Chapitre 11

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Leurs visages n'avaient pas bougé, n'avaient pas changé d'expression. Une larme coulait le long de ma joue, alors qu'Anna avait la bouche grande ouverte. Je venais de leur expliquer, la reconstitution, la chimio-thérapie que j'avais commencé, il y avait deux jours de cela. Le café, entre temps, c'était dé remplie. Nous n'étions plus beaucoup à l'intérieur.

- Tu... Tu rigoles, Adam, c'est ça ?

Sur les mots de ma meilleure amie, je fermai les yeux. J'avais cauchemardé depuis longtemps de ce moment-là, comment j'allais aborder le sujet. Comment j'allais poser ça sur la table. Je m'étais imaginé beaucoup de réactions, et celle-ci était celle qui me revenait le plus dans mon esprit. En réouvrant les yeux, je pouvais voir des larmes qui coulaient désormais aussi sur les joues d'Anna, alors que Jordan et James ne réagissait toujours pas.

- Pourquoi Adam ? Pourquoi ?

Elle se leva, et s'assit près de moi. Je la pris dans mes bras, et elle partit dans un sanglot, qui durait une bonne minute. Ma main sur son crâne, je regardais James. Ce dernier paraissait perdu dans ses pensées. Jordan, lui, regardait ses pieds, ne voulant pas croiser mon regard. Je leur avais dit. J'étais libéré d'un poing.

- Mais tu sais...

Je relevai la tête d'Anna. Son mascara avait coulé, et son visage était toujours triste.

- Je suis encore là. Je ne suis pas encore parti.

Je la vis serrer des dents, elle essuya ses gouttes à l'aide de sa main. La voir dans cet état me brisait le cœur, et me donnait envie de pleurer. Mais j'avais déjà assez perdu d'eau de mon corps ces derniers jours. Même si cela faisait seulement quatre jours que j'avais appris pour moi, je m'étais déjà fait à l'idée. Le plus dur était de voir mes parents, totalement détruits. Alors, de mon côté, j'essayais de garder le sourire, pour leur prouver que j'allais bien.

- Tu... Tu en as pour combien de temps ?

Je dirigeai mon regard vers Jordan. Sa voix était cassée, et il serrait fortement sa mâchoire.

- Je ne sais pas. Deux ans, trois ans, dix ans... Tout comme une semaine, un mois, ou demain.

Il hochait doucement la tête. Sans réfléchir, je posai ma main sur la cuisse de James. Ce dernier mit quelque temps avant de s'en rendre compte, et il déposa ses yeux dans les miens. Ces yeux qui m'avaient terriblement manqué. Pourquoi devions-nous nous retrouver dans de telles circonstances ?

- Et voici les crêpes au chocolat ! Bon appétit.

Le serveur déposa deux crêpes sur la table, à destination de Jordan et James. Ces derniers les regardaient, sans grande conviction. Anna toujours dans mes bras, son visage caché dans mon cou, j'essayai tant bien que mal de détendre l'atmosphère.

- Mangez-les, ça va être froid.

- On va dire que c'est compliqué après ce que tu viens de nous dire.

Les mots de James vinrent tout de suite me briser le cœur. Cela voulait dire beaucoup. Il tenait encore à moi, et je tenais encore à lui, c'était une certitude. Mais comment pardonner quelqu'un, quand ce dernier nous a détruit, et nous a fait perdre toute confiance en nous ?

- Voilà pourquoi je ne vous l'ai pas dit tout de suite. Pour éviter cela.

Tous me regardèrent, un sourcil levé.

- Je sais, je suis atteint de la leucémie. Je vais m'affaiblir de jour en jour, mais je serais encore là, je serais encore le même. Je serais Adam, celui qui s'est battu pour retrouver deux kidnappeurs, qui ont tué plus de dix jeunes homosexuels. J'adopte désormais un nouveau combat. Et si je veux le gagner, j'aurai besoin de vous. Mais avoir besoin de vous, ce n'est pas recevoir de la pitié. Non. Je veux que lorsque nous nous voyons, rien ne change. Que l'on mette cette putain de maladie de côté, et que nous continuons de vivre, comme nous vivons maintenant. On ne sait pas quand elle va m'emporter. Mais ce n'est pas encore. Il me faut plus que ça pour m'abattre, et vous le savez.

Je pouvais discerner une goutte roulée le long de la joue à James. Il hochait la tête, comme pour me faire comprendre qu'il avait compris. Doucement, sous la table, il déposa sa main sur la mienne, qui était toujours sur sa cuisse.

- Alors mangez vos putains de crêpe avant que je les mange.

Nous nous mettions tous à rire, et Anna émergea enfin de mon cou. Elle sortit de son sac un miroir, et se regarda, une moue affolée sur le visage.

- Y'a que toi pour me faire ressembler à ça.

Je ris, et déposai ma main sur sa joue, alors qu'elle mettait de nouveau du mascara. Ses yeux étaient rouges, et je savais que pour elle, tout comme pour les autres, ça allait être dur à accepté. Ça n'a pas été une étape simple pour moi-même. Quand je suis rentré de l'hôpital, et que ma mère a annoncé la nouvelle à mon père, je suis directement monté dans ma chambre, et je n'y suis pas sorti pendant plus d'un jour. J'ai pleuré, pleuré, et encore pleuré. À tel point que maintenant, j'ai envie de profiter. J'ai envie de relevé la tête, et d'oublier cette maladie qui se trouvait à l'intérieur de moi.

- Elles sont bonnes ? 

Reste Avec Moi. [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant