dans mon sac et croque ma pomme à pleine dent. Marre de ressembler à un porc rôti !
Lorsque je l'ai finie, je jette le trognon dans une poubelle et continue de presser le pas. Soudain, j'entends la sonnerie de mon téléphone : "Save-me. Save-me. Please. Break-me. No, save-me. Save-me please. Save-me myself." Je décroche.
— Oui ?
— Rien qu'avec ta voix tu m'excites...
Ok... C'est. Qui. Ce. Psychopathe ?!
— Je vous demande pardon ?
— C'est bien toi qui baises gratos ?
— Non. C'est un faux numéro, je grogne.
— Je ne crois pas, nan. C'est le num qui était tagué sur un vieil immeuble.
— Je me permet de vous dire d'aller vous faire foutre.
— Alors déjà, fait-il d'une voix sifflante. La salope elle me parle sur un autre ton.
— Alors déjà la salope elle vous emmerde.
Je piaille dans une grossière imitation de sa voix, levant les yeux au ciel.
— Sale chienne, tu sais pas dans quelle merde tu viens de te fourrer.
— Oui oui, maintenant foutez-moi la paix, connard.
Et je lui raccroche au nez.
Je pousse un long soupire avant de relever les yeux, m'apercevant que j'ai fixé le sol tout le long de l'échange. Et si vous voulez mon avis, j'aurais mieux fait de les garder baisser... En face de moi, je vois un groupe de lycéens ou étudiants, je ne sais pas, assis sur les marches d'un immeuble. Ils me regardent étrangement, un inquiétant sourire sur leur visage. Il y en a même un qui se passe la langue sur les lèvres.
Mais je pense que le pire, c'est ce garçon aux cheveux châtains rasés de chaque côté de son crâne. Le pire c'est ce châtain qui me fixe, écartant son téléphone portable de son oreille.
Les gars se lèvent en un seul et même mouvement et commence à traverser la ruelle afin de rejoindre le trottoir où je me trouve.
Des gars aux visages très inquiétants. Une ruelle sombre. Une lycéenne qui risque de très vite se mettre en position fœtale dans un coin. Toutes les conditions sont réunies pour que l'homme-que-j'aime-sans-que-je-ne-le-sache surgisse et me sauve... Et ainsi on se mariera et on aura plein d'enfants à qui on pourra raconter comment papa à sauver maman. Allez... J'en ai besoin... SOS besoin d'un cliché... Allez, allez, allez... Allez, sauveur de mes deux.... Apparaît, apparaît...
Ils se rapprochent un peu plus de moi, fiers d'avoir réussi à me coincer dans cette ruelle sombre. Leurs sourires s'élargissant encore plus si possible...
Vraiment, sauveur, il est plus que temps que tu arrives. Petit cliché... Petit, petit... Viens, viens me voir...
Viens me sauver, je t'en supplie...Mais le cliché n'est jamais venu...
Le sauveur n'est pas apparu...
Comme pour toutes ces autres filles, il n'est pas venu me sauver de cet horrible acte.
De cet acte qui détruit les fragments qui me constituent.
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Maman... Tu peux me dire pourquoi ? [terminé]
Fanfiction- Je suis désolée... - Pas autant que moi. - Putain... Qu'est-ce que je vais faire si elle meurt ?! Je m'appelle Lucy Heartfilia. Et cette histoire... C'est celle de ma vie. J'ai traversé des épreuves, j'en ai surmonté tandis que d'autres m'ont enfo...