Chapitre treize

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Bouleversé et les joues encore en feu, Sherlock s'engouffra dans le taxi qu'il venait de héler.  Après avoir maugréé l'adresse du laboratoire, là où Lestrade lui avait donné rendez-vous, il  s'enferma dans son palais mental. 

Ce qui venait de se passer était beaucoup trop nouveau et étrange pour lui, et cela le mettait dans un état de confusion et de frustration mélangés. Qu'est ce qui lui avait prit, au juste ? Pourquoi était-il passé de la colère à l'envie juste en un regard échangé et en une proximité qui le gênait encore ? Quelques centimètres...Quelques millimètres... Il se gifla mentalement, et manqua de le faire réellement. Le désir le rongeait encore. 

Lorsque le portable avait sonné, quelques millièmes de seconde avant qu'ils ne s'éloignent brusquement l'un de l'autre, Sherlock l'avait embrassé. Juste un effleurement. Mais il avait été envahi d'une telle déferlante de sentiments, qu'il ne pouvait ni oublier, ni se dire que ce n'était qu'une hallucination et qu'ils étaient trop loin pour que leurs lèvres ne se touchent. Un curieux mélange, quelque part entre la douceur des couleurs de l'arc-en-ciel, l'explosion de celles d'un feu d'artifice, la saveur du vent les jours d'été, et la glace des lacs gelés. Entre la chaleur du soleil et le calme de la lune. Entre la lumière des étoiles et la beauté de la nuit.

Il se rejouait encore la scène dans son esprit, et les émotions trop violentes pour êtres contenues correctement l'obligeaient à serrer les poings assez fort pour ne pas laisser ses nerfs flancher. Sherlock n'ouvrait pas les yeux, trop occupé à canaliser son cerveau pour éviter de s'empourprer encore plus. Il fallait absolument qu'il reprenne contenance avant d'arriver au labo, ou Lestrade se douterai de quelque chose. Bien que son Q.I. était probablement égal à celui d'une poule agonisante, il ne louperai pas l'état de trouble dans lequel Holmes était plongé présentement. 

- Excusez-moi, monsieur, mais nous sommes arrivés depuis cinq minutes...

Le chauffeur le regardait d'un air gêné. Les yeux de Sherlock se posèrent automatiquement sur lui, et il entrepris de le dévisager. Quelques secondes lui suffirent. 

Un...non, deux chats. L'un noir, l'autres tricolore. Grand jardin, dont un potager. Apparemment, un chagrin d'amour remontant à moins de deux semaines. Les yeux bleus-gris gênés. Un nouveau chauffeur...il n'exerce ce métier que depuis trois jours, mais il connais bien Londres. Ancien postier. Renvoyé pour utilisation de drogue. A présent en désintox. En conflit avec sa famille...Non, avec sa mère. Plus de père. Un frère respectable. 

Détendu par ce petit jeu, Sherlock lui lança un sourire rayonnant. 

- Bon courage avec votre mère, dit-il calmement. 

- Mais...Mais comment vous...bégaya le pauvre gamin. 

D'un geste, Sherlock le fit taire, le paya et lui laissa un léger pourboire. Puis après un remerciement confus et légèrement effrayé, le taxi démarra et le détective entra dans le grand bâtiment au pied duquel le chauffeur l'avait déposé. 

Il croisa plusieurs scientifiques qu'il mit également à nu - l'un commettait une adultère, un autre était encore célibataire, mais faisait croire le contraire à ses collègues, et un dernier avait comme secret inavouable un fétichisme des pieds- de sorte qu'en entrant dans la pièce où il trouva Lestrade, Sherlock avait reprit le contrôle de lui-même. 

- Alors ? Qu'y a-t-il d'étrange dans ces résultats ? demanda-t-il tandis que le policier lui tournait le dos, ne l'ayant pas vu. 

Lestrade sursauta, et fit volte face avec un air plus que surpris. 

- Sherlock ?? demanda-t-il, incrédule. 

- Eh bien quoi ? S'agaça le sociopathe. Vous m'avez appelé et je suis venu, alors maintenant, dites moi ce qui vous gênes dans ces analyses ADN.

Un long blanc s'ensuivit. 

- Mais...Je ne vous ai pas appelé...murmura Gregory, perdu. J'ai bien les résultats, mais je vous assure que je ne vous ai pas appelé...

Une étrange boule naquit dans le ventre de Sherlock. Une boule lourde, semblable à celles faites de plomb. Lestrade jeta un coup d'œil à son portable. 

- Il y a bel et bien un message d'envoyé, dit-il, sidéré. Mais ce n'est pas moi qui l'ai écrit.

Mais Sherlock n'écoutait pas. Soudain, il demanda :

- Les résultats. Quels sont-ils ? 

- Eh bien...Les ADN correspondent à ceux d'Horace Decker et Obrayan Swilton. 

Holmes s'enferma dans ses pensées. 

Johann Premer, Nora Klepton, Horace Decker et Obrayan Swilton. 

- Réfléchis, réfléchis...grinça Sherlock.

H.J.N.O.

Sherlock blêmit et ouvrit les yeux. Il resta là, à fixer le vide quelques secondes, sous l'oeil inquiet de Gregory.  

J.O.H.N.


***


John Watson était prostré dans son fauteuil, essayant en vain de comprendre pourquoi. 

Pourquoi il n'avait pas réagit pour empêcher ça ? Pourquoi il avait ressenti tant de chose par un simple regard ? Mais surtout, pourquoi est-ce que Sherlock ne l'a pas repoussé ? Et cette seule question le rendait dingue d'espoir et de crainte. Un paradoxe qui l'obligeait à se creuser la tête. 

Sherlock pourrait-il l'aimer ? L'aimer autrement que comme un ami ? Même s'ils étaient tous deux des hommes ? Même s'il n'était ni intelligent, ni incroyable, ni beau, ni même très utile pour ce détective qui était tout son contraire ? 

Trop de questions. Pas assez de réponse. Et le sommeil qui menaçait de l'emporter. Un sommeil lourd. 

Il laissa son regard vagabonder sur les murs, s'arrêter sur le smiley peint de jaune et criblé de balles, repartir pour suivre le chemin tracé par les vêtements étalés du détective, puis s'arrêter à nouveau sur la porte que ledit détective avait fermé quelques minutes plus tôt. 

Il se sentit s'affaisser sur son fauteuil. Puis fermer les yeux. Le sommeil était trop fort. Trop inexorable. Il tiqua. Il ne pouvait pas ressentir une telle fatigue, sans que du gaz soporifique n'intervienne. 

Ses réflexes de soldat s'éveillèrent et il se leva pour sortir de la pièce au plus vite, mais ses forces le lâchèrent, et il tituba quelques mètres avant de s'écrouler. 

Il ne ressenti pas le choc avec le sol dur et froid. Il s'écroula dans des bras forts. Ses bras. Ceux-ci se refermèrent dans son dos avant de le soulever sans trop de mal. Il était là, c'était lui, il le savait. John Watson essaya de lutter contre le gaz, bien qu'en tant que médecin, il savait pertinemment que c'était totalement vain. La peur l'empêchait de respirer, et étouffait toute sorte de son pouvant passer le seuil de ses lèvres. 

- Allons, John...murmura une voix près de son oreille. Une voix aussi glaciale que douce, qu'il ne connaissait que trop bien, mais qui, présentement, filtrait à travers un masque. Cesse de résister...Abandonne...

Watson devina un sourire sur les lèvres de son ravisseur au ton qu'il employait. Mais un sourire vengeur. Sa dernière vision fut la porte qu'ils passaient. 

Le médecin cessa toute lutte inutile et se laissa sombrer dans les méandres de l'inconscience. 

- Bien...dit encore le ravisseur. 


J.O.H.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant