Les cheveux en bataille, une nouvelle veste en cuir sur les épaules, il tentait de se forger un air confiant alors qu'il s'apprêtait à entrer dans une énième taverne. Il en était à la combientième déjà? Il réalisa qu'il avait perdu le compte dans un froncement de sourcil. Plus les jours passaient et plus il se sentait fatigué. Avec un soupir de regret, il se mit à penser qu'il avait peut-être était arrogant.
La gamine ne semblait pas vouloir être retrouvée.
Et il commençait à douter de sa capacité à pouvoir le faire.
Il avait pensé avoir réussi à la cerner. Il pensait la connaître au moins un peu. Mais plus il s'enfonçait dans ces terres de la bordure extérieure, plus il se perdait parmi le repère de pourris en tout genre, et plus il se demandait s'il ne s'était pas trompé. Les rumeurs qui lui parvenaient n'étaient pas pour arranger ses angoisses.
Depuis quelques semaines, un nom glissait sur ses lèvres. Il le lançait parfois en quête d'informations et tendait l'oreille à chaque fois qu'il le percevait dans une conversation. Un murmure indistinct qui soufflait le chaud et le froid. Une appellation qui suffisait à en faire taire certains et fuir d'autres.
La Griffe.
Cillant pour s'accoutumer à l'obscurité du bar, Poe espérait vraiment qu'il s'agissait bien d'elle. Parce que dans le cas contraire, il n'avait pas réellement envie de se retrouver face à la responsable des macabres exploits dont il avait eu l'écho.
La taverne était sacrément remplie. Une foule bariolée se disputait la semi-pénombre. Des lanternes faisaient rougeoyer la fumée au dessus des têtes et jouer les ombres sur les visages. Une odeur âcre d'encens et de sueur alourdissait l'air. Malgré le brouhaha, il devinait le crissement des lames, leur éclat parfois accroché par une lampe.
On le bouscula pour entrer et le pilote se retrouva noyer dans la masse. Silhouette indistincte, il avait l'impression d'avoir été avalé par un monstre hideux, grouillant et pas franchement porté sur l'hygiène. D'un coup d'œil, il entrevit ce qui semblait être le centre de l'attention de tous et l'épicentre de l'excitation collective : une espèce de gage aux parois d'un métal rouillé. Les rangs se resserrèrent autours d'elle, l'empêchant d'en voir plus, et les cris redoublèrent. Des hurlements enthousiastes, des paris exorbitants, des invectives menaçantes et des injonctions autoritaires firent bourdonner les oreilles du pilote, qui ne parvint pas à toutes les décrypter avant d'être propulser contre le bar.
Un tabouret lui rentra dans les côtes. Il grimaça le souffle coupé, sans avoir le temps de se retourner vers le gorille, qui avait déjà été avalé par la foule. Poe grinça des dents. Malgré la douleur, il se redressa et tenta de retrouver son assurance. Le barman passa devant lui sans lui prêter la moindre attention. Un tablier, qui avait dû être blanc à une certaine époque, mais qui était désormais taché de ce qu'il espérait être du vin ou un autre alcool à la robe carmin, cachait à peine sa jambe mécanique. Les cheveux orangés coupés en brosse et ses nombreux tatouages indiquaient indéniablement une formation militaire, peut-être même un mercenaire. En somme, encore une personne qui serait toute disposer à répondre à ses questions.
Alors que le barman le dépassait une nouvelle fois, le pilote songea à l'espèce de poule-girafe, à l'étrange homme avec sa pince de crabe, à la terrifiante mais non moins humaine veuve noire, et tous les autres qu'il avait déjà interrogé. Il ne grappillait des informations qu'au compte-goutte, lorsqu'il ne manquait pas carrément de se faire tuer. Il avait vite saisi le type de personne qu'il recherchait et celui auquel elle faisait peur.
La Griffe semblait être une mercenaire. Bossant à son compte ou pour celui d'un plus gros poisson, elle était apparue du néant il y avait de cela à peu près cinq mois. Soit un après la disparition de la gamine. De Haine, se corrigea mentalement le pilote, le regard dans le vide. C'était parfois tellement plus simple de ne pas utiliser son prénom, beaucoup moins douloureux, alors il en avait perdu l'habitude.

VOUS LISEZ
Unforgettable - Tome 2 (En pause)
Fiksyen PeminatCertains disent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Ceux-là devraient revoir leur manière de penser. Il y a des désirs si violents qu'ils ne peuvent être étouffés, des actions si inattendues qu'elle ne peuvent être effacées, et des crime...