Chapitre 7

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Nous étions maintenant vendredi. Mes cours étaient maintenant terminés, et je retournais chez moi, à la marche. J'étais soulagé d'avoir enfin deux petites journées de congé pour souffler un peu. Les cours n'étaient pas de tout repos ces temps-ci. La fin des classes approchait à grands pas, et les enseignants s'empressaient de nous coller des millions de contrôles aux fesses. Mais bon, je m'en sortais, et c'était le plus important. Oui, car avec tout ce qui m'arrivait, ma concentration n'était pas très forte. Dans les 3 jours qui ont suivi la rencontre avec le fantôme dans ma chambre, divers phénomènes étranges me sont tombés dessus. D'ailleurs, je n'avais pas revue ma visiteuse nocturne.

Quand je parle de phénomènes étranges, croyez-moi, c'est assez dingue. Premièrement, le mardi, à leur du lunch, mon goût s'est subitement amélioré. Je pouvais détecter chaque ingrédient, chaque épice, chaque arôme de tous les plats que je mangeais. C'était assez troublant. Le jour suivant, c'était au tour de mon toucher. C'était à son tour de s'améliorer en l'espace de peu de temps. Dès que je touchais un objet, je sentais la texture de celui-ci, mais avec dix fois plus de sensibilité. Si je touchais mon chandail, je pouvais jusqu'à sentir les fibres de tissu qui le composait. Et le lendemain, imaginez. Je ne fus même pas surprise par ma nouvelle aptitude. Ma vue avait changé, et ce fut l'élément le plus perturbant de tous. Je voyais tout. Absolument tout. Je vous explique.

Ça a commencé alors que j'étais assise sur un banc dans la forêt avec Gwen et trois autres copains. Il était assez tard, et le soleil avait disparu. J'ai fermé les yeux pour profiter de la sensation du vent sur ma joue, et de l'odeur de la végétation qui flottait dans l'air. Lorsque j'ai rouvert les yeux, c'est là que tout avait changé. Tout était plus brillant, comme si la lune était pleine, mais je ne voyais toujours qu'un mince croissant, une faucille de couleur crème dans l'obscurité du soir. Tournant mon regard vers la forêt, je m'y suis sentie attirée, comme dans une photographie en trois dimensions. Je voyais distinctement chaque aiguille du pin, chaque cocotte et chaque branche tombées par terre. J'apercevais chaque insecte, chaque roche, chaque grain de sable. Je voyais virevolter des particules d'énergie, semblables à de microscopiques comètes, dans l'air. Je pouvais distinguer chaque atome, dansant dans la nuit tout autour de moi. C'était tellement beau.

Pour être franche, j'ai aussi failli m'évanouir, car avec mes cinq sens réunis, je captais beaucoup d'information. Trop, même. J'avais le goût de fermer les yeux, me boucher les oreilles et me recroqueviller sur moi-même, pour cesser de recevoir ce trop grand flux d'informations. Mais je ne fis rien de tout ça. Je dus me forcer à contrôler ma respiration, devenue saccadée, pour ne pas attirer l'attention.

Ça, c'était hier soir. Aujourd'hui, j'avais réussi à garder un certain calme toute la journée, mais dès que la cloche avait sonnée, j'avais déguerpi de ma classe pour me rendre chez moi. Mes mains tremblaient, et j'avais un horrible mal de crâne. J'avais eu des vertiges et des nausées toute la journée, et je caressais l'idée de poser ma lourde tête sur mon oreiller.

À cette pensée, j'accélérai le pas.

*

J'arrivai enfin chez moi, et je poussai un soupir de soulagement. Je gravis les marches du perron. La porte n'était pas barrée, et je l'ouvris. Dès que je pénétrai dans la maison, des éclats de voix me parvinrent, sans que je perçoive les mots employés. Sheila était probablement au téléphone.

Je me penchai pour dénouer les lacets de mes souliers et, quand je me relevai enfin, une voix autre que celle de Sheila fendit l'air. Cette fois, je pu distinguer clairement la phrase.

-Je sais que c'est difficile à accepter, mais c'est pour sa sécurité.

Ma respiration se bloqua. Cette voix, rauque, douce, et tellement enivrante. Elle appartenait à Evan.

La dernière magicienne (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant