Souvenir de la 3ème 2

4. Laure Charpentier

Mercredi 21 Septembre

Je pète tellement la forme que je décide d'aller au collège en tenue de sport. Super motivée, je choisis de m'y déplacer à trottinette. Même s'il est huit heures du matin, il fait déjà très beau.

Arrivée devant la maison de Léopold, je sonne et en l'attendant, je me chante Hakuna Matata dans la tête. Je connais Léopold depuis la maternelle, on a toujours fait le chemin ensemble étant donné qu'on a habité dans le même immeuble pendant sept longues années. Nos parents sont d'ailleurs de très bons amis.

Quand il a eu son accident, on s'est encore plus rapprochés. C'est arrivé en CE1. Alors qu'on rentrait chez nous, un petit a laissé échapper son ballon. Ce grand imbécile a couru pour le rattraper au milieu de la route. Je me souviendrais toujours du sourire satisfait qu'il m'a adressé en l'attrapant juste avant de se faire renverser.

La voiture ne s'est même pas arrêtée. J'ai arrêté de respirer avant de me jeter sur son corps inerte. J'avais vu Le Roi Lion quelques jours auparavant et la scène où Mufassa meurt m'avait marqué. J'étais persuadée que mon ami avait lui aussi été tué. J'étais partie en ambulance avec lui, dans un état second.

Mais Léopold ne s'est jamais abattu sur son sort. Il ne parle en fait presque jamais de son handicap. Quand on s'est vu pour la première fois après son accident, il n'a fait que sourire en m'écoutant patiemment. Je crois que ça nous a fait nous rendre compte d'à quel point la vie pouvait être courte. C'est un miracle qu'il aie survécu et on le sait tous les deux.

Il sort de sa maison d'un air maussade comme tous les matins. Il baille et pose son casque autour de son cou avant de me regarder d'un air accusateur.

- Alors traîtresse ? Tu t'es finalement souvenue du chemin vers ma maison ?

- Tu sais que je le fais pas exprès, c'est juste qu'on a plus les mêmes horaires, m'excuse-je. Et puis, on se parle tous les soirs.

- Fausse excuse ! Justement, on ne se parle que par Discord. C'est pas normal vu qu'on est dans le même collège...

Il a l'air vraiment déçu. Le pire, c'est qu'il a raison. Si on se voit moins au collège, c'est parce que je sais que ça rend jalouse Mélissa. C'est ma meilleure amie et je l'adore, mais j'aimerais qu'elle comprenne que Léopold est aussi mon meilleur ami. 

Elle pique vraiment des crises parfois, c'est assez embêtant. Je ne peux pas le dire à Léopold, car il se moquerait de Mélissa ou bien, il m'en voudrait de préférer contenter la blonde plutôt que de lui tenir tête.

Je préfère orienter la conversation sur autre chose.

- Quoi de neuf sinon ?

- Hier, j'ai vu ma note pour le premier contrôle de maths de l'année... Et mes parents vont me tuer, grommelle-t-il en tripotant ses lunettes, il fait toujours ça quand il est stressé.

- T'as eu combien ?

- seize et demi.

Je ris. Les exigences de ses parents me feront toujours halluciner. Léopold a beau être le meilleur dans presque toutes les matières, ses parents trouvent toujours un moyen de le faire culpabiliser sur ses notes. Trop bizarre. Moi, je me maintiens à quinze et mes parents sont très fiers de moi.

En arrivant devant le collège, je gare ma trottinette puis on se sépare tandis que je vais vers le gymnase. Je commence le mercredi par deux heures de sport. On fait du badminton en ce moment donc je suis contente étant donné que j'en fais en club.

Je rejoins les filles dans les vestiaires pour poser mon sac à dos. Je salue et mate un peu tout le monde en attendant que Mélissa choisisse si elle se fait une queue-de-cheval ou une couette sur le côté. Étant donné que j'ai les cheveux plutôt court, je les ai mis juste derrière mes oreilles et les ai fixés avec des barrettes.

 La plupart des filles ont bien passé la puberté. Par exemple, Safia a une énorme paire de pare-chocs. Je ne sais pas si je l'envie ou je la pleins. Moi, je n'ai même pas besoin de porter de sous-tifs tellement il y a rien. Si je mets une brassière de sport, c'est juste pour l'effet de mode.

Nous installons les filets et choisissons nos raquettes avant de s'échauffer. Tout le monde est là sauf Djamila et Hadia. Elles sèchent toujours le sport donc c'est pas étonnant. Lisa, quant à elle, est dispensée à cause de sa scoliose qui lui fait d'ailleurs porter un corset. Ça doit être ultra embêtant. Je ne connais pas trop Lisa, car elle est assez discrète et ne fait pas vraiment partie d'un groupe d'ami dans la classe, mais elle a l'air sympa.

On continue la montante-descendante qu'on a commencé ces deux dernières semaines. Je suis avec Mélissa dans les premiers terrains. Maxime est le meilleur joueur de la classe, mais il laisse toujours Mélissa gagner. Je ne sais pas si je trouve ça mignon ou si ça m'agace. Si Mélissa n'était pas aussi fascinée par Léopaul, ils feraient un joli couple.

Je passe mon temps à faire des égalités avec Delmar Patil. On a à peu près le même niveau et la même manière de jouer du coup, c'est souvent long de nous départager. Delmar est le frère jumeau de Léopaul, mais ils ne se ressemblent pas du tout. Delmar est beaucoup plus maigre et fait tout le temps la gueule, on dirait qu'il a échappé à la guerre ou un truc du genre.

Je ne crois pas l'avoir vu sourire à pleine dent une seule fois de ma vie, mais je le préfère à Léopaul. Au moins lui, je vois sur son visage ses émotions et son agacement à chaque seconde de sa vie alors que Léopaul lui affiche toujours une sorte de masque souriant. Trop flippant.

Le cours d'après est allemand. Je suis trop excitée par le voyage qu'on va faire. La prof nous fait remplir des fiches d'identités en allemand pour les correspondants pour qu'elle puisse nous mettre par source d'intérêt. Ils sont moins nombreux à faire français alors certains d'entre nous auront à partager leur correspondant. Si c'est le cas, j'espère que ce sera avec Mélissa.

Il y a toujours un absent dans la classe depuis le début de l'année, un certain Vincent. Ça doit être un gars qui a déménagé en ville cet été vu qu'il fait allemand et qu'on l'a jamais vu. Les profs disent que ce n'est pas une erreur de l'administration. Je me demande s'il finira par venir. J'ai l'impression qu'au début de l'année, il manque toujours au moins un élève de la liste de classe.