Ce fut les larmes au bord des yeux et le cœur meurtri que Watson passa la porte de l'appartement et rejoignit son colocataire qui, à cet instant, n'était même plus le sujet de ses pensées embrumés.
Sans un regard pour Holmes, qui nota bien évidemment les tremblements des mains et la pâleur du docteur, celui-ci se laissa tomber lourdement sur son fauteuil, comme si se tenir debout était devenu un effort colossal qu'il n'était plus à même de fournir.
Les souvenirs déferlaient dans son esprit, le noyant tel une vague indomptable, dont l'écume léchait et figeait sa raison.
''Il'' était bel et bien là. Ses yeux, désormais glacés de haine et de cruauté, avaient tellement changés...mais c'était bien eux. Et pour cause, une noirceur sans nom rongeait autant le cœur que le mental de John.
Autrefois, ''Il'' était doux. Une douceur semblable à celle, inépuisable et infatigable, de Watson. ''Il'' était beau, magnifique même, et ses yeux de glace irradiaient de gentillesse et d'espoir. ''Il'' croyait en tout et en tout le monde, ne pouvait tout bonnement pas voire la noirceur chez quelqu'un.
C'était un ange.Mais aujourd'hui...le regard que John avait capté n'était que douleur et vengeance. Plus rien de ce qu'il avait connu ne pouvait se déceler dans les yeux de cet homme.
Holmes arracha le docteur à ses pensées, légèrement inquiet par les larmes qui menaçaient de couler des yeux de son ami. Il s'avança vers lui et s'agenouilla devant son fauteuil, le forçant à le regarder.
- John ? Murmura-t-il. Qu'est ce que tu as ?
- Rien...rien. J'ai juste besoin de me reposer.
La voix blanche de Watson ne rassura pas Sherlock, mais il n'insista pas. L'homme assit devant lui était visiblement choqué, et le brusquer n'était absolument pas une bonne idée. Ainsi, Holmes retourna à son expérience, mais ne parvint pas à s'y consacrer réellement.
Cette nuit là, le détective ne dormi pas. Watson, dans sa chambre, gémissait de douleur et de terreur, en proie à de nombreux cauchemars. Lorsqu'il se réveillait, poussant une sorte de cri étranglé qui ressemblait d'avantage à un gargouillis étrange, il pleurait. Ses sanglots, visiblement éttoufés à l'aide de la couverture posée sur ses lèvres tremblantes et salées, résonnaient dans le silence. Et Holmes n'osait pas bouger. Et ce manège dura jusqu'à 4h du matin.
Un hurlement plus désespéré que les autres fit sursauter le sociopathe qui, finalement, se leva et poussa la porte de sa chambre pour se retrouver dans le salon, devant les escaliers. Mais il resta figé là.
Puis Holmes décida qu'il n'irait pas voir Watson. Sa fierté l'en empêchait, et il ne saurait pas quoi lui dire, peu habitué à ce genre de situation. Mais il pouvait toujours l'inviter à prendre un thé. Il savait que le bruit de la bouilloire résonnait jusqu'en haut, et, en entendant du bruit, John le rejoindrai sûrement.
Ravi de son idée, il fit chauffer de l'eau et prépara deux tasses de thé. Depuis désormais près de d'un an qu'il vivait avec John, il savait exactement quel était le genre de thé qu'il préférait. C'en était de même avec le plat, les biscuits, le nombre de sucre, etc... Il s'amusait à retenir ce qui faisait plaisir à son ami.
Presque un an. Ils avaient résolus bon nombre d'enquêtes, passant de celle du roi de Bohême, où ils avaient eu affaire à Irène Adler, à celle de la ligue des rouquins, où ils avaient dû faire preuve de logique devant la singularité de la chose. Ils avaient combattus intellectuellement et physiquement Moriarty, qu'ils avaient finalement tués. Tout les deux. Ils s'étaient tour à tour sauvés la vie de bien des dangers. Holmes avec sa logique implacable et Watson avec son courage incroyable. Tout cela en moins de douze mois. Un mince sourire apparu sur le visage du détective. Il ne pouvait décemment plus de passer du docteur, désormais, c'était un fait. Sans lui, qui équilibrait la balance par son empathie et sa douceur, il n'était pas Sherlock Holmes, détective consultant.
Plongé dans ses pensées, il n'entendit pas l'objet de ses ruminances descendre des escaliers d'un pas hésitant. Mais lorsque ses yeux détectèrent du mouvement et qu'il croisa son regard rougi par les larmes et tourmenté par la peur, il revint instantanément dans le monde réel.
- Un thé, John ? Demanda-t-il comme si demander à quelqu'un s'il voulait un thé a quatre heure du matin était totalement normal et logique.
Cela fit faiblement sourire Watson. Il devinait que Holmes n'était pas debout par hasard. De plus, celui-ci avait sorti deux tasses. Il l'attendait. Et cette attention fit presque pleurer le docteur, déjà bien faible. Soudain, il n'eut plus qu'un envie, c'était de se laisser aller contre son ami quelques minutes. Mais il n'osa pas. Au lieu de ça, il s'assit doucement à sa place et lança un pauvre sourire à Sherlock.
- Je veux bien, merci...
Sa voix enrouée trahissait de sa détresse. Il avait trop pleuré.
Sans dire un mot, Holmes rempli les deux tasses du liquide brûlant et l'eau prit une teinte pourpre au contact du petit sachet de thé aux fruits rouges. Il laissa tomber deux sucres dans le récipient de son ami, qui fondirent presque instantanément, et bu dans le sien sans en verser un grain. Il n'aimait pas le sucre.Les deux hommes, faces à faces, burent en silence. Le regard de John rivé sur le bois de la table et celui de Sherlock rivé sur lui.
- Hum...
Holmes s'éclaircit la gorge puis passa une main dans ses cheveux, tique qu'il avait lorsqu'il était nerveux.
- Je n'ai pas la prétention de savoir ce que tu as, et de pouvoir t'en soulager ... Mais...
Il se mordit la lèvre, gêné. Watson l'encouragea du regard, presque suppliant.
- Mais j'aimerai que tu me dises si je peux faire quelque chose. Pour toi je veux dire. Enfin...si tu en as besoin.
Il se tut. John venait d'éclater en sanglots. Celui-ci posa une main sur sa bouche et ferma les yeux. Paniqué, Holmes fit le tour de la table et s'agenouilla devant lui.
- Que se passe-t-il ?
l'un de ses mains se posa sur le genoux de son ami et l'autre se porta a son épaule. Il la serra.
Le docteur se pencha en avant et posa avec douleur son front contre celui de Holmes. Ils restèrent tout les deux comme ça pendant quelques secondes, Sherlock essayant de calmer John et Watson essayant de refouler l'horrible blessure qui lui déchirait le cœur.
Au bout de ces quelques secondes, Sherlock se releva, et fit également lever le docteur, le soutenant par les épaules. Il l'assit sur le canapé, puis se laissa glisser près de lui.
Brisant toutes ses barrières, Watson se laissa aller contre la poitrine de son ami. Celui-ci referma lentement sa main autour de l'épaule du docteur effondré. L'autre alla se perdre dans ses cheveux, faisant de petits aller-retour, dans un mouvement rassurant. Mycroft le faisait souvent lorsqu'ils étaient petits et que Sherlock pleurait.
Le sociopathe murmura des mots apaisants, et déposa même un baiser dans la chevelure de l'ex soldat tremblottant.
Ils restèrent dans cette position longtemps. Puis les pleurs de John cessèrent et sa respiration se fit plus calme et régulière. Il dormait. Ne voulant pas le réveiller après la nuit épouvantable qu'il venait de passer, Sherlock laissa sa tête de caler sur celle du docteur, elle-même posée sur son épaule. Et il s'endormit à son tour, contre son ami.
Vers 7h, madame Hudson monta un plateau pour le petit déjeuner du détective, habituellement réveillé à cette heure-ci. Entrant dans la pièce, elle se figea devant les deux hommes assoupis. Un sourire éclatant et attendri naquit sur son visage. Elle posa le plateau sur la table et les couvrit sans les réveiller d'une couverture de laine rouge, prise sur le fauteuil de John. Puis elle tourna les talons et referma doucement la porte, interdisant à quiconque d'entrer.
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J.O.H.N.
FanfictionJohn Watson était habitué à voir son colocataire dans des positions des plus absurdes lorsqu'il s'ennuyait. Il prenait d'assaut le fauteuil, le canapé, les tables et les meubles, tirait avec son revolver - arme de John n'avait jamais réussi à lui en...