Chapitre 1.1

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C'était une journée monstrueusement chaude - la plus chaude de toute l'année, à bien y penser. Le doux mois de mai avait laissé sa place à un mois de juin plutôt caniculaire. Il n'y avait aucun nuage à l'horizon, seulement un soleil plus que brûlant. Les écoles étaient restées ouvertes malgré la chaleur suffocante.

J'étais avachi sur mon bureau et regardais par la fenêtre du deuxième étage. Je n'en pouvais plus. L'air était humide et irrespirable. Des gouttes de sueur perlaient mon visage, mon dos, ma nuque, - voire l'intégralité de mon corps. Ma professeure d'histoire avait sûrement aussi chaud que nous, mais elle n'en laissait rien paraître. Je m'étais perdu dans mes pensées pour en oublier la canicule qui m'enveloppait. Je jouais, comme à mon habitude, avec mon collier, toujours suspendu à mon cou.

Tout ce que je savais, c'était que je l'avais depuis ma tendre enfance. Le seul objet que je possédais avant mon adoption. C'était un pendentif orné de minuscules diamants avec, au centre, une petite boite de la taille d'une amande gravée de symboles.

Ces symboles représentaient pour moi un mystère ambulant. Je n'avais jamais découvert ce qu'ils signifiaient. Croyez-moi, j'avais passé des mois, si ce n'était pas des années, à tenter de trouver leur signification, et mes nombreuses investigations se sont soldées par des échecs. J'ai fouillé sur internet, épluché chaque livre du sujet dans les bibliothèques du coin, et même eu recours à un professionnel. Mais rien à faire. Les gravures de mon porte-bonheur sont toujours restées dans l'ombre. À présent, je m'efforçais de croire que ce n'étaient que de vulgaires dessins esthétiques.

Et pourquoi en faire tout un plat pour si peu, me demandez-vous? Eh bien, on m'avait dit un jour que mon collier était un bien que ma mère biologique m'avait donné. Ayant toujours vécu sans rien savoir à propos de ma famille biologique, j'imagine que je sentais le besoin de connaitre et de découvrir tout ce que je pouvais sur celle-ci. Même si ce n'était qu'un collier. Je devais au moins essayer.

Et puis, j'avais toujours aimé penser que l'on m'avait offert ce bien pour une raison. Peut-être cachait-il un message me permettant de les retrouver une fois plus vielle? Ou peut-être les symboles représentaient-ils une religion, un endroit culturel, une ville ou juste un indice sur ce qu'ils sont? Il y a quelques années, j'aurai tout donné pour au moins connaitre une petite part d'eux. Mais aujourd'hui, quand la question me revenait à l'esprit, je la chassais aussitôt. En vieillissant, j'avais graduellement fait mon deuil. J'avais abandonné tout espoir. Et je n'avais pas de regrets : j'avais réellement tout essayé. Il a fallu que je tourne la page. Alors, je m'étais créé une explication plausible. Et à présent, j'arrêtais de me torturer l'esprit.

Une voix aiguë me tira de mes rêveries.

-Célena, peux-tu me répéter ce que je viens de dire? demanda soudainement mon enseignante, les mains sur les hanches, visiblement furieuse que ses efforts pour nous enseigner sous la canicule n'étaient clairement pas pris au sérieux.

-Je, euh... quoi? répondis-je en me relevant rapidement, alors que plusieurs regards convergeaient déjà dans ma direction.

-C'est bien ce que je croyais. Soit attentive au cours, au lieu de regarder n'importe où. C'est à l'avant que ça se passe, alors redresse toi et regarde au tableau. Ce n'est pas en somnolant que tu vas réussir ton année.

« Il fait 1000 degrés dans la classe et on crève la dalle. Excusez-moi de manquer d'un peu de concentration » aurais-je voulu riposter. À la place, je pris sur moi et me calai dans ma chaise en rentrant les épaules.

-Oui oui...

À mon grand désarroi, le reste de la période me parut durer une éternité. Ce n'était pas que la révolution américaine était ennuyante, loin de là. Mais étant donné les circonstances cuisantes du moment, tout effort de concentration tombait rapidement dans l'oubli.

La dernière magicienne (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant