Vendredi 27 Janvier
J'adore l'Art Plastique ! Un peu moins le vendredi matin en première heure, car j'ai moins d'imagination, mais j'adore quand même. J'aime le fait que je ne puisse jamais savoir en rendant mon devoir si c'est bien ou pas. Pour un même devoir, je peux sûrement avoir deux ou quinze selon l'humeur de ma prof. C'est exaltant !
D'ailleurs la prof, je la trouve formidable. Elle porte toujours des sarouels bohèmes et une paire de tongs ainsi qu'une veste en laine quelle que soit la saison. C'est un miracle qu'elle ait encore des orteils avec le froid qui règne en ce moment. Elle me fait trop rire avec ses cheveux qui ressemblent plus à des lianes qu'à autre chose et sa manière d'écarquiller les yeux chaque fois qu'elle parle. Pendant les cours, elle passe son temps à marcher entre les îlots de tables avec des murmures d'appréciations sur notre travail. Cela se voit qu'elle est passionnée par son métier.
Cependant, aujourd'hui, elle doit être très fatiguée. En effet, elle nous donne juste une instruction avant de plonger sur son fauteuil devant son ordinateur. On doit rendre quelque chose à la fin de l'heure. Je dis quelque chose, car elle nous a juste donné le thème qui s'intitule juste Ombre et a ajouté que nous ne devions pas utiliser de couleurs, mais le support peut être celui que l'on veut. On peut faire de la peinture, du dessin, du collage, de la photo ou de la sculpture ou encore autre chose, mais il faut rendre un texte explicatif avec.
- Comment on peut faire de la sculpture dans une salle de classe ? demande Maxime, l'air perdu.
- Avec de la colle ? propose-je.
Il me regarde bizarrement avant de partir chercher des outils au fond de la classe. Après vingt minutes à réfléchir, je n'ai toujours pas commencé. Je n'ai pas d'idées. Ça m'arrive rarement alors je regarde ce qu'on fait les autres à ma table. Charlotte découpe des trucs noirs dans des magazines pour les coller ensemble et en faire une sorte de mosaïque.
Delmar a pris de la peinture noire et la jette de manière aléatoire sur sa feuille canson d'un air maussade. Il a toujours l'air maussade alors ce n'est pas surprenant.
- Tu fais quoi ? demande-je. C'est dans le thème ?
- Qu'est-ce que l'ombre ? Une tâche sombre sur un fond plus clair, fait-il en pinçant les lèvres.
À mon avis, il n'a juste aucune idée de ce qu'il fait. Maxime a emprunté l'appareil photo de la prof et se balade dans la classe en photographiant des trucs au hasard en espérant que ça l'inspire. Il compte ensuite imprimer en noir et blanc sa photo. C'est quoi le rapport avec l'ombre ?
Je me lève pour aller voir le travail des autres îlots. Sur la table, d'à côté se trouvent les deux meilleurs dessinateurs de la classe, Serena et Eugène. Ils sont tous les deux un peu bizarres. Serena est une sorte de sataniste, je crois.
J'ai entendu dire qu'elle faisait des rites et que c'est comme ça qu'elle s'est pété le bras. Avec le bras restant, elle dessine au crayon un homme et son ombre. Elle a pris le thème dans son sens le plus commun. C'est juste une silhouette sombre et un peu déformée, que projette sur une surface le corps qui intercepte la lumière. C'est joli en tout cas.
Eugène quant à lui dessine un gros monstres avec pleins de yeux et un air flippant. Avec l'hiver, mon camarade de classe a de la morve qui coule de son nez. Il n'essaie même pas de s'essuyer. Je grimace, mais lui pose quand même une question.
- C'est quoi le rapport avec le thème ?
- Bah, une ombre ça fait peur comme les monstres des cauchemars !
S'il le dit. Camélia fait une mosaïque comme Charlotte, mais Djamila dessine un visage féminin.
- C'est quoi l'ombre là ?
- Je ne l'ai pas encore fait, mais je vais lui mettre de l'ombre à paupières avec des paillettes dorées !
- Mais la prof a dit de ne pas mettre de couleur...
- Ce n'est pas une couleur les paillettes, réplique-t-elle avant de retourner à son œuvre.
Si elle le dit. Devant eux, il y a la table de Mélissa. Elle est trop belle cette fille. J'aimerais bien lui ressembler, mais c'est genre impossible, car elle est trop inatteignable. Elle n'a pas l'air d'avoir d'idée comme moi, car elle regarde juste dans le vide et il n'y a encore rien sur sa feuille. À côté de d'elle, Nicholas est en train de décalquer une image de Peter Pan et son ombre. Ce n'est pas très original.
Léopaul dessine tout pleins de personnes avec des sourires inquiétants au-dessus d'une mer de feu. Il ne dessine ni mal ni bien, mais la tête des personnes me mettent un peu mal à l'aise. Léopaul est super beau alors je ne l'aime pas trop, car il me fait rougir. Mes parents m'ont toujours dit de ne pas faire confiance aux gens qui déclenchent dans notre corps des trucs qu'on ne veut pas.
Caroline a juste fait une sorte de rond pour l'instant.
- C'est quoi ?
- Je vais dessiner la lune et l'ombre du soleil dessus.
Je plisse les yeux. Il y en a une qui a des idées étranges. Je regarde le travail de Théo. Je l'aime trop, Théo, il est super gentil et un peu réservé. Il a des lunettes excentriques, mais il m'écoute toujours parler quand j'ai pleins de trucs à dire. Il sursaute en me voyant derrière lui. Il a fait une planche de bande dessinée.
- Tu comptes faire quoi ?
- Dans la mythologie, une ombre, c'est une personne morte qu'on se représentait comme une espèce de fantôme, sans réalité matérielle. Alors je fais une minie bande dessinée avec des personnages bâtons sur ça.
C'était une bonne idée. Je l'encourage avant de retourner à ma place. Il ne me reste plus beaucoup de temps d'après l'horloge. Je me demande quoi faire. Je pense que c'est Serena qui a raison alors je dessine un arbre, un homme couché dans son ombre au crayon. Je ne dessine pas bien du tout, mais c'est quand même assez ressemblant.
À la fin du cours, quand la prof relève nos œuvres, je ne sais pas si j'aurais une bonne note ou pas, mais je suis réveillée pour la journée.
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Souvenir de la 3ème 2
Novela JuvenilDans ce livre, les pensées les plus intimes de 26 élèves de 3èmes sont exposées. Apprenez à les aimer, à les apprécier. Découvrez leur destin et leur parcours. Ouvrez ce livre et plongez dans leur psychée...