Chapitre dix-sept

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Sherlock passa la clôture de fer défoncée et s'introduisit dans l'usine sans un bruit. Son corps d'araignée se mouvait agilement dans l'ombre et seul le bruit du vent venait troubler le silence de la nuit.

Il pénétra dans un long couloir dont le toit, autrefois rongée par le feu, était détruit et laissait entrer la pâle lumière de la lune. Ses yeux froids de colère et de vengeance analysaient tout en quelques secondes. Rien ne lui échappait. Ni les bruit, ni les odeurs, ni les traces. Il était tel un chasseur pourchassant une proie.

Le désir de libérer John était tel que son regard était consumé par un feu glacial. Il sentait gronder en lui un sentiment rarement ressentit. La haine.

Dans sa vie, il avait déjà détesté, il avait déjà été en colère et avait déjà perdu son sang froid. Cette fois-ci, c'était encore autre chose. Une chose plus forte, plus profonde et plus dangereuse. Il était tout à fait lucide et maître de lui même, mais une force nouvelle et terrifiante l'animait. Comme une lame tranchante réclamant la vie. Il était droit, calme, mais glacial.

Sherlock tourna à gauche, prit un long couloir parsemé d'obstacles métalliques, puis ouvrit, ou plutôt finit de détruire, une porte déjà à moitié défoncée. Il estima les lieux.

Une sorte de serre dont le toit de verre était en partie brisé. L'espace était plutôt grand. Sans perdre une seconde de plus, Holmes libéra l'espace du mieux qu'il pu, bougeant quelques fois avec difficulté les différents amas d'ordure.

Une fois paré, il sorti de son sac quelques bouteilles d'un liquide transparent et en versa un peu partout. L'affreuse odeur de l'essence emplit la totalité du lieu, et Sherlock dû s'habituer quelques secondes avant d'essayer de respirer normalement. Il ferma les yeux.

Le détective sortit de son sac encore deux choses. Un pistolet. Et un paquet d'allumette.

Décidé, il sortit un petit bout de bois inflammable et l'alluma. La lueur lancinante du feu s'échoua sur le liquide lorsqu'il la laissa tomber. La flamme prit alors de l'ampleur, dévorant avidement tout ce qu'elle pouvait.

Encore une fois, l'endroit brûlait.

Sherlock Holmes s'avança doucement, et se stoppa en milieu du chemin de feu qu'il avait créé. La lumière des flammes dansait sur son visage, et animait en ses yeux une lueur terrifiante.

***

John Watson foudroya du regard l'homme qui se tenait devant lui.

- Sherlock ne viendra pas sans plan, Mikaël, dit-il d'une voix tremblante de rage. Il ne tombera pas dans ton piège, quel qu'il soit.

- Pour toi, mon cher, je suis sûr qu'il y tombera. Par ailleurs, je n'ai pas vraiment de plan.

John ferma les yeux. La fatigue, la faim et la soif lui donnait des vertiges. Une main se posa sur sa joue et la caressa lentement. Watson se débattit du mieux qu'il le put, mais sans grand résultat. Mika retira sa paume du visage de son ancien amant et sortit de sous sa propre chemise le pistolet de Watson.

- Par contre, j'ai un but, murmura-t-il en fixant avec avidité et folie l'arme à feu qu'il tenait dans sa main.

- Ne touche pas à Sherlock.

La voix du docteur était menaçante, comme une promesse de milles tortures, si l'homme osait toucher à un cheveux de Holmes.

- Et sinon quoi, John ? railla le fou. Tu me tueras ? Peut-être aurais-tu une seule petite chance si tu étais en liberté et que tu possédait une arme !! Mais...Tu es attaché, et j'ai ton pistolet.

Il se tut un instant. A quelques centaines de mètres de là, une tour de fumée comme vomie des entrailles de l'enfer s'élevait dans le ciel. La lueur du feu illuminait la nuit.

- Il est là...murmura-t-il. 

John senti la vague de terreur prendre possession de lui.

- Reste là, bien sagement, sourit Mikaël. Ne t'en fais pas, d'ici tu n'entendras pas ses hurlements de douleur et ses supplications.

- Ne. Le. Touche. Pas !!! Rugit John en se débattant, ignorant la douleur de ses poignet et son pouls battant dans ses tempes.

S'étouffant dans un rire glauque, Mikaël tourna les talons, et rangea le pistolet entre sa chemise et son pantalon.

- Lorsque je reviendrai, John, je lui aurais tout dit, avant de le tuer. Il mourra en te prenant pour ce que tu es : un lâche. Tu verras.

John ferma les yeux.

- Non...je t'en prie. Mika...Arrête.

- Oh que non. Je vais me faire une joie de lui expliquer dans les moindres détails. Comment tu m'as aimé. Comment tu m'as embobiné. Comment tu m'as trahi. Et comment tu m'as laissé derrière toi. Sans m'aider. Sans même penser à me sauver.

Sa voix enflait au fur et à mesure de ses paroles. Ses yeux devenaient humides et terrifiants. Il leva la main, comme pour gifler John, mais se retint à la dernière seconde.

- Tu vas souffrir, comme j'ai souffert. Et quand je reviendrai, John....ce sera toi que je tuerai, après t'avoir expliqué comment ses yeux sont devenus froids lorsque la mort l'a emporté...Et comment tu l'as déçu.

Watson pleurait. Mikaël aussi.

Et la mort, se drapant de son habit noir, se préparait à intervenir pour le dernier acte de cette sombre nuit.

***

Gregory Lestrade campait depuis plus de deux heures, avec ses hommes, à quelques kilomètres de Renfield. Il scrutait l'horizon et son téléphone, ne sachant pas d'où le fameux "signal" de Sherlock allait arriver. Dans un silence parfait, les policiers patientaient. L'inspecteur leur avait expliqué la situation.

Leur premier objectif était de retrouver l'otage, le docteur John Watson. Le mettre à l'abri le plus vite possible, lui donner de l'eau et les premiers soins si nécessaire. La deuxième étape serait de trouver Sherlock, de le mettre également à l'abri, et d'arrêter le kidnappeur.

Soudain, son téléphone vibra. Lestrade sursauta, et fit signe aux autres de relâcher la tension lorsqu'il su qui l'appelait.

- Mycroft ? Dit-il.

- Où est mon frère ? Où est Sherlock ?

- Il est...En train de sauver John.

- Bon sang, quel imbécile. Je lui avait bien dit, pourtant, que c'était dangereux...grogna la voix à l'autre bout du fil. Et vous ? Où êtes vous ?

Par réflexe, Lestrade regarda autour de lui.

- Nous sommes, moi et mes hommes, à trois kilomètres de Renflield. On attend un signal de Sherlock.

- Ne bougez pas de là où vous êtes, vous avez compris ? C'est dangereux. Je me charge de tout.

- Mycroft, je suis heureux que vous vous inquiétez pour moi, mais...

- Je ne m'inquiète pas...

Lestrade sourit.

- Mais oui, bien sûr. Vous savez, vous...

Il se tut. Au loin, de la fumée s'élevait dans les airs. Une grande volute de fumée noire et épaisse.

- Lestrade ? Qu'y a-t-il ?

- On doit y aller.

- Je vous interdit d'aller secourir mon frère, c'est clair ? Je vous interdis de vous exposer au danger, c'est un ordre !!

- Désolé, Mycroft.

- Lestrade !! GREGORY !!!

L'inspecteur raccrocha. Il rangea son téléphone dans la poche arrière de son pantalon et ferma les yeux. Mycroft était trop protecteur. Il fit signe à ses hommes de monter dans les voitures et se mit en route.


J.O.H.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant