Chapitre 7

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J'avais réfléchi à deux fois avant de prendre ma décision. Papa avait reçu une autorisation spéciale pour rentrer à la maison quelques jours car son dos recommençait à le faire souffrir. Il était allongé sur le canapé avec des boulottes sur le dos pour soulager un peu sa douleur ce qui avait l'habitude de marcher. Maman lui apportait souvent des tisanes bien chaudes et elle le dorlotait au maximum. J'avais à de nombreuses reprises espéré que son mal de dos le force le pousser à une retraite anticipée, même si je sais très bien qu'il préférait mourir que de devenir inutile à notre pays. 


Dans la nuit, vers trois heures trente, mon père commençait à se tordre de douleur et les médicaments n'avaient aucun effet sur son mal de dos. Maman avait appelé les urgences et après un quart d'heure d'attente, une ambulance l'avait emmené dans l'hôpital militaire ou il avait été admis. Nous étions allée avec lui en prenant notre voiture, ma mère était dans la salle d'urgence avec lui alors que j'étais seule dans la salle d'attente. Une infirmière m'avait demandé si j'avais besoin de quelque chose et ce dont j'avais le plus besoin c'était de Tom mon frère. 
Les gens déambulaient dans tous les sens, les infirmières aussi. J'étais là, à attendre des réponses à mes questions, mais personne ne vint me voir, sans doute parce que ma mère était déjà avec lui. J'avais eu le temps de boire six cafés, avant que la pendule dans la salle d'attente pointe ses aiguilles pour indiqué qu'il était six heures. Je faisais des jeux sur mon portable, je lisais des magazines, je buvais encore du café, et j'ai dû dévaliser le stock de muffin de l'hôpital comme je devais désormais me cantonner aux cookies. 

Huit heures. Toujours rien, aucune nouvelle. Je portais encore mon pyjama bleu à pois, mon t-shirt blanc, ainsi que mon peignoir à fourrure. Une dame était à côté de moi, c'était quelqu'un de très bien habillé. Un tailleur bleu marine, des talons noirs, je reconnaissais bien son uniforme de l'armée. Elle avait un attaché-case.

-Vous êtes là pour quelqu'un en particulier ? me dit-elle. 

-Mon père. 

-Revenu du front en mauvais état ?

-Non, il était revenu à la maison quelques jours à cause de problèmes de dos et il a été admis hier soir. 

-Comment s'appelle ton père ? 

-C'est le colonel Forbes. 

-Oh, le fils de Mitchell Forbes décédé sur Pearl Harbor ? 

-Oui c'est exact. 

-Je ne me souviens plus vraiment du nom de ton père, tu sais il est connu seulement parce que ton grand-père était un héros. 

-John Mitchell Jake Forbes. 

-Un héros à son tour. 

-Ça le tuerait de ne pas retourner au front. 

-Oui, je le sais.

-Qui êtes-vous ? 

-Oh excusez-moi, lieutenant-colonel Marina Carter. 

-Je suis impressionnée. Que faites-vous ici ? 

-J'ai...un ami qui est ici je viens prendre de ces nouvelles ?

-Un ami ? 

-À l'origine...c'était plus qu'un ami mais étant donné qu'il est dans l'armée et que les relations entre collèges sont interdites, ce n'est plus que mon ami.

-Vous êtes pilote ou soldat ?

-Il n'y a pas vraiment de différence entre les deux, mais je préfère piloter des avions. 

-C'est mon rêve. 
-Vous voulez entrer dans l'armée ?
-Oui, c'est mon rêve le plus cher. 
-Je serais ravie de t'avoir dans mes rangs dans ce cas.
-J'ai ce rêve en tête depuis longtemps mais personne n'est au courant...
-Je connais ça. Mais c'est quelque chose de fabuleux je trouve. Il n'y a rien de plus beau que de voler. J'aime piloter des avions, éviter des attaques, j'aime voir ce que le monde représente alors qu'on est dans le ciel, c'est une sensation magique, il n'y a rien de plus stimulant que ça. 
-Vous aimez votre travail. 
-Plus que tout oui. 
Quelqu'un entra en furie dans la salle d'attente, totalement sale et paniquer. 
-Arizona! cria-t-il. 
-Tom ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? dis-je en me relevant et en le serrant dans mes bras. 
-Une infirmière a appelé la base, qui a directement appelé notre camp. Un avion partait j'ai sauté dedans. 
-Et tu es là...
-Et je suis là. Comment va papa ?
-Je sais par j n'ai pas de nouvelle...
-En attendant tu n'attends plus seule. 

Une infirmière entra dans la salle d'attente et nous fit signe de venir. Elle nous accompagna à l'endroit où était notre mère pour qu'elle ne soit pas seule à son tour. Maman pleurait, elle était effondrée comme si elle venait d'apprendre que papa était mort. 


-Maman ? dit Tom. 
-Oh Tom tu es là...
-Maman où est papa ? dis-je. 
-Votre père...votre père à une compression de la moelle épinière...les médecins essaient de protéger les nerfs pour que les fonctions corporelles normales, comme aller aux toilettes, contrôler sa vessie et marcher, ne soient pas affectées...
-Mais ? 
-Il va devoir subir une radiothérapie, et se faire opérer mais...
-Il ne pourra plus jamais combattre. 
-Il va devoir prendre sa retraite! s'exclama Tom. Il va mourir! Il mourra de toutes les manières que ce soit par cette compression que par lui !
-Je sais bien... Étant donnés que je travaille à l'hôpital ils ont accepté de me donner accès à son dossier médical mais...vous devez savoir qu'une telle compression peut parfois amener à perdre des contrôles normaux et même la faculté de marcher. 


Ces derniers mots me brisèrent entièrement. Il avait survécu à tant de chose, à tant de guerre, et il souffrait d'une douleur qui ne lui venait pas d'un combat. Voilà ce que c'est d'être soldat ? Parfois on survit à des guerres folles pour mourir d'autre chose qui n'est même pas lié à un combat ?

« Je suis un soldat »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant