Chapitre 25

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Je passais ma journée à réfléchir. Je ne pouvais pas aller la voir directement en lui disant "Bonjour Katherine, je suis votre fille, enchantée." Je ne voulais pas que ce soit la première impression qu'elle est de moi, alors j'avais décidé de prendre rendez-vous avec elle. Je voulais aller à ces séances de thérapie pour vider ce que j'avais sur le coeur et parler de mon histoire sans pour autant lui dire que je suis sa fille, celle qu'elle n'a pas vue depuis des années. Si je faisais ça il était sûr qu'elle me repousserait du premier coup et elle partirait sans doute pour que je n'ai plus la chance de la revoir. 
Mon rendez-vous était dans l'après-midi. J'angoissais de la voir pour la première fois, je ne savais pas à quoi elle ressemblait, je ne savais pas ce qu'elle allait penser de moi. Elle allait sans doute me prendre pour une dingue, mais je devais tenter le tout pour le tout. Je continuais de lire les dossiers, après tout combien de fois mon père m'avait-il, au dû moins, nous avait-il menti ? Personne ne pouvait savoir.

J'épluchais plusieurs dossiers, des dossiers sans intérêt je trouvais. Il y avait les dossiers de tous les soldats qui avaient servi sous le commandement de mon père, à première vue il étudiait chaque soldat qui servait sous ces ordres. Je retrouvais même des dessins que j'avais faits lorsque j'étais petite, il y avait même des tonnes de dossiers de Tom et moi. Au fond, même s'il était mon demi-frère je le considérerais et le verrais toujours de la même manière. Il était mon frère. On n'avait peut-être pas le même sang mais qu'est-ce que ça changeait ? 
Je partis un peu plus tôt de la maison pour aller à ce rendez-vous. J'avais appelé un taxi pour m'y conduire. Je dois avouer que je pensais que le cabinet d'un thérapeute serait un peu plus chaleureux, mais les couleurs nuançaient entre le gris et le blanc. C'était assez froid comme si elle voulait déprimer ses patients qui, en y regardant à deux fois, étaient vraiment déprimés. 


-Mademoiselle Forbes ? C'est à vous. dit-elle. 


J'entrais dans la salle. Les couleurs n'avaient pas changé, toujours des tons froids. Seul son sofa était d'un rouge assez pétant je dirais. Je m'y assis. 
-Alors, c'est la première fois que nous nous voyons. Comment vous appelez vous ?
-Arizona. 
-Je suis Katherine Bandcow. Si tu le veux bien j'aimerais que tu commences à me raconter un peu de ta vie pour bien me mettre dans un certain contexte et pour essayer de centrer le problème. 

-D'accord. 
-Je t'écoute.
-J'ai 17 ans, pour être exacte j'aurai 18 ans dans six mois. J'ai intégré un programme anticipé dans une académie militaire et je souhaite être pilote. 
-Bien. 
-Quand j'étais encore au lycée, j'étais souvent vu même toujours en conflit avec ma mère, je lui reprochais souvent de ne rien comprendre à ma vie, je lui ai dit les pires horreurs du monde. Au point même de lui dire que je regrettais d'être sa fille. Je l'ai insulté de traîner quand j'ai découvert qu'elle trompait mon père alors qu'il était hospitalisé. Quand mon père est rentré c'était compliqué entre eux et finalement ils se sont séparés. 
-Ça fait combien de temps que tes parents ne vivent plus ensemble ? 
-Un peu plus d'un an je dirais. 
-D'accord. 
-Alors que j'étais au lycée je me suis trouvée deux meilleurs amis, qui m'ont finalement tourné le dos quand je leur ai annoncé pour ma rentrée anticipée. Avant de partir mon ancien meilleur ami m'a avoué qu'il était amoureux de moi. Et le truc c'est que je l'aimais aussi. Enfin je crois que cet amour a toujours été réciproque mais personne, pas même nous, ne nous doutions qu'il était présent. Puis je suis partie. Le problème c'est qu'il est de retour dans ma vie comme nous sommes dans la même académie. Je sais qu'on s'est embrassé. Plusieurs fois même. Mais je me suis rendu compte que je n'étais pas prête pour ça, et que tout ce qui était sentiment était comme nouveau pour moi. Je n'arrivais pas trop à m'y faire et je me demande si je m'y ferais un jour. Alors je lui ai dit que je n'étais pas et il m'a clairement dit qu'il ne m'attendrait pas et que s'il devait passer à autre chose il le ferait sans se retourner. 

-Et que ressens-tu face à ça ?

-Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas ce que je ressens. Je tiens à lui plus que tout, mais j'arrive pas à me projeter. 

-Pourquoi ? 

-Parce que je ne veux pas de famille. Je ne veux pas de ça, je ne veux pas que quelqu'un ait chez moi annoncer mon décès à mes enfants ou mon mari. Ce n'est pas imaginable. 

-Tu ressens forcément des choses. Inconsciemment. Tu ne veux pas faire souffrir les gens, tu veux souffrir toi. Tu n'es pas obligé de faire ça. La souffrance se partage. Tu ne veux pas faire souffrir tes futurs enfants tu m'as dit, donc quelque part tu aimerais connaître le vrai amour. C'est peut-être lui.

-De toute façon ça ne serait clairement pas possible. 

-Pourquoi ? 

-Parce que, on va être dans l'armée tous les deux alors...

-Tu sais, lorsque deux personnes s'aiment follement, les lois ne veulent plus rien dire. 

-J'ai du mal à y croire. 

-Même si c'est dur, parfois il ne faut pas réfléchir, seulement suivre son coeur. 

-J'y arrive pas. Durant des années j'admirais le couple de mes parents, du moins quand j'étais petite, mais maintenant je ne suis plus admirative. 

-Car ta mère a trompé ton père ?

-Oui. Comment peut-on espérer avoir une vie heureuse si lorsqu'on s'en va et qu'on revient on ne retrouve plus ce même bonheur qu'on a laissé ? 

-Ce sont les risques de la vie. Tu ne pourras pas vivre ta vie si tu as constamment peur d'avoir mal ou même d'échouer. Professionnellement comme sentimentalement. Tu dois perdre pour gagner, échouer pour avancer. Tu grandis avec des erreurs. Comment veux-tu être forte si tu te gardes de ressentir des choses merveilleuses ?

-Mais la peur...
-La peur ? La peur tu la ressens tout le temps. Quand tu montes en voiture, quand tu pilotes un avion, quand tu vois tes enfants dehors, tu as toujours peur mais c'est juste qu'elle s'intensifie lorsqu'ont que quelque chose nous effraie. Et toi tu as peur d'aimer. 
-Ça vient peut-être du fait que je n'ai jamais eu de vraies mères. 
-Comment ça ?
-Ma mère n'est que ma mère adoptive. Mon père m'a eu avec une autre femme et je ne l'ai que découvert récemment. 
-Tout est lié. Tu n'as pas confiance car certaines personnes que tu estimais ton menti et tourner le dos. Mais ce n'est pas pour autant que tu dois vivre sur des regrets et de la haine. Cette rage fera de toi une mauvaise personne et tu n'as que dix-sept ans et toute la vie devant toi. 
-Ouais mais quelque part connaître qui est ma mère est important, je pourrais pas savoir qui je suis réellement si je ne sais pas réellement d'où je viens. 
-Prend contacts avec elle. 
-C'est déjà fait. 
-Tu lui as parlé .
-En quelque sorte. 
-Comment ça?
-Disons qu'elle m'a écouté parler de ma vie pendant un quart d'heure et qu'elle m'a posé des questions en quelques minutes que mes parents de m'avaient jamais posé. 
-Alors continue de lui parler. 
-Et si elle ne veut pas de moi .
-Il faudrait être une horrible personne pour ne pas vouloir connaître ces enfants. Surtout quand on les a mis au monde. Il n'y a rien de plus terrible. 
-Vous êtes sûr .
-Je ne suis qu'une thérapeute, je ne dois pas porter de jugementoù te dire quoi faire réellement, je dois juste te mettre sur la voie. 
-Et j'en suis où ? 
-À mon humble avis, tu es tout près de réussir. Mais tu t'imposes des barrières, comme si tu avais quelque chose à te prouver. 
-C'est peut-être le cas. 
-Une personne normale ne peut pas s'imposer autant de barrière que tu t'en imposes.

-Je suis un cas désespéré alors.
-Non. Mais tu vois, tu t'imposes des obstacles que tu t’efforces de franchir. Tu as su que tu avais ta mère biologique quelque part. Tu as fait quoi ? Tu as essayé de prendre contact avec elle. Tu te fais du mal et tu essaies de te guérir à la fois. Tu ne dois pas faire ça, c'est exactement comme ça qu'on se détruit. 
-Je ne peux paraître que fort. Les faibles ne sont pas respectés dans le travail que je vise. 
-Tu dois te montrer forte envers les autres, mais toi, tu as droit de t'accorder quelques moments d'humanité, des moments où tu dois évacuer par des pleurs, des cris trouvent ta solution, mais une solution passive et non violente. 
-D'accord. 
-Je te propose qu'on se revoie demain pour continuer cette conversation. 
-Oui. 
-14h ?
-Je serai là.

-Arizona, tu n'es pas seule.

-Je le sais. 

-Alors dit le toi, parce que j'ai l'impression que tu l'oublis. 

« Je suis un soldat »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant