Chapitre huit

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Deux jours passèrent et l'enquête n'avançait pas, enfonçant Holmes dans une humeur de plus en plus exécrable. Deux jours étaient passés depuis que Nora Klepton avait été identifiée comme étant la détentrice de l'ADN analysé sur le cheveux, lui-même retrouvé sur le lieux du deuxième meurtre.

Deux jours passèrent, et John Watson s'emmêlait dans ce qu'il ressentait. Il avait prit conscience que Sherlock Holmes était incroyablement précieux à ses yeux, trop peut-être. Mais il n'arrivait pas à savoir à quel point. Et cela le perturbait.

Autant dire que lorsque madame Hudson monta le déjeuner ce jour là, elle n'eut même pas le droit à son sourire de gratitude que le docteur lui envoyait d'habitude. Celui-ci était trop occupé à penser, et Sherlock s'énervait tout seul au milieu d'un océan de post-it et de fil rouge. La pauvre dame redescendit vexée, mais leur laissa tout de même le repas. Qu'il ne mangèrent pas.

Le portable du détective gisait sur la petite table du salon, et les deux homme priaient pour qu'il vibre et leur apporte un nouvel élément pour avancer ne serait-ce qu'un peu dans le brouillard qu'était cette enquête. Mais voyons le bon côté des choses : Sherlock ne s'ennuyait absolument pas.

Deux jours passèrent dans une atmosphère tendue, pesante et noire. Les deux comparses ne s'étaient pas vraiment parlés, tout deux trop sollicités par leurs cerveaux, pour deux raisons différentes cependant. Soudain, l'ex militaire se leva, et décida qu'il avait passé assez de temps à ruminer, et que s'aérer l'esprit lui ferait du bien. Prenant son manteau et un foulard, il fit volte-face et fixa Sherlock.

- Je sors, lança-t-il. Tu veux venir ?

Cette demande, il l'avait faite par principe, sachant pertinemment que Holmes ne le regarderait même pas. Et ce fut le cas. Le silence, seulement brisé par les murmures rauques et les vociférations du détective, lui répondit. Alors il se retourna, descendit les escaliers deux par deux et se retrouva dehors en quelques secondes.

L'air glacé du matin lui agressa la peau, trop chaude à force d'être resté enfermé sans bouger. Il se demandai comment Holmes faisait pour ne pas devenir fou, plongé dans ses réflexions durant des heures, sans bouger, sans parler, seulement à solliciter ses cellules grises trop nombreuses. Il n'avait jamais mal à la tête, pourtant. Encore une fois, Watson haussa les épaules d'un air amusé : Sherlock n'avait rien de normal.

Il se dirigea vers le bord de la Tamise et la longea lentement, au rythme des chants d'oiseaux. Une ballade qu'il faisait souvent. L'eau grise brillait des rayons du soleil insistant en cette heure de la journée. Watson marcha quelques minutes, avant d'arriver à un banc peint en bleu, son banc habituel.

Il prit place, et admira en souriant - son sourire n'était que bonté et douceur - deux enfants, âgés de dix et huit environ, jouer ensemble. Ils riaient naïvement en crapahutant sous l'œil attentif mais néanmoins empli de tendresse de leur mère. Une belle femme dans la trentaine, aux cheveux brun-roux. Mais le vue de cette femme ne fit strictement rien à Watson. Il ne pensait qu'à Sherlock, cet espèce de dangereux sociopathe antipathique au possible. Pourquoi ? Oui, ils avaient un lien très fort, à s'y méprendre. Oui, régnait entre eux une osmose sans paroles, animée par de simples regards complices. Oui, ils ne se quittaient jamais sauf exception. Oui, le sociopathe était terriblement attachant, à qui voulait bien prendre le temps de le comprendre. Et oui, Watson ne s'imaginait plus sa vie sans lui.

John, se rendant compte qu'il était encore en train de ruminer ce sujet, passa une main fatiguée sur son visage. Il ferma les yeux, et laissa sa tête tomber légèrement en arrière. Il fit taire la petite voix insolente qui le faisait réfléchir de trop. Il écouta, durant une heure entière, tous les bruits.

Une femme pousse une poussette.

Un enfant rigole.

Un motard un peu trop bruyant passe.

Furieux, un conducteur klaxonne par trois fois.

Un oiseau s'envole brusquement de la branche sur laquelle il était.

L'eau, apaisante, s'écoule lentement, se laissant porter au rythme des courants.

Un enfant tombe, probablement, puis se met à pleurer. Sa mère accoure.

Les voitures se stoppes toutes, le feu doit être passé au rouge.

Durant une heure, il écouta sans broncher les bruits de la vie, et énnuméra tout ce qu'il entendait. Puis, satisfait, il se leva. Son esprit avait comme été purgé par ce moment de concentration, qui l'avait obligé à penser à autre chose. Commençant à sentir très sérieusement le froid de glisser sournoisement sous ses vêtements, il décida de rentrer.

Sur le chemin du retour, au détour d'une avenue, dans la foule compacte de passants, John se figea, son souffle se fit raide, difficile, ses pupilles se dilatèrent et une vague de terreur s'empara de lui. Durant une fraction de seconde, le temps se stoppa.

Devant lui, un regard glacé s'était accroché au siens. Deux yeux bleus revenus des enfers.

Puis le temps repris son cours, et le regard se noya dans le flot incessant de badauds. Et John resta encore paralysé quelques minutes. ''Il'' ne pouvait pas être ici. ''Il'' ne pouvait pas être vivant.
Watson se repris, tremblant, et se remis en marche.

Ses vieux démons revenaient. Et la culpabilité le rongeait de nouveau.

J.O.H.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant