Chapitre seize

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John restait pétrifié. Dans une pénombre que seule la lune venait éclairer, ses yeux scrutaient le vide, sans but ni sens. Son esprit enlisé de fatigue mais se refusant de dormir, Watson ne pensait qu'à la seule personne qu'il aimait. Sherlock. 

Ses longs doigts fins abîmées par les produits chimiques qu'il utilisait. Ses yeux bleus-gris qu'il se plaisait à scruter, à apprendre par cœur. Son visage sans imperfection. Ses cheveux bruns bouclés dans lesquels il avait maintes fois rêvé de glisser ses doigts. Son corps d'araignée si fragile et musclé à la fois duquel ressortait une force insoupçonnée qui surprenait souvent ses adversaires. Son sourire, si rare qu'il en était d'autant plus appréciable. Son génie qui, souvent, prenait le dessus sur sa personnalité et, aux yeux des autres, le rendait semblable à une bête de foire.

Les yeux humides, Watson se surpris à sourire légèrement. De tendresse. Pour son ami. Que faisait-il, en ce moment ? Il cherchait un moyen de le sauver ? Il s'en fichait ? Dormait-il ? Ou était-il éveillé ? L'ex soldat aurait tant voulu le voire, à cet instant. Tant voulu pouvoir le toucher, effleurer sa peau, ses lèvres. Ou tout simplement, il aurait voulu pouvoir lui parler. 

Mais il était attaché à une stupide chaise, au milieu de nul part, dans un endroit abandonné, aux griffes de son ancien amant qu'il croyait mort. Qu'il avait lâchement abandonné lors de...cette nuit-là. 

Et sa tête dodelinait dangereusement. Le sommeil allait l'emporter s'il ne faisait rien. Il ne pouvait pas se permettre de dormir dans cette situation. John se mordit la lèvre si fort qu'un écoulement de sang descendit sans bruit jusqu'à son cou, puis sa chemise, qu'il tâcha. La douleur le fit gémir, mais au moins, l'empêcha de s'endormir. 

Il laissa sa tête partir en arrière, et ses yeux se perdirent dans les étoiles. En ville, il ne pouvait que rarement les voir. De là où il était, désormais, il les distinguait toutes clairement. La Voie Lactée passait juste au dessus de lui, dessinant un long chemin céleste qu'il admira longuement. Il remarqua la Petite Ours, et, un peu plus haut, la Grande Ours. C'était les seules qu'il connaissait. 

Passa dans la nuit une étoile filante. John sourit. Lorsqu'il était petit, il croyait qu'elles étaient des étoiles perdues, qui essayaient de retrouver leur chemin. Alors il faisait le vœu qu'elles retrouvent leur place.

Sherlock lui aurait dit qu'il était trop gentil...s'il avait été là.

- Fais chier... murmura-t-il.

Le sang sur ses lèvres s'était tarri et avait séché.

Encore une fois, il tenta de se défaire de ses liens, ignorant la sourde douleur qui chauffait ses poignets au contact de la corde rugueuse.

- Bon sang....merde...

Encore une fois, le sang coulait. John abandonna. Il ferma les yeux et grinça des dents pour empêcher ses lèvres de trembler.

- Sherlock...s'il te plaît...viens me chercher.

***

Sherlock Holmes se réveilla en sursaut. Lorsque ses yeux se furent habitués à l'obscurité et que son esprit redevint lucide, il se gifla tellement fort que sa joue le brûla pendant une dizaine de minutes.

Comment avait-il pu s'endormir dans cette situation ??!

Dehors, les étoiles témoignaient de la nuit. Il devait être un peu plus de trois heures du matin. Le brouillard qui caractérisait tant Londres avait prit sa place dans les rues, à tel point qu'il était difficile de voir la lueur des lampadaires.

Sherlock avait cru entendre la voix de John, dans son sommeil. Mais le voilà revenue à Backer Street, sans Watson. Cependant, il avait désormais un plan. Un plan presque infaillible. A peu de choses près.

Prenant tout ce dont il avait besoin, il se leva et descendit. Madame Hudson se mit sur son chemin, les yeux humides d'inquiétude. Elle s'était réveillée il y avait quelques heures. Le regard accrochant celui de Holmes, elle respira un grand coup pour ne pas pleurer et le supplia, la voix tremblante.

- Ramenez nous le Docteur Watson, Sherlock...

Le détective lui sourit.

- Ne vous inquiétez pas. Je ramènerai notre John, je vous le promet.

A la fois rassurée et encore inquiète, la vieille femme se poussa pour lui donner accès à la porte.

- Et, s'il vous plaît...revenez, vous aussi.

Cette fois ci, Sherlock ne dit rien. Il s'engouffra au sein de la brume inquiétante de la ville.

J.O.H.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant