Chapitre vingt

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John faisait face à celui qu'il avait aimé plus que tout, et protégeait celui qu'il admirait et affectionnait plus que quiconque. Son bras tendu devant lui, tenant son arme sans trembler, il fixait Mikaël.

Sherlock, derrière, se retenait d'intervenir. Il serrait les poings, impuissant face à la scène qui se déroulait devant lui. Il ne voulait pas laisser John tirer.

De une, parce qu'il savait que tuer un homme, même un mauvais, briserait son ami, et qu'il ne le supporterait pas.

De deux parce que Mikaël, bien qu'aujourd'hui fou et dangereux, avait été celui qui avait tant partagé avec le docteur.

Cette idée lui fit mal. Vraiment. Savoir, et surtout accepter, que John avait eut quelqu'un d'autre avant lui - bien qu'ils ne soient pas vraiment ensembles - le mettait dans un état de jalousie et de déprime total. Mais ce n'était ni le moment, ni l'endroit pour réfléchir à cela.

Séparés d'une quinzaine de mètre, entourés de flammes ardentes et gloutonnes, John et Mikaël ne bougeaient pas. Ils se regardaient. Même l'ex soldat fou hésitait à tirer.

Il sourit, et John raffermit par réflexe sa prise sur son arme. 

- Pour être franc, je ne pensait pas que ça se finirait comme ça, affirma Mika assez fort pour que les deux hommes l'entende. Tu veux vraiment tirer, John ? Tirer sur moi ? M'abandonner à mon sort sans te retourner, il y a des années, ne t'as pas suffit ? Maintenant, tu veux mettre un terme à mon existence ?

Watson respira bruyamment, comme pour se donner du courage, et ne pas flancher.

- Tu n'es plus le même, dit-il. Et pour protéger mes amis et ceux que j'aime, je n'hésiterai pas à tirer.

- Pour protéger qui ? Sherlock ?

- Oui.

Mikaël foudroya le détective du regard, et celui-ci ne broncha pas, lui rendant ses éclairs les uns après les autres.

- Tu as changé, toi aussi, finit-il par murmurer à John. Tu m'aimais, avant. Et maintenant, tu me tuerais pour cet imbécile ? En es-tu bien sûr ?

John ne répondit pas. Il bougea légèrement ses doigts sur son arme. Ses mains étaient moites, et son pouls trop rapide battait avec fureur dans ses tempes. Autour d'eux, le feu se rapprochait, menaçant, comme un compte à rebours. La Mort, avec sa faux, tirait sur les files du destin.

- On est pas obligés d'en arriver là, murmura Watson.

- Oh que si... Je me ferais une joie d'admirer ton cadavre sanglant pâlir et devenir aussi froid que la glace, mon très cher John... Ce sera l'extase totale...

Sherlock, cette fois, intervint.

- Tu n'auras pas le temps de profiter de ta victoire, je te tuerais, si John ne le fais pas !!

- Sherlock...murmura John d'une voix apaisante. S'il te plaît...

Le détective retint un gémissement de frustration et de colère. Son ami était en danger et lui, pauvre imbécile, ne pouvait rien faire pour l'aider ou l'empêcher de tuer de force !! Les flammes étaient maintenant très proches, brûlantes et affamées. Il ne leur restait plus beaucoup de temps s'ils voulaient pouvoir sortir de la serre, avant qu'elle ne s'effondre sur eux. 

Cependant, il ne dit rien. Il était persuadé que John en était conscient.

Celui-ci réfléchissait à toute vitesse. Son cerveau fatigué et tenant seulement grâce à l'adrénaline ne voulait pas aligner trois mots cohérents dans son esprit.

- S'il te plaît, Mikaël...Pose cette arme...Ne m'oblige pas à te tuer...supplia John en fermant les yeux pour se concentrer.

- Tu m'as déjà laissé pour mort une fois, pourquoi pas deux ? Railla son ancien amant.

Mikaël avança d'un pas et visa. Agissant par réflexe, pour se protéger lui et Sherlock, John ouvrit les yeux, tira deux balles consécutives puis retint son souffle.

Atteint par les deux balles en pleine tête, Mikaël s'écroula par terre dans un bruit mat, légèrement propulsé en arrière par l'impacte du choc. John resta là, à fixer la marre de sang qui petit à petit gonflait près du corps sans vie de celui qu'il avait aimé.

Sans s'en rendre compte et sans même chercher à les retenir, ses larmes coulèrent. Le bras toujours tendu, il rejouait dans son esprit la sombre scène qui venait de se produire. La Mort avait atteint son but et emportait en riant l'âme de l'ancien soldat rendu fou par la douleur de la guerre et du désespoir.

Une main se posa tout doucement sur son bras tenant encore l'arme du crime dont il venait de se rendre coupable. John tourna ses yeux vers Holmes et se mit à trembler violemment.

- Qu'est ce que j'ai fait ? Murmura-t-il. Mais qu'est ce que j'ai fait ?

Sherlock lui intima de se calmer, en lui prenant la main dans laquelle l'arme était encore en joue. Il la lui prit lentement, comme si un seul geste trop brusque briserait le docteur, et balança le pistolet loin d'eux avant de forçer John à s'assoir. Il enserra son épaule valide d'une main et entreprit d'emprisonner les doigts de John de son autre main. Son visage alla s'échouer dans les cheveux en bataille du docteur.

Le feu était désormais trop important pour qu'ils puissent espérer sortir.

Condamnés à périr brûlés dans les flammes qui accueillaient présentement le cadavre de Mikaël au sein de sa chaleur dévorante, Sherlock ne pensait plus à lutter.

- John...ça va aller...je te promet que ça va aller...tu as fait ce qu'il fallait...tu nous as protégé, tout les deux...chuchotait-il dans une psalmodie rassurante.

Le pauvre docteur était effondré dans ses bras, la douleur de son épaule le rattrapant dans une réalité qu'il aurait préféré oublier et la scène tournant en boucle dans sa tête.

Il se laissait aller dans les bras du détective, qui se maudissait de n'avoir rien fait.

Il aurait dû deviner que Mikaël avait un gilet part balle et viser la tête dès le début. Il aurait dû arracher le pistolet des mains de John et l'empêcher de faire ce qu'il avait fait, pour le protéger lui. Il aurait dû faire tellement de choses qu'il n'avait pas faites. Et Watson en payait le prix.

Le détective déposa sur le visage de John milles et uns baisers, évitant toujours soigneusement ses lèvres.

Le feu et la chaleur les étouffait de plus en plus. Autour d'eux, quelques poutres étaient déjà tombées, produisant des détonations terrifiantes. Les deux hommes étaient encerclés.

Ils allaient mourir ainsi, dévorés par les flammes qui jadis avaient déjà rongé cet endroit, et semblaient maintenant terminer ce qu'elles avaient commencé.

J.O.H.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant