Chapitre 4

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Pourquoi la ville est si bruyante, ce matin?

J'émis un grognement geignard en me retournant dans le lit tout en pestant silencieusement. Une matinée de tranquillité était-il trop demandé? J'enfouis ma tête dans les oreillers et me recroquevillai sur moi-même. Je me sentais horriblement mal. J'avais l'impression d'avoir des boules de billard à la place des yeux, et d'avoir reçu une transfusion de gomme à mâcher. J'avais la bouche sèche et la poitrine en vrille. L'expression « épave humaine » semblait être parfaite pour me décrire ce matin.

Des murmures incompréhensibles me parvinrent, suivi de grognements des moteurs de voiture. J'entendis des rires et des crissements de pneus. Et une panoplie d'autres sons affreusement barbants qui me donnaient la migraine.

En serrant les dents, je me retournai une fois de plus dans l'espoir de diminuer la sensation de malaise que je ressentais, en vain. Au contraire, cela ne fit qu'aggraver les choses. Je pris une inspiration en sentant mon cou se tendre, tandis que des frissons remontaient le long de mes bras.

De mon lit, j'entendais des oiseaux chanter à gorge déployée, et le fredonnement de Sheila, qui devait être en train de s'occuper de ses plantes. J'entendais les voitures qui se klaxonnaient dessus, les piétons qui discutaient, et le bruissement des feuilles des arbres au vent. J'entendais tout une ribambelle de sons, des sons que je n'aurais pas été capable d'entendre en temps normal. Des sons que j'avais commencés à percevoir hier soir.

J'émis un gémissement larmoyant à la pensée de cette soirée. Tous les souvenirs de la veille défilèrent dans ma tête, et le mélange d'émotions que j'avais vécu me frappa de plein fouet. Je me couvris le visage de mes mains en tentant de calmer la panique nouvelle qui m'enserrait la poitrine. Ma gorge se serra douloureusement, et mes yeux commencèrent à me chauffer. Toute ma nuit avait été tourmentée de cauchemars de tout genre, et je n'en pouvais plus. Je pris une nouvelle inspiration en chassant tout souvenir de la soirée éprouvante de la veille loin de mon esprit. Je n'avais pas le moral à y mettre de l'ordre tout de suite. Plus tard, oui. Mais pas maintenant.

J'ouvris un œil et regardai mon cadran. 10h. Il fallait que je me lève, au lieu de ruminer dans mon lit. Il fallait que je bouge, sinon je risquais de rester clouée là pour le restant de la journée. Non sans difficulté, je me hissai hors de mon matelas. Saisie d'un étourdissement soudain, j'empoignai le bord de la table de chevet tout en fermant les yeux, attendant que ça passe. Un instant plus tard, me sentant plus solide sur mes pieds, je sortis dans le couloir pour me diriger comme un zombi vers la salle de bain.

Je refermai la porte derrière moi en silence, et m'avançai près de l'évier. Je levai la tête vers le miroir en redoutant l'affreuse mine que je devais avoir. Mes yeux rencontrèrent mon reflet dans la glace, et je réprimai un hoquet de surprise.

Horreur ou stupéfaction, je ne savais pas lequel j'éprouvais le plus. Je n'en croyais pas mes yeux. Je m'apparentais exactement à comment je me sentais. Terrible. J'avais d'énormes cernes noirs, le teint blafard et les cheveux sens dessus dessous. Mes yeux étaient rouges et boursoufflés, sans parler de ma mine d'enterrement.

En poussant un léger soupir, j'entrepris de me dévêtir, puis sautai dans la douche. Je ne m'étais jamais sentie aussi sale et mal dans ma propre peau. Je me sentais, aussi bizarre cela pouvait paraitre, étrangère dans mon corps. C'était assez déconcertant.

Je fermai les yeux tout en laissant l'eau chaude ruisseler sur mon corps. La chaleur réconfortante m'enveloppa, et je me sentis tout de suite mieux. Je baissai les yeux au sol, et vis l'eau serpenter sur le carrelage gris. Le bruit de celle-ci qui frappait le sol emplissait mes oreilles et parvenait à couvrir les sons environnants, m'isolant ainsi dans le petit cocon de vapeur dans lequel j'étais. J'avais l'impression qu'elle me dépouillait et me débarrassait de cette impression de malaise que je ne pouvais décrire. Comme si elle me ressourçait. J'avais la nette sensation que je muais, comme si je perdais mon ancienne peau pour en avoir une nouvelle. C'était aussi agréable que perturbant.

La dernière magicienne (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant