Maison des Dumont, mercredi 19 juin 1940, 19h30.Une fois la préparation terminée, je demande un peu d'aide à ma soeur pour tout ramener dans la salle à manger. Mon père, ainsi que les deux allemands sont déjà attablés. Je m'installe en face de Engel, qui ne me quitte pas des yeux.
Depuis l'incident, je n'ose plus vraiment le regarder. Malgré ça, il tente plusieurs approche. Comme me demander si je peux lui passer le sel - qu'il pourrait très bien attraper lui même -, me proposer si je veux de la sauce ou même me reservir de l'eau alors que je n'ai rien dit.
Heureusement, mon père ne voit rien, j'ai également réussi à cacher mes blessures : ma lèvre est dégonflée grâce aux soins apportés, je recouvre alors chaque jour ma bouche d'un rouge à lèvre. Pour mon nez, j'ai menti, en prétendant m'être prise une porte. Actuellement, il discute avec Karl de ce qu'il se passe dans la ville, soit disant que le maire s'est attiré les foudres des allemands. Ils pensent que mon père - l'adjoint du maire - devrait le remplacer.
Je ne sais pas trop comment mon père voit les allemands. Certes il a connu la première guerre mondiale en tant que postier, c'est lui qui faisait le contact entre les hommes au front et la famille de ces derniers. Vers la fin de la grande guerre, il m'a aussi avoué qu'il apportait des colis assez important à Paris.
Alors en ce moment même, je ne suis pas sûre que mon père les voit comme des monstres, néanmoins je ne pense pas non plus qu'il les porte dans son coeur. Lorsqu'il converse avec Karl ou Engel, il reste poli mais froid.
Le verre manque de me glisser des mains lorsque je sens un souffle derrière moi se poser dans ma nuque. Je ferme les yeux un instant pour reprendre le contrôle de moi même et pose le verre dans l'armoir.
-Rose, puis-je vous parlez ? À l'instant même, ce qu'il me choque le plus, est qu'il me demande l'autorisation de me parler. Lui qui est d'habitude si franc, il ne m'interroge jamais pour savoir si il peut ou non me faire la conversation. Serait-ce à cause de l'événement précédent ? Je suppose.
-À quel sujet ? Je suis obligée de me concentrer pour ne pas que ma voix tremble. Le général remarque assez vite mes faiblesses, et je n'aime pas ça.
-Au sujet de cette après-midi. Je sais que vous avez dit 'accepter' mes excuses, cependant, j'aimerai savoir si cela était sincère ou, juste pour vous débarrasser de moi. Parle Engel, de son accent toujours aussi allemand, aussi prononcé, aussi parfait.
-J'ai effectivement accepté vos excuses. Sans faille. J'étais sincère. Je réponds tout en me retournant, levant la tête, presque pour paraître fière. Néanmoins suis-je sincère avec moi même ? Non. Le voir revenir vers moi de cette façon me donne un sentiment de supériorité, étrange mais réel.
Cependant, je crains que cela ne lui plaît guère. Il fronce immédiatement les sourcils puis se redresse encore plus qu'il ne l'était déjà, pour bien me faire comprendre que c'est lui ici, qui commande. Je suis obligée de lever la tête pour pouvoir le regarder.
-Très bien, alors nous sommes revenus au même point de départ.
L'homme reprend son éternel regard froid, me toise un instant de ses yeux clairs, puis tourne les talons pour se diriger vers les escaliers. Je suis convaincue de l'avoir blessé dans son pauvre égo, sa grande fierté, sa propre personne, son amour-propre. De ce fait, nous sommes revenus à ce "point de départ" comme il aime l'appelé.
Un sourire vient fendre mon visage, je souris. C'est bien la première fois que je marque un point. Lui qui a toujours le dessus, c'est à mon tour. Même si j'ai comme la drôle impression que je vais le regretter.
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Romance ou violence ? [Nv T1]
Historical FictionLes allemands sont arrivés le mardi 11 juin 1940 dans ma ville : Reims. Accompagné des réquisitions, des restrictions, de la violence sur civils. Beaucoup de personnes les voient comme des monstres sanguinaires, personnellement, mon avis est assez...